Collected Poems in English and French (5 page)

BOOK: Collected Poems in English and French
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En l'honneur des muets des aveugles des sourds

A la grande pierre noire sur les épaules

Les disparitions du monde sans mystère

Mais aussi pour les autres à l'appel des choses par leur nom

La brûlure de toutes les métamorphoses

La chaîne entière des aurores dans la tête

Tous les cris qui s'acharnent à briser les mots

Et qui creusent la bouche et qui creusent les yeux

Où les couleurs furieuses défont les brumes de l'attente

Dressent l'amour contre la vie les morts en rêvent

Les bas-vivants partagent les autres sont esclaves

De l'amour comme on peut l'être de la liberté.

(L'amour la poésie, 1929)

Second Nature

In honour of the dumb the blind the deaf

Shouldering the great black stone

The things of time passing simply away

But then for the others knowing things by their names

The sear of every metamorphosis

The unbroken chain of dawns in the brain

The implacable cries shattering words

Furrowing the mouth furrowing the eyes

Where furious colours dispel the mists of vigil

Set up love against life that the dead dream of

The low-living share the others are slaves

Of love as some are slaves of freedom

(Love, Poetry, 1929)

La vue

à Benjamin Péret

A l'heure où apparaissent les premiers symptômes de

la viduité de l'esprit

On peut voir un nègre toujours le même

Dans une rue très passante arborer ostensiblement une

cravate rouge

Il est toujours coiffé du même chapeau beige

Il a le visage de la méchanceté il ne regarde personne

Et personne ne le regarde.

Je n'aime ni les routes ni les montagnes ni les forêts

Je reste froid devant les ponts

Leurs arches ne sont pas pour moi des yeux je ne me

promène pas sur des sourcils

Je me promène dans les quartiers où il y a le plus de

femmes

Et je ne m'intéresse alors qu'aux femmes

Le nègre aussi car à l'heure où l'ennui et la fatigue

Deviennent les maîtres et me font indifférent à mes désirs

A moi-même

Je le rencontre toujours

Je suis indifférent il est méchant

Sa cravate doit être en fer forgé peint au minium

Faux feu de forge

Mais s'il est là par méchanceté

Je ne le remarque que par désoeuvrement.

Scene

At the hour when the first symptoms of mental viduity

make themselves felt

A negro is to be seen always the same negro

In a most thoroughfare ostensibly swanking a red tie

He always sports the same beige hat

He has the features of spite he looks at no one

And no one looks at him

I love neither roads nor mountains nor forests

Bridges leave me cold

I do not see their arches as eyes I am not in the habit of

walking on brows

I am in the habit of walking in quarters where there are

the most women

And then I am interested only in women

The negro also for at the hour when boredom and fatigue

Daunt and detach me from desires

Then I meet him always

I am detached he is spiteful

His tie is certainly wrought iron with a coat of red-lead

False forge fire

But whether or not he is there out of spite

It is certain that I only notice him for want of something

better to do

Un évident besoin de ne rien voir traîne les ombres

Mais le soir titubant quitte son nid

Qu'est-ce que ce signal ces signaux ces alarmes

On s'étonne pour la dernière fois

En s'en allant les femmes enlèvent leur chemise de lumière

De but en but un seul but nul ne demeure

Quand nous n'y sommes plus la lumière est seule.

Le grenier de carmin a des recoins de jade

Et de jaspe si l'œil s'est refusé la nacre

La bouche est la bouche du sang

Le sureau tend le cou pour le lait du couteau

Un silex a fait peur à la nuit orageuse

Le risque enfant fait trébucher l'audace

Des pierres sur le chaume des oiseaux sur les tuiles

Du feu dans les moissons dans les poitrines

Joue avec le pollen de l'haleine nocturne

Taillée au gré des vents l'eau fait l'éclaboussée

L'éclat du jour s'enflamme aux courbes de la vague

Et dans son corset noir une morte séduit

Les scarabées de l'herbe et des branchages morts.

Parmi tant de passants.

(La vie immédiate, 1932)

The shadows are yoked to an obvious determination to

see nothing

But forth from its nest the evening staggers

What is that signal those signals those alarums

It is the last astonishment of the evening

The women departing slip off their chemises of light

All of a single sudden not a soul remains

When we are gone the light is alone

The carmine loft has nooks of jade

And jasper if the eye shuns nacre

The mouth is the mouth of the blood the elder

Cranes its neck for the milk of the blade

A flint has cowed the tempestuous night

Risk infant trips up daring

Stones on the stubble birds on the tiles

Fire in the harvests in the breasts

Playing with the pollen of the breath of the night

Hewn at the hands of the winds the water

Catches up her skirts and the scrolls of wave

Set the spark of dawn aflame

And in her black bodice a corpse seduces

The scarabs of the grass and of the dead boughs

In a so thoroughfare

(The Immediate Life, 1932)

L'univers-solitude

1

Une femme chaque nuit

Voyage en grand secret.

2

Villages de la lassitude

Où les filles ont les bras nus

Comme des jets d'eau

La jeunesse grandit en elles

Et rit sur la pointe des pieds.

Villages de la lassitude

Où tous les êtres sont pareils.

3

Pour voir les yeux où l'on s'enferme

Et les rires où l'on prend place.

4

Je veux t'embrasser je t'embrasse

Je veux te quitter tu t'ennuies

Mais aux limites de nos forces

Tu revêts une armure plus dangereuse qu'une arme.

Universe-Solitude

1

A woman every night

Journeys secretly.

2

Villages of weariness

Where the arms of girls are bare

As jets of water

Where their youth increasing in them

Laughs and laughs and laughs on tiptoe

Villages of weariness

Where everybody is the same.

3

To see the eyes that cloister you

And the laughter that receives you.

4

I want to kiss thee I do kiss thee

I want to leave thee thou art tired

But when our strengths are at the ebb

Thou puttest on an armour more perilous than an arm.

5

Le corps et les honneurs profanes

Incroyable conspiration

Des angles doux comme des ailes.

— Mais la main qui me caresse

C'est mon rire qui l'ouvre

C'est ma gorge qui la retient

Qui la supprime.

Incroyable conspiration

Des découvertes et des surprises.

6

Fantôme de ta nudité

Fantôme enfant de ta simplicité

Dompteur puéril sommeil charnel

De libertés imaginaires.

7

A ce souffle à ce soleil d'hier

Qui joint tes lèvres

Cette caresse toute fraîche

Pour courir les mers légères de ta pudeur

Pour en façonner dans l'ombre

Les miroirs de jasmin

Le problème du calme

5

The body and the profane honours

Incredible conspiracy

Of the angles soft as wings.

But the hand caressing me

It is my laughter that unclasps it

It is my throat that clings to it

That ends it

Incredible conspiracy

Of the discoveries and surprises.

6

Phantom of thy nudity

Phantom child of thy simplicity

Child victor carnal sleep

Of unreal liberties.

7

It is the breath the yestersun

Joining thy lips

And it is the caress the fresh caress

To scour the frail seas of thy shame

To fashion them in gloom

It is the mirrors of jasmine

The problem of calm.

8

Désarmée

Elle ne se connaît plus d'ennemis.

9

Elle s'allonge

Pour se sentir moins seule.

10

J'admirais descendant vers toi

L'espace occupé par le temps

Nos souvenirs me transportaient

Il te manque beaucoup de place

Pour être toujours avec moi.

11

Déchirant ses baisers et ses peurs

Elle s'éveille la nuit

Pour s'étonner de tout ce qui l'a remplacée.

8

Disarmed

She knows of no enemy.

9

She stretches herself

That she may feel less alone.

10

I admired, descending upon thee

Time in the chariot of space

Our memories transported me

Much room is denied thee

For ever with me.

11

Rending her kisses and her fears

She wakes in the night

To wonder at all that has replaced her.

Confections

1

La simplicité même écrire

Pour aujourd'hui la main est là.

2

Il faut voir de près

Les curieux

Quand on s'ennuie.

3

La violence des vents du large

Des navires de vieux visages

Une demeure permanente

Et des armes pour se défendre

Une plage peu fréquentée

Un coup de feu un seul

Stupéfaction du père

Mort depuis longtemps.

4

Tous ces gens mangent

Ils sont gourmands ils sont contents

Et s'ils rient ils mangent plus.

Confections

1

Simplicity yea even to write

To-day at least the hand is there

2

It is meet to scrutinize

The inquisitive

When one is weary

3

The violence of sea-winds

Ships old faces

A permanent abode

Weapons to defend one

A shot one only

Stupefaction of the father

Dead this long time

4

All these people eat

They are gluttonous they are happy

The more they laugh the more they eat

5

Par-dessus les chapeaux

Un régiment d'orfraies passe au galop

C'est un régiment de chaussures

Toutes les collections des fétichistes déçus

Allant au diable.

6

Des cataclysmes d'or bien acquis

Et d'argent mal acquis.

7

Les oiseaux parfument les bois

Les rochers leurs grands lacs nocturnes.

8

Gagner au jeu du profil

Qu'un oiseau reste dans ses ailes.

9

Immobile

J'habite cette épine et ma griffe se pose

Sur les seins délicieux de la misère et du crime.

5

Above the hatwear

A regiment of ospreys gallops past

It is a regiment of footwear

All the disillusioned fetishists and their complete collections

Off to the devil

6

Cataclysms of gold well-gotten

And of silver ill-gotten

7

The birds perfume the woods

The rocks their great nocturnal lakes

8

Play at profile and win

Let a bird abide in its wings

9

Rapt

I dwell in this thorn and my claw alights

On the sweet breasts of poverty and crime

10

Pourquoi les fait-on courir

On ne les fait pas courir

L'arrivée en avance

Le départ en retard

Quel chemin en arrière

Quand la lenteur s'en mêle.

Les preuves du contraire

Et l'inutilité.

11

Une limaille d'or un trésor une flaque

De platine au fond d'une vallée abominable

Dont les habitants n'ont plus de mains

Entraîne les joueurs à sortir d'eux-mêmes.

12

Le salon à la langue noire lèche son maître

Il l'embaume il lui tient lieu d'éternité.

13

Le passage de la Bérésina par une femme rousse à grandes

mamelles.

14

Il la prend dans ses bras

Lueurs brillantes un instant entrevues

Aux omoplates aux épaules aux seins

Puis cachées par un nuage.

Elle porte la main à son cœur

Elle pâlit elle frissonne

Qui donc a crié?

Mais l'autre s'il est encore vivant

On le retrouvera

Dans une ville inconnue.

10

Why are they made to run

They are not made to run

Arriving underdue

Departing overdue

What a road back

When slowness takes a hand

Proofs of the contrary

And futility

11

Gold-filings a treasure a platinum

Puddle deep in a horrible valley

Whose denizens have lost their hands

It takes the players out of themselves

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