Collected Poems in English and French (4 page)

BOOK: Collected Poems in English and French
12.51Mb size Format: txt, pdf, ePub
Ascension

à travers la mince cloison

ce jour où un enfant

prodigue à sa façon

rentra dans sa famille

j'entends la voix

elle est émue elle commente

la coupe du monde de football

toujours trop jeune

en même temps par la fenêtre ouverte

par les airs tout court

sourdement

la houle des fidèles

son sang gicla avec abondance

sur les draps sur les pois de senteur sur son mec

de ses doigts dégoûtants il ferma les paupières

sur les grands yeux verts étonnés

elle rode légère

sur ma tombe d'air

La Mouche

entre la scène et moi

la vitre

vide sauf elle

ventre à terre

sanglée dans ses boyaux noirs

antennes affolées ailes liées

pattes crochues bouche suçant à vide

sabrant l'azur s'écrasant contre l'invisible

sous mon pouce impuissant elle fait chavirer

la mer et le ciel serein

musique de l'indifférence

coeur temps air feu sable

du silence éboulement d'amours

couvre leurs voix et que

je ne m'entende plus

me taire

bois seul

bouffe brûle fornique crève seul comme devant

les absents sont morts les présents puent

sors tes yeux détourne-les sur les roseaux

se taquinent-ils ou les aïs

pas la peine il y a le vent

et l'état de veille

ainsi a-t-on beau

par le beau temps et par le mauvais

enfermé chez soi enfermé chez eux

comme si c'était d'hier se rappeler le mammouth

le dinothérium les premiers baisers

les périodes glaciaires n'apportant rien de neuf

la grande chaleur du treizième de leur ère

sur Lisbonne fumante Kant froidement penché

rêver en générations de chênes et oublier son père

ses yeux s'il portait la moustache

s'il était bon de quoi il est mort

on n'en est pas moins mangé sans appétit

par le mauvais temps et par le pire

enfermé chez soi enfermé chez eux

Rue de Vaugirard

à mi-hauteur

je débraye et béant de candeur

expose la plaque aux lumières et aux ombres

puis repars fortifié

d'un négatif irrécusable

Dieppe

encore le dernier reflux

le galet mort

le demi-tour puis les pas

vers les vieilles lumières

Dieppe

again the last ebb

the dead shingle

the turning then the steps

towards the lights of old

Arènes de Lutèce

De là où nous sommes assis plus haut que les gradins

je nous vois entrer du côté de la Rue des Arènes,

hésiter, regarder en l'air, puis pesamment

venir vers nous à travers le sable sombre,

de plus en plus laids, aussi laids que les autres,

mais muets. Un petit chien vert

entre en courant du côté de la Rue Monge,

elle s'arrête, elle le suit des yeux,

il traverse l'arène, il disparait

derrière le socle du savant Gabriel de Mortillet.

Elle se retourne, je suis parti, je gravis seul

les marches rustiques, je touche de ma main gauche

la rampe rustique, elle est en béton. Elle hésite,

fait un pas vers la sortie de la Rue Monge, puis me suit.

J'ai un frisson, c'est moi qui me rejoins,

c'est avec d'autres yeux que maintenant je regarde

le sable, les flaques d'eau sous la bruine,

une petite fille traînant derrière elle un cerceau,

un couple, qui sait des amoureux, la main dans la main,

les gradins vides, les hautes maisons, le ciel

qui nous éclaire trop tard.

Je me retourne, je suis étonné

de trouver là son triste visage.

jusque dans la caverne ciel et sol

et une à une les vieilles voix

d'outre-tombe

et lentement la même lumière

qui sur les plaines d'Enna en longs viols

macérait naguère les capillaires

et les mêmes lois

que naguère

et lentement au loin qui éteint

Proserpine et Atropos

adorable de vide douteux

encore la bouche d'ombre

2. SIX POEMES 1947–1949

bon bon il est un pays

où l'oubli où pèse l'oubli

doucement sur les mondes innommés

là la tête on la tait la tête est muette

et on sait non on ne sait rien

le chant des bouches mortes meurt

sur la grève il a fait le voyage

il n'y a rien à pleurer

ma solitude je la connais allez je la connais mal

j'ai le temps c'est ce que je me dis j'ai le temps

mais quel temps os affamé le temps du chien

du ciel pâlissant sans cesse mon grain de ciel

du rayon qui grimpe ocellé tremblant

des microns des années ténèbres

vous voulez que j'aille d'A à B je ne peux pas

je ne peux pas sortir je suis dans un pays sans traces

oui oui c'est une belle chose que vous avez là une bien

belle chose

qu'est-ce que c'est ne me posez plus de questions

spirale poussière d'instants qu'est-ce que c'est le même

le calme l'amour la haine le calme le calme

Mort de A.D.

et là être là encore là

pressé contre ma vieille planche vérolée du noir

des jours et nuits broyés aveuglément

à être là à ne pas fuir et fuir et être là

courbé vers l'aveu du temps mourant

d'avoir été ce qu'il fut fait ce qu'il fit

de moi de mon ami mort hier l'oeil luisant

les dents longues haletant dans sa barbe dévorant

la vie des saints une vie par jour de vie

revivant dans la nuit ses noirs péchés

mort hier pendant que je vivais

et être là buvant plus haut que l'orage

la coulpe du temps irrémissible

agrippé au vieux bois témoin des départs

témoin des retours

vive morte ma seule saison

lis blancs chrysanthèmes

nids vifs abandonnés

boue des feuilles d'avril

beaux jours gris de givre

je suis ce cours de sable qui glisse

entre le galet et la dune

la pluie d'été pleut sur ma vie

sur moi ma vie qui me fuit me poursuit

et finira le jour de son commencement

cher instant je te vois

dans ce rideau de brume qui recule

où je n'aurai plus à fouler ces longs seuils mouvants

et vivrai le temps d'une porte

qui s'ouvre et se referme

my way is in the sand flowing

between the shingle and the dune

the summer rain rains on my life

on me my life harrying fleeing

to its beginning to its end

my peace is there in the receding mist

when I may cease from treading these long shifting

thresholds

and live the space of a door

that opens and shuts

que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions

où être ne dure qu'un instant où chaque instant

verse dans le vide dans l'oubli d'avoir été

sans cette onde où à la fin

corps et ombre ensemble s'engloutissent

que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures

haletant furieux vers le secours vers l'amour

sans ce ciel qui s'élève

sur la poussière de ses lests

que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd'hui

regardant par mon hublot si je ne suis pas seul

à errer et à virer loin de toute vie

dans un espace pantin

sans voix parmi les voix

enfermées avec moi

what would I do without this world faceless incurious

where to be lasts but an instant where every instant

spills in the void the ignorance of having been

without this wave where in the end

body and shadow together are engulfed

what would I do without this silence where the murmurs die

the pantings the frenzies towards succour towards love

without this sky that soars

above its ballast dust

what would I do what I did yesterday and the day before

peering out of my deadlight looking for another

wandering like me eddying far from all the living

in a convulsive space

among the voices voiceless

that throng my hiddenness

je voudrais que mon amour meure

qu'il pleuve sur le cimetière

et les ruelles où je vais

pleurant celle qui crut m'aimer

I would like my love to die

and the rain to be raining on the graveyard

and on me walking the streets

mourning her who thought she loved me

POEME 1974

hors crâne seul dedans

quelque part quelquefois

comme quelque chose

crâne abri dernier

pris dans le dehors

tel Bocca dans la glace

l'oeil à l'alarme infime

s'ouvre bée se rescelle

n'y ayant plus rien

ainsi quelquefois

comme quelque chose

de la vie pas forcément

Something There

something there

where

out there

out where

outside

what

the head what else

something there somewhere outside

the head

at the faint sound so brief

it is gone and the whole globe

not yet bare

the eye

opens wide

wide

till in the end

nothing more

shutters it again

so the odd time

out there

somewhere out there

like as if

as if

something

not life

necessarily

1974

PART III
TRANSLATIONS FROM FRENCH POETS
with the original poems
PAUL ELUARD
L'amoureuse

Elle est debout sur mes paupières

Et ses cheveux sont dans les miens,

Elle a la forme de mes mains,

Elle a la couleur de mes yeux,

Elle s'engloutit dans mon ombre

Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts

Et ne me laisse pas dormir.

Ses rêves en pleine lumière

Font s'évaporer les soleils,

Me font rire, pleurer et rire,

Parler sans avoir rien à dire.

(Mourir de ne pas mourir, 1924)

Lady Love

She is standing on my lids

And her hair is in my hair

She has the colour of my eye

She has the body of my hand

In my shade she is engulfed

As a stone against the sky

She will never close her eyes

And she does not let me sleep

And her dreams in the bright day

Make the suns evaporate

And me laugh cry and laugh

Speak when I have nothing to say

(Dying of Not Dying, 1924)

A perte de vue dans le sens de mon corps

Tous les arbres toutes leurs branches toutes leurs feuilles

L'herbe à la base les rochers et les maisons en masse

Au loin la mer que ton oeil baigne

Ces images d'un jour après l'autre

Les vices les vertus tellement imparfaits

La transparence des passants dans les rues de hasard

Et les passantes exhalées par tes recherches obstinées

Tes idées fixes au coeur de plomb aux lèvres vierges

Les vices les vertus tellement imparfaits

La ressemblance des regards de permission avec les yeux

que tu conquis

La confusion des corps des lassitudes des ardeurs

L'imitation des mots des attitudes des idées

Les vices les vertus tellement imparfaits

L'amour c'est l'homme inachevé.

Out of Sight in the Direction of my Body

All the trees all their boughs all their leaves

The grass at the base the rocks the massed houses

Afar the sea that thine eye washes

Those images of one day and the next

The vices the virtues that are so imperfect

The transparence of men that pass in the streets of hazard

And women that pass in a fume from thy dour questing

The fixed ideas virgin-lipped leaden-hearted

The vices the virtues that are so imperfect

The eyes consenting resembling the eyes though didst

vanquish

The confusion of the bodies the lassitudes the ardours

The imitation of the words the attitudes the ideas

The vices the virtues that are so imperfect

Love is man unfinished.

A peine défigurée

Adieu tristesse

Bonjour tristesse

Tu es inscrite dans les lignes du plafond

Tu es inscrite dans les yeux que j'aime

Tu n'es pas tout à fait la misère

Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent

Par un sourire

Bonjour tristesse

Amour des corps aimables

Puissance de l'amour

Dont l'amabilité surgit

Comme un monstre sans corps

Tête désappointée

Tristesse beau visage.

(La vie immédiate, 1932)

Scarcely Disfigured

Farewell sadness

Greeting sadness

Thou art inscribed in the lines of the ceiling

Thou art inscribed in the eyes that I love

Thou art not altogether want

For the poorest lips denounce thee

Smiling

Greeting sadness

Love of the bodies that are lovable

Mightiness of love that lovable

Starts up as a bodiless beast

Head of hope defeated

Sadness countenance of beauty

(The Immediate Life, 1932)

Seconde nature

Other books

Iris by Nancy Springer
Hot Ink by Ranae Rose
Coming Down by Carrie Elks
Aldwyn's Academy by Nathan Meyer
Nightmare Range by Martin Limon
Ole Doc Methuselah by L. Ron Hubbard
American Vampire by Jennifer Armintrout