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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

Sex Beast (20 page)

BOOK: Sex Beast
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— Pensez-vous que le nombre des serial killers augmente ?

— Oui, aucun doute là-dessus. Avant 1950-1960, il y en a eu peu, à part H. H. Holmes. J’en ai discuté avec un agent du FBI pour qui le phénomène a toujours existé. Mais c’étaient des tueurs sédentaires comme Belle Gunness. A l’époque, il n’y avait pas non plus le moyen de relier des crimes commis à Atlanta, Marietta ou Augusta. Les forces de police ne communiquaient pas entre elles. Regardez, c’est avec Bundy que l’on utilise l’ordinateur pour la première fois, afin de relier ces divers crimes. Ces gens-là sont de plus en plus nombreux… Cela devient un phénomène à part entière.

— Et pourquoi y en a-t-il autant aux Etats-Unis ?

— N’oubliez pas Bela Kiss, dans la Hongrie de 1915. Ils sont là, même si on les a oubliés. Peu de personnes
connaissent son cas. Et, en France, Barbe-Bleue, Landru. Et celui que l’on a surnommé “Sex Beast”, Melvin Rees. Le soi-disant grand spécialiste Joel Norris m’a confondu avec lui. Il m’a écrit une lettre d’excuses. J’étais livide. Moi, me traiter de criminel sexuel ! Qu’est-ce qui ne va pas chez ces gens ? Cela a été l’enfer pour moi et Norris dit : “Oh oui, vous avez raison, je me suis trompé.” Il s’en fout, mais pas moi. Toutes ces conneries écrites sur des preuves trouvées dans ma voiture. Ils ont décortiqué mon véhicule sans rien découvrir.

— Si ce n’est pas exact, pourquoi ne l’avez-vous pas poursuivi en justice ?

— Il faut que vous prouviez la perte de votre réputation, mais comment pouvez-vous l’établir lorsque vous êtes condamné à la perpétuité ? Je n’ai aucune réputation. Voilà pourquoi ils peuvent se permettre de dire n’importe quoi à mon sujet…

— Vous vous êtes aussi intéressé à Harvey Glatman
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 ?

— Par pur hasard. J’avais acheté un numéro de
Time Magazine
où il y avait un article sur lui. Avec une photo de
sa victime Ruth Mercado attachée dans le désert. Absolument fascinant. J’ai utilisé son cas pour un de mes récits.

— Peut-être parce qu’il étranglait aussi ses victimes…

— Simplement les étrangler ? Cela fait un bout de temps que je ne me suis pas penché sur son cas. Un mec sans beaucoup d’envergure. Il n’en a tué que quatre ou cinq, rien du tout comparé à ce qui se fait maintenant. En tant que français, vous devez connaître ce type, un sergent dans l’armée, Bertrand ? J’ai construit une histoire autour de lui, sur la nécrophilie. Beaucoup de personnes s’intéressent à ça, grâce au livre de Krafft-Ebing. » Rire de Schaefer. Et j’ai rencontré un authentique nécrophile.

« Que vous a-t-il raconté ?

— Tout ce qu’il faisait. Il travaillait dans une morgue où il baisait les mortes. Il a fait ça pendant des années. En fait, il a été condamné pour avoir volé des objets aux corps, pas du tout pour nécrophilie. En Floride, ce n’est pas interdit, sauf si vous profanez une sépulture.

— Vous conseillez aussi pas mal de détenus au sujet de leurs droits ?

— En effet, j’ai gagné plus de quarante procès, y compris les recherches effectuées pour le Canadien Sidney Jaffe qui avait été condamné à cent trente années de prison pour escroqueries sur des achats de terrain, ici en Floride. Il a été kidnappé à Toronto par deux chasseurs de primes qui l’ont emmené de force en Floride. J’ai tout de suite découvert la faille et il a été relâché au bout de deux ans. C’est mon cas le plus célèbre.

— Vous acceptez l’idée que l’on vous accuse d’être
un serial killer, mais vous réfutez complètement l’accusation d’être un tueur d’enfants ?

— Exact. Le bureau du shérif et les médias ont déclaré que j’avais kidnappé et tué deux fillettes de 9 ans, Rahn et Stephenson. Cela a fait la une des journaux locaux. J’étais vert de rage. Ils disent ça pour enflammer le public et le mettre dans leur camp. J’ai subi un test de détecteur de mensonges pour l’affaire Stephenson que j’ai passé avec succès. Ils m’ont même écrit une lettre à ce sujet pour m’innocenter de toute accusation.

— D’autant qu’en prison cela peut être dangereux…

— Absolument. Surtout quand vous avez été un officier de police. En échange de ma collaboration, j’ai été protégé à Florida State Prison par Jesse Tafero
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. C’est comme ça que cela fonctionne ici. J’utilise mes connaissances pour aider ces gars-là.

— Vous avez créé ce personnage de Cristal Beaver qui dit que tous les criminels condamnés devraient être exécutés.

— Absolument.

— C’est votre opinion ou celle de Cristal ?

— Les gens me confondent souvent avec les personnages que j’ai créés. Ils pensent que l’opinion de Cristal est obligatoirement la mienne. Mais je suis un artiste et, parfois, j’incarne une femme ou un homme, j’alterne les points de vue. Mon opinion sur l’exécution des criminels est la suivante : si vous avez un système judiciaire qui est destiné à découvrir la vérité, alors il faut un jugement rapide. Le système américain n’est pas basé sur la quête de la vérité. Ce n’est pas la même chose en France où c’est le Code Napoléon qui est en vigueur : une personne doit prouver son innocence après avoir été accusée. Chez nous, l’Etat apporte les preuves contre l’accusé et la défense tente de convaincre le jury que vous êtes innocent. Les jurés incarnent l’esprit collectif de la communauté. Il n’y a pas de confrontation d’opinions. Dans un tel système, ce n’est pas la recherche de la vérité qui prime, car vous avez ce représentant de l’Etat qui a été élu et qui, pour conserver son siège, doit prouver aux électeurs qu’il a résolu tant de crimes. Pour l’avocat commis d’office, c’est pareil avec le nombre de personnes qu’il aura réussi à faire acquitter. Cette philosophie ne permet pas la recherche de la vérité. Si vous souhaitez exécuter des condamnés, il vaut mieux choisir les bonnes personnes. Prenons l’exemple de Jeffrey Dahmer, il n’y a aucun doute que c’est lui le meurtrier, il découpe et dévore ses victimes dans son appartement, il est coupable et, pourtant, il plaide non coupable. J’appelle ça de l’hypocrisie. S’il avait été arrêté en Floride, où il y a
la peine de mort, il est coupable et on l’exécute. Point barre. Mais dans un cas comme le mien, où des personnes vont falsifier des indices et où il n’existe que des preuves indirectes, me voilà condamné, alors que je n’étais même pas sur le lieu du crime. Mais peu importe, le procureur a convaincu six personnes de vous envoyer derrière les barreaux jusqu’à la fin de votre existence. Tant qu’ils n’auront pas corrigé ce genre de choses, ce sera le chaos. Et beaucoup de juges sont des escrocs. Pourtant jamais aucun de ces juges n’ira en prison, on les laisse démissionner. Vous voulez la peine capitale, OK. Mais lorsqu’un procureur a falsifié des preuves, exécutez-le, lui aussi, car il a une obligation vis-à-vis de la société. S’il ne la remplit pas, qu’on l’exécute. Mais ici, ça n’existe pas…

— Dans vos récits, tels que “Gator Bait”, vous expliquez comment un serial killer doit se débarrasser des corps de ses victimes. L’histoire du requin et de l’alligator. Vous parlez par expérience personnelle ? »

Gerard Schaefer paraît gêné et il hésite quelques secondes avant de répondre.

« J’ai tout inventé. C’est de la fiction. Il y a cette jetée à Fort Everglades, où il y a effectivement des requins. Pour ce qui est des gens qu’on jette à l’eau, c’est de la fiction. Mais c’est quelque chose d’effrayant et de logique. L’histoire de l’alligator est basée sur une histoire vraie. J’en ai eu l’idée en voyant une photo dans un magasin d’articles de pêche sur la route 84. Un Noir pêchait au bord de la rivière lorsqu’un alligator l’a saisi sur la berge pour l’entraîner au fond des eaux. On a récupéré l’animal et lorsqu’on lui a ouvert le ventre,
on a récupéré cet homme en petits morceaux. Dans le magasin, il y a ce cliché de l’alligator avec, à côté, les différents membres du pêcheur. J’ai vu ça en 1961, mais l’histoire n’a été écrite que quinze ans plus tard.

— Pourquoi avez-vous enlevé ces deux femmes qui ont réussi à s’échapper et à vous dénoncer ?

— Elles ne l’ont pas été… je les avais arrêtées. Une arrestation tout à fait légale, dans les règles.

— Pourtant, c’est bien vous qui les avez attachées, pour leur passer la corde au cou ?

— En effet, je le reconnais. J’ai abusé de la situation et j’ai eu tort. Je plaide coupable sur ce coup-là. C’était impardonnable. Et quand j’y réfléchis, je me dis : tu es vraiment un imbécile d’avoir agi ainsi. Cela m’a fait perdre mon boulot et j’ai été condamné à trois ans de prison. J’estime que j’ai payé ma dette à la société pour cette affaire. Par contre, je ne comprends pas comment on a pu me condamner à perpétuité pour tous ces autres crimes que je n’ai pas commis. J’ai même écrit une lettre d’excuses à chacune de ces deux jeunes filles. D’ailleurs, elles n’ont pas à se plaindre puisqu’elles ont touché des dommages et intérêts ! » Il est très méprisant. « Vous savez, à l’époque, je prenais un médicament, de la Dexadrine, et comme j’avais bu beaucoup de bière, ce jour-là… Peut-être que ça a joué un rôle… Je ne cherche pas d’excuses, mais ce médicament qui était destiné à me faire perdre du poids… J’en sais rien.

— D’une certaine manière, c’est ce que décrivent vos fictions ?

— Certains l’ont dit, mais ce n’est pas vrai. Ils en ont
fait une vidéo pour dire : ça s’est passé ainsi. Mais je n’ai jamais été consulté. C’est eux qui ont tout inventé. Les deux parties n’ont jamais été confrontées. C’est juste la version de Robert Stone. C’est quoi ces conneries ? Et j’avais déjà plaidé coupable pour voies de fait aggravées.

— Vous avez eu des problèmes avec votre avocat Elton Schwarz ? Il a eu des relations intimes avec votre femme. Pourquoi l’avoir gardé comme avocat ?

— Bonne question. Vous touchez là au nœud du problème. L’épouse du juge à mon procès, Pat, est venue me rendre visite en prison pour me dire que Schwarz avait des relations avec ma femme. Je ne voulais pas y croire, mais j’ai posé la question à mon épouse, qui l’a admis. C’est une sensuelle et, après tout, cela faisait neuf mois que j’étais incarcéré. Bon, je me suis dit : si elle veut se faire baiser, autant que l’on reste discret. J’en ai parlé à Schwarz avant le procès et il m’a déclaré : “C’est
rien, juste une coucherie.” Il a ajouté que si j’en parlais à ce moment-là, cela ferait beaucoup d’histoires. Et je lui avais donné la preuve de mon innocence. Mais pendant l’audience, il est allé dans le sens de Bob Stone en présentant une preuve falsifiée. Et c’est ça qui a entraîné ma condamnation. Et, à présent, Schwarz s’est présenté devant la Cour en jurant qu’il n’avait pas eu de relations sexuelles avec ma femme. C’est un parjure car plusieurs témoins l’ont vu baiser mon épouse dans une voiture. Et ça, il va le payer un jour car jamais je ne renoncerai.

— Vous êtes fasciné par les camps de concentration et par le personnage de l’exterminateur SS Heydrich ? »

Il sourit. « Vous savez, je n’aime pas l’idée qu’on ait mis tous ces gens dans des chambres à gaz, mais beaucoup de personnes ont oublié ou nient même l’existence de l’Holocauste. C’est Heydrich qui a inventé tout ce programme d’extermination, avant d’être assassiné à Prague. Pour moi, c’est le mal absolu et je suis fasciné par les histoires qui se rattachent à cette époque. Je viens de lire les souvenirs d’une femme qui a été abattue, avant d’être jetée dans une fosse commune avec d’autres prisonniers. Elle a survécu par miracle, pour se réveiller au milieu de tous ces cadavres en décomposition. Et elle est parvenue à grimper hors de cette énorme fosse commune, en rampant au travers de tous ces corps qui pourrissaient. L’histoire de cette femme est incroyable. Imaginez un peu, elle doit se frayer un chemin à travers toutes ces chairs et ce sang. C’est horrible, bien sûr, mais aussi fascinant.

— Dans vos récits, vous parlez souvent d’exécutions capitales et, notamment, de la chaise électrique ?

— C’est un peu normal que cela m’obsède. Après tout, nous nous trouvons à moins de cent mètres de la chaise électrique qui sert pour tous les condamnés à mort de l’Etat de Floride. Et puis les gens ignorent ce qui se passe lors d’une telle exécution. Moi, je sais de quoi je parle. Je connais les types chargés de nettoyer la chaise après une exécution. La chair du condamné explose littéralement, l’électricité fait des drôles de choses. Le cerveau gonfle à l’intérieur du crâne et les yeux sortent des orbites, pour pendre le long des joues. La cervelle sort comme du chou-fleur par les trous de nez et les oreilles. Parfois, si le voltage est trop élevé, le ventre s’ouvre et les viscères tombent par terre. On ne raconte jamais ça. Il y a des condamnés qui prennent feu. Voilà pourquoi on les rase entièrement, même les jambes. C’est humiliant. Et on leur met une couche. Ça, c’est indispensable.

— Certains de vos dessins ont été saisis au domicile de votre mère et l’accusation s’en est servie contre vous lors du procès…

— Ce sont des ébauches. La façon dont tout ça est arrivé est si stupide… Je lisais
The History of Capital Punishment
de Lawrence, tout en faisant des croquis pour me souvenir de ce qui était raconté dans l’ouvrage. Les différents moyens de pendre les femmes suivant les crimes qu’elles avaient commis. La corde n’avait pas la même longueur. D’où l’idée du titre de ma nouvelle “Harlots Hang High”. Mes croquis ont été qualifiés de “déviants”. J’étais bien embarrassé car c’était stupide de ma part… Les gens ne se rendent même pas compte
que la prostitution était passible de la peine capitale en Angleterre à une certaine époque !

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