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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

Sex Beast (16 page)

BOOK: Sex Beast
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Le procureur Robert Stone nous détaille ses souvenirs des investigations et du procès qui ont abouti à la condamnation de l’accusé : « Outre les textes et les bijoux, nous avons trouvé un certain nombre de photographies de femmes, pour la plupart dénudées, avec essentiellement des gros plans de leurs fesses. Gerard Schaefer était fasciné par les anus et les matières fécales. Dans l’une de ses nouvelles, visiblement autobiographique, il raconte qu’il n’y a rien de plus bandant que de plonger ses mains dans la merde d’une victime qui vient de mourir en relâchant ses matières fécales. Il y avait aussi un cliché de son propre cul alors qu’il s’était
pendu à un arbre. Comment avons-nous su que c’était lui ? Tout simplement parce qu’il y avait une cicatrice sur l’une des fesses, une marque que nous avons découverte sur son corps. Beaucoup de croquis de femmes déshabillées ou en lingerie transparente, pendues à des gibets, avec du sang coulant de blessures à l’arme blanche. Dans des revues pornographiques, il avait rajouté des cordes au cou des modèles photographiés.

« Dans ses recherches sur la personnalité de Gerard Schaefer, le shérif du comté de Broward a découvert qu’en toute probabilité il avait des rapports sexuels avec des animaux qu’il avait décapités. Sur son territoire, il avait trouvé des dizaines de vaches et de chevaux décapités sans savoir pourquoi de tels actes avaient été commis, avant qu’il ne lise le journal de Schaefer, où ses fantasmes étaient consignés. Il habitait dans le comté à cette époque et il y a même été officier de police pendant une période assez brève.

« Pendant le procès, nous avons eu un coup de chance car l’accusé n’avait pas indiqué le contenu du coffret retrouvé dans la maison de sa mère, à Fort Lauderdale. Schaefer lui avait menti en disant que c’était juste des pièces de monnaie. Quand l’inspecteur a présenté les preuves matérielles que nous possédions, l’avocat n’a fait aucune objection pour qu’on l’ouvre. Il a révélé des papiers d’identité, des bijoux et des dents de plusieurs victimes différentes. Cela a été un coup dur pour la défense.

« Nous avons aussi eu très peur que Trotter et Wells, les deux rescapées, ne reconnaissent pas Schaefer dont l’apparence physique avait beaucoup changé en moins
de deux ans. Il n’était plus l’homme mince aux cheveux courts de l’époque. Il avait beaucoup grossi, il s’était laissé pousser les cheveux et portait à présent de grosses lunettes à verres épais. Lorsque l’une d’elles est venue témoigner à la barre et que je lui ai posé la question : “Reconnaissez-vous l’homme qui vous a fait ça ?”, elle est restée silencieuse un moment, tandis que son regard se portait sur tous les hommes présents. J’ai senti mon cœur s’arrêter de battre car, si elle ne le reconnaissait pas, cela aurait été un coup très dur porté à l’accusation. Elle a recommencé son mouvement de la tête à deux ou trois reprises, avant de pointer le doigt dans sa direction : “C’est lui, mais il a changé d’apparence.” Cela a été le
coup de grâce
[en français] pour lui. Le jury a délibéré pendant près de six heures, ce qui nous a fait craindre le pire. Les jurés sont revenus en nous expliquant qu’ils n’étaient pas parvenus à un accord sur le verdict à prononcer. Le juge leur a expliqué qu’ils devaient arriver à un compromis, sinon il serait forcé de les installer pour une journée supplémentaire à l’hôtel. Ils sont repartis délibérer pendant trente minutes, avant de revenir avec un verdict de culpabilité. Six ou sept ans plus tard, j’ai croisé un des jurés que je connaissais et je lui ai demandé pourquoi ils avaient pris autant de temps pour se décider. En fait, ils s’étaient mis d’accord sur un verdict de culpabilité au bout de trente minutes à peine, mais ils ont eu peur de perdre leur crédibilité, du coup, ils ont décidé de se raconter l’histoire de leur vie pendant le reste du temps. Dès le début, le verdict a été unanime, six voix pour sa culpabilité, zéro pour son innocence. Le juge Trowbridge a prononcé une sentence
de deux réclusions criminelles à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle, ce qui était inhabituel à l’époque en Floride. En juillet 1972, la Cour suprême des Etats-Unis a déclaré que la peine de mort était contraire à la Constitution, et notamment au 8
e
 Amendement. La Floride s’était bien sûr mise en conformité avec cette décision fédérale qui devait s’appliquer le 1
er 
octobre 1972. Donc une personne qui avait commis un crime entre le 20 juillet et le 1
er 
octobre 1972 ne pouvait plus écoper de la peine de mort. Cela a été le cas pour Gerard Schaefer, à quatre ou cinq jours près, puisque ses deux assassinats ont été perpétrés entre le 25 et le 27 septembre 1972. Il a eu beaucoup de chance sur ce coup-là, car si quelqu’un méritait d’être exécuté, c’est bien lui. Schaefer est, sans l’ombre d’un doute, le pire individu qu’il m’ait été donné de rencontrer et pourtant j’ai travaillé sur plus d’une centaine d’affaires d’homicide. Froid, calculateur, sans l’ombre d’un remords, cruel, inhumain, il n’existe pas de termes dans le vocabulaire pour le qualifier. Quand il vous regardait droit dans les yeux, vous saviez qu’il vous tuerait s’il en avait la possibilité car l’envie était là. Son sourire était toujours odieux, destiné à vous affirmer sa supériorité.

« Pendant l’enquête Elton Schwarz, son avocat, qui avait été commis d’office, lui avait recommandé de garder le silence. Pendant le procès, il couchait avec Teresa, l’épouse de Schaefer, qu’il a fini par épouser après leur divorce. Durant les audiences, l’accusé est resté silencieux. Par contre, pendant les pauses où les jurés n’étaient plus présents dans la salle, Schaefer ne s’est pas privé
de menacer le procureur Philip Schailer qui représentait le comté de Broward : “Hé, Schailer, tu sais que j’ai fait un pique-nique avec ta femme et tes gosses pendant que je vivais à Wilton Manors” ou encore “Schailer, je sais où tes gosses vont à l’école”, le tout accompagné de son ignoble sourire. Schailer s’est plaint au juge Trowbridge qui a interdit à Schaefer d’adresser la parole au procureur. Après sa condamnation à perpétuité, Gerard Schaefer m’a écrit plusieurs lettres de menaces de mort et il a fait pareil avec son avocat Elton Schwarz, qui lui avait “volé” son épouse, et le juge Trowbridge. J’étais le troisième sur la liste, donc tant que le juge était vivant, je savais que je ne risquais rien ! Et je suis sûr qu’il serait passé à l’acte s’il avait été libéré de prison.

« Les recherches sur les autres disparitions de femmes liées à Gerard Schaefer n’ont jamais été closes, mais on ne peut pas dire qu’elles ont fait l’objet d’investigations poussées. Seule exception, lorsque les restes des deux jeunes filles de l’Iowa ont été découverts quelque quinze ans plus tard, car là, nous avions une affaire où Schaefer était passible de la peine de mort. Nous avions donc toujours cet atout dans la manche au cas où il viendrait à être libéré. Mais, à la fin des années 1980, nous étions certains qu’il ne sortirait plus jamais de prison.

« Pendant son incarcération, la spécialité de Schaefer consistait à soutirer des aveux aux codétenus pour tenter ensuite de négocier des remises de peine avec les autorités. Un officier de police d’Orlando, qu’il avait aidé à résoudre une enquête, a voulu témoigner en sa faveur. Mais nous l’avons contacté pour lui expliquer qu’il serait
responsable de nombreux meurtres, s’il aidait Schaefer à recouvrer la liberté. Avec un nouvel avocat, Schaefer a tenté de faire croire que j’étais corrompu et que je l’avais fait condamner uniquement pour en tirer un bénéfice électoral. Dans l’établissement de Florida State Prison, à Starke, il était l’unique détenu à posséder un appareil électrique pour chauffer l’eau, et il en tirait profit en vendant l’eau chaude, je crois que c’était un dollar pour le contenu d’une bouilloire. Sauf qu’un jour, en 1995, un grand balèze n’a pas voulu payer et, avec une cuillère dont le manche avait été aiguisé, il a poignardé Schaefer à de nombreuses reprises à la veine jugulaire.

« Il savait se montrer charmant lorsqu’il s’agissait d’embobiner les gens. La mère de Georgia Jessup m’a raconté qu’on lui aurait donné le bon Dieu sans confession lorsqu’il est venu sonner à la porte du domicile familial pour emmener les deux jeunes filles. Et elles ne sont jamais revenues.

« C’était le chouchou de Doris, un fils à sa maman, à tel point qu’adolescent il dormait encore dans le lit de sa mère. Et cela a duré jusqu’à l’âge de 20 ans. Sa mère nous a indiqué que son fils était fasciné par les matières fécales. Elle retrouvait souvent ses culottes découpées aux ciseaux, au niveau des parties génitales. Enfant, il cassait systématiquement tous ses jouets.

« Je l’ai rencontré pour la première fois le jour où nous l’avons inculpé pour meurtre au premier degré. Il était déjà incarcéré depuis plusieurs mois pour tentative d’enlèvement. A l’époque, nous n’avions que des preuves indirectes de son implication pour meurtre et
notre obstacle principal demeurait la cause du décès. Le médecin légiste nous avait assurés qu’il pourrait témoigner en faveur d’une mort non naturelle, mais c’était tout. Schaefer et son avocat désiraient qu’il soit examiné par un psychiatre, afin de prouver qu’il était irresponsable de ses actes lors de cet enlèvement. Son défenseur savait pertinemment que c’était une course contre la montre. Pendant l’audition, le juge pouvait décider de le placer dans un établissement psychiatrique. Il fallait à tout prix le mettre en examen avant cette date. Nous nous sommes réunis dans mon bureau. Nous étions cinq, trois avocats et deux enquêteurs. Vers vingt-trois heures, nous avons décidé de poursuivre Gerard Schaefer dès le lendemain, malgré le manque de preuves.

« Mes premières impressions sur Schaefer ? Un manipulateur, très arrogant. Il avait beaucoup de charme et c’était un beau parleur qui se servait toujours des autres à son propre profit. Tout le monde nous l’a dit, les deux jeunes filles kidnappées, son beau-frère, son épouse, la mère de Georgia Jessup. Dès que je l’ai aperçu, j’ai su que c’était lui. J’étais face à un assassin. Son regard et son sourire étaient réellement diaboliques, je ne vois pas d’autre terme. Ce meurtrier était très intelligent et rusé, et c’était un serial killer. Ce qui me rend particulièrement triste, c’est que sa mort en 1995 n’a pas permis d’élucider tous les
cold cases
du comté de Broward. C’est une authentique tragédie pour les familles de disparues.

« Les scènes de crime de Gerard Schaefer se ressemblent toutes. Des lieux boisés, avec une végétation très dense, à l’écart des chemins, des marais. La découverte
des restes de ces deux disparues a été un coup de chance. C’est un collecteur de canettes en aluminium qui nous a mis sur la piste de Schaefer, à Hutchinson Island, tout près de la nouvelle centrale nucléaire. C’était une vraie jungle. Quinze ou seize ans plus tard, les corps de deux autres auto-stoppeuses, Colette Goodenough et Barbara Ann Wilcox, qui avaient été vues pour la dernière fois une semaine avant que Schaefer ne soit incarcéré, ont été trouvés à l’ouest du comté de Sainte-Lucie, près de l’autoroute I-95. Là aussi, c’était un lieu similaire au précédent. A Fort Lauderdale, c’était pareil, des endroits isolés où personne ne se rendait. A cette époque, Schaefer vivait à Stuart et sa mère résidait à West Palm Beach. Voilà pourquoi il a fait enlever de son domicile tous les objets et documents pouvant l’incriminer pour les cacher chez sa mère. En tant qu’officier de police, Schaefer savait que nous allions obtenir un mandat de perquisition. Si son beau-frère ne nous avait pas refilé le tuyau, je ne pense pas que nous aurions découvert tous ces indices.

« Il y a quelques années, Sondra London est venue m’interviewer. Elle m’a laissé entendre que Schaefer lui avait avoué ses crimes. » Robert Stone regarde mon interview filmée de Gerard Schaefer. « C’est visible qu’il prend son pied. Il espère que je vais voir cette vidéo
1
. Il a sa place en enfer. On voit bien qu’il cherche à vous manipuler, à vous faire croire qu’il est innocent. C’est vraiment le pire tueur que j’aie pu croiser et, dans toutes mes lectures, je n’ai jamais trouvé pire. Regardez-le. Son sourire, ou
plutôt sa grimace. Il adore ça ! Et s’il était encore en vie, il aimerait beaucoup visionner l’interview où nous parlons de lui. Il n’a pas changé, je le retrouve tel qu’il était. C’est incroyable. » Robert Stone rit. « Traiter Ted Bundy de malade ! C’est la meilleure ! Vous avez un document incroyable car il vous avoue ses crimes… devant une caméra. Sa façon de parler, ses expressions, son sourire… En voyant ces images, je n’ai qu’un seul regret. Que l’Etat de Floride n’ait pas pu l’exécuter. S’il existe une seule personne au monde qui ait mérité la peine de mort, c’est bien Gerard Schaefer. Aucun doute dans mon esprit. J’aurais même été prêt à me porter volontaire pour presser le bouton. Je pense à toutes ces familles, je me souviens des proches de Susan Place et de Georgia Jessup lors du procès de Schaefer. Je sais l’enfer que ces familles ont vécu. Quant à ces deux jeunes femmes qui ont échappé à ses griffes, elles m’ont dit qu’elles n’avaient pu dormir la nuit pendant des mois. Elles ont eu une chance inouïe de s’en sortir vivantes. Mais maintenant, il a payé. Et s’il y a un “après”, je sais où ce salopard se trouve. »

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