The Running Man (21 page)

Read The Running Man Online

Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
6.73Mb size Format: txt, pdf, ePub

Compte à rebours... 036

Lorsqu’elle arrêta la voiture devant l’entrée du parking, la réaction ne se fit pas attendre :

— CONTINUEZ À ROULER. LA POLICE DE L’AIR VOUS ATTEND DANS LE PARKING. AVANCEZ.

Richards leva son mégaphone :

— DIX MINUTES. J’AI BESOIN DE RÉFLÉCHIR.

Le silence retomba.

— Vous rendez-vous compte que vous les poussez à bout ? demanda-t-elle d’une voix étrangement calme.

Il émit un curieux son sifflant, comme de la vapeur qui s’échappe d’un récipient sous pression. Peut-être était-ce un rire.

— Ils savent que je vais essayer de les baiser, dit-il. Mais ils ne savent pas comment.

— Vous n’y arriverez jamais. C’est évident, non ?

— C’est ce qu’on verra. J’ai peut-être une chance. Peut-être.

Compte à rebours... 035

— Ecoutez : lorsque les Jeux furent inaugurés, les gens disaient que c’était le spectacle le plus fabuleux du monde, que l’on n’avait jamais rien vu de pareil. En fait, cela n’avait rien d’original. Les gladiateurs de la Rome antique, c’était la même chose. Mais
La Grande Traque
me fait plutôt penser au poker. Quatre cartes sur la table et une carte cachée. On peut jouer pour quelques
cents
, mais ça ne devient intéressant que si on monte les enjeux. C’est là que la carte cachée devient de plus en plus importante. Et quand on engage tout ce qu’on possède, la maison, la voiture, les économies d’une vie entière, elle devient gigantesque, pareille au mont Everest. Evidemment, ils ont tout : les hommes, la puissance de feu, le temps. Nous jouons dans leur casino, avec leurs cartes et leurs jetons. Si je suis pris, je suis censé abandonner. Mais j’avais mis une carte en réserve. En appelant le correspondant à Rockland. Les journalistes, c’est mon dix de pique. Ils ne pouvaient pas faire autrement que de me laisser passer, parce que le monde entier regardait. C’est drôle parce qu’en fait, ils sont pris à leur propre piège : les gens sont convaincus que tout ce qu’ils voient au Libertel est vrai. Si le pays entier avait vu la police assassiner mon otage ― une respectable bourgeoise ―, ils n’auraient jamais douté que la police avait réellement fait cela, ce qui est contraire à la règle du jeu. Ils ne pouvaient pas prendre ce risque. Le système en a déjà trop fait avaler aux gens. Et puis, il faut compter avec les pauvres. Il y a déjà eu quelques bagarres. Si les policiers et les Chasseurs nous tiraient de nouveau dessus, Dieu sait ce qui se passerait. Quelqu’un m’avait conseillé de rester près des miens. Il ne se doutait pas à quel point il avait raison. Si les autorités m’ont traité avec tant de ménagements, c’est parce que les miens sont là.

Les pauvres, les gens comme moi, c’est le valet de pique.

La reine, la dame de cette histoire, c’est vous.

Je suis le roi, l’homme noir à l’épée.

Voilà mes cartes visibles : les médias, les réactions potentiellement dangereuses de la foule, vous, moi. Telles quelles, elles n’ont aucune valeur. Sans l’as de pique, c’est zéro. Avec l’as, c’est une combinaison imbattable.

Il s’empara soudain du sac à main d’Amélia (une pochette en faux croco munie d’une chaînette argentée) et le fourra dans la poche de sa veste en toile.

— Je n’ai pas l’as, dit-il lentement. Si j’avais été un peu plus prévoyant, j’aurais pu l’avoir. Par contre,
j’ai
une carte cachée. Je vais donc bluffer.

— Vous n’avez pas une chance. Qu’est-ce que vous voulez faire avec mon sac... ? Les tuer à coups de rouge à lèvres ?

— Je pense qu’ils trichent depuis si longtemps qu’ils s’y laisseront prendre. Je pense qu’ils ont une frousse bleue.

— RICHARDS ! LES DIX MINUTES SONT ÉCOULÉES !

Il leva le mégaphone.

Compte à rebours... 034

— ÉCOUTEZ-MOI ATTENTIVEMENT !

Les bâtiments du terminal répercutaient sa voix résonnante sur la vaste étendue aride de l’aéroport.

— J’AI DANS MA POCHE SIX KILOS DE BLACK IRISH ― DÉRIVÉ ULTRA-PUISSANT DE L’EXPLOSIF DYNACORE. UN PAIN DE SIX KILOS SUFFIT POUR TOUT RASER DANS UN RAYON DE CINQ CENTS MÈTRES. IL EST PROBABLE QUE LES RÉSERVOIRS DE KÉROSÈNE SAUTERONT AUSSI. SI VOUS NE SUIVEZ PAS MES INSTRUCTIONS À LA LETTRE, JE VOUS ENVOIE TOUS EN ENFER. UN ANNEAU DÉTONA-TEUR GENERAL ATOMICS EST FIXÉ SUR L’EXPLOSIF. J’AI DÉJA DÉGAGÉ LA LANGUETTE. UN GESTE ET VOUS POURREZ TOUS DIRE ADIEU À VOS CULS !

Des cris jaillirent de la foule. Ce fut un sauve-qui-peut général. Des hommes et des femmes affolés, aux visages figés de peur, se précipitèrent vers le portail. D’autres s’enfuirent à toutes jambes, s’éparpillant sur l’aéroport.

 Les policiers, qui n’avaient plus à retenir la foule, restèrent néanmoins à leurs postes, mais on les sentait prêts à détaler. Amélia ne vit pas un seul visage incrédule.

— RICHARDS ? tonna la voix démesurément amplifiée, VOUS MENTEZ. DESCENDEZ DE VOITURE.

— JE VAIS DESCENDRE, MAIS D’ABORD, ÉCOUTEZ BIEN MES INSTRUCTIONS. JE VEUX UN JET, LES RÉSERVOIRS PLEINS, PRÊT À DÉCOLLER AVEC UN ÉQUIPAGE RÉDUIT. UN LOCKHEED-G-A OU UN DELTA SUPERSONIC. RAYON D’ACTION MINIMUM TROIS MILLE KILOMÈTRES. VOUS AVEZ QUATRE-VINGT-DIX MINUTES.

Eclairs de flashes. Caméras levées à bout de bras. Les journalistes aussi avaient peur, mais la pression psychologique exercée par cinq cents millions de téléspectateurs le leur faisait presque oublier. Et puis, ces spectateurs étaient réels. Et leur travail était réel. Tandis que les six kilos de Black Irish étaient peut-être issus de l’admirable esprit criminel de Ben Richards.

— RICHARDS ?

Un homme était descendu d’une des voitures garées une centaine de mètres plus loin, derrière le parking. Malgré la fraîcheur du soir, il ne portait qu’un pantalon sombre, et une chemise blanche dont les manches étaient retroussées jusqu’aux coudes. Il tenait un mégaphone, plus grand que celui de Richards. Malgré la distance, Amélia put voir qu’il portait des lunettes : le verres réfléchissaient la lumière du couchant.

— JE SUIS EVAN McCONE.

Richards connaissait ce nom, bien sûr. Un nom qui était censé lui glacer le sang dans les veines. Il ne fut pas surpris de constater qu’il
était
terrifié. Evan McCone était le chef des Chasseurs. Un descendant direct de J. Edgar Hoover et de Heinrich Himmler. Une incarnation de l’acier caché par le gant de velours cathodique du Réseau. Un père fouettard pour faire peur aux enfants désobéissants. Johnny, si tu ne cesses pas de jouer avec les allumettes, j’appelle McCone.

Il se souvint d’une voix surgie d’un rêve :
C’est toi petit frère ?

— NOUS SAVONS QUE VOUS MENTEZ, RICHARDS. SEUL UN CADRE G-A PEUT SE PROCURER DU DYNACORE. LIBÉREZ VOTRE OTAGE ET SORTEZ. NOUS NE VOULONS PAS LA TUER AUSSI.

Amélia eut un petit hoquet. Elle paraissait terriblement malheureuse.

— VOUS VIVEZ DANS LA STRATOSPHERE, PETIT HOMME. DANS LA RUE, ON TROUVE DU DYNACORE TOUS LES DEUX CENTS METRES À CONDITION DE PAYER CASH. C’EST CE QUE J’AI FAIT. AVEC DES DOLLARS DE LA FÉDÉRATION DES JEUX. VOUS AVEZ QUATRE-VINGT-DIX MINUTES.

— PAS QUESTION.

— McCONE ?

— OUI ?

— JE VAIS VOUS ENVOYER LA FEMME. ELLE A VU LE BLACK IRISH.

L’expression d’Amélia était un mélange de stupéfaction et d’épouvante.

— EN ATTENDANT, VOUS FERIEZ BIEN DE VOUS ACTIVER UN PEU. QUATRE-VINGT-QUATRE MINUTES. JE NE BLUFFE PAS, PETIT CON. UNE BALLE ET ON SE RETROUVE TOUS SUR LA LUNE.

— Non, murmura-t-elle, plus pâle que jamais, le visage déformé par un rictus incrédule. Vous ne croyez tout de même pas que je vais mentir pour vous ?

— Si vous ne le faites pas, je suis mort. Je suis blessé, en état de choc, et je sais à peine ce que je dis, mais je
sais
que c’est le meilleur moyen, le seul. Quel que soit le résultat. Alors, écoutez-moi : le dynacore est gris-blanc, ferme et un peu gras au toucher. Ça...

— Non, non, non !

Elle se boucha les oreilles avec ses mains.

— Ça ressemble à un gros pain de savon. Mais très dense, très lourd. Maintenant, je vais vous décrire l’anneau détonateur. Il...

Elle éclata en sanglots.

— Je ne peux pas. Vous
savez
que je ne peux pas. Mon devoir de citoyen... Ma conscience... J’ai une...

— Je sais, je sais, dit Richards sèchement. Ils pourraient se rendre compte que vous avez menti. Mais ce ne sera pas le cas. Si vous confirmez mon histoire, ils craqueront complètement. Et je m’envolerai comme un oiseau.

— 
Je ne peux pas !

— L’anneau est doré, reprit-il. Environ cinq centimètres de diamètre. Il est attaché à une languette large comme un crayon. Le détonateur, au bout, est invisible, enfoncé dans l’explosif.

Elle se balançait d’avant en arrière en gémissant, la tête entre les mains, et se pétrissait les joues comme de la pâte à pain.

— Je leur ai dit que j’avais redressé la languette. La bague n’est donc plus collée à l’irish. Vous avez pigé ?

Pas de réponse. Elle continua à gémir en se balançant.

— Je suis sûr que vous avez compris. Vous êtes une fille intelligente, non ?

— Je me refuse à mentir, dit-elle entre ses larmes.

— S’ils vous demandent d’autres détails, vous n’avez rien vu. Vous aviez trop peur pour regarder. Ou plutôt, si : depuis le premier barrage, j’ai passé un doigt dans l’anneau. Vous ne saviez pas ce que c’était, mais vous avez vu que je tenais une sorte d’anneau.

— Vous feriez aussi bien de me tuer tout de suite.

— Allez, l’encouragea-t-il, descendez.

Elle le regarda fixement, le regard vide, la bouche s’agitant convulsivement. La jolie bourgeoise pleine d’assurance, avec ses lunettes mauves et ses manières distinguées, avait bel et bien disparu. Reviendrait-elle jamais ? Richards en doutait. Pas complètement, en tout cas.

— Ne perdez pas de temps. Allez-y...

— Je... je...
Ô mon Dieu...

Elle se jeta contre la portière et se précipita dehors, manqua tomber, mais se redressa aussitôt et se mit à courir de toutes ses jambes. Elle était très belle à la lumière des flashes, avec ses cheveux flottant dans le vent. Une déesse entourée de comètes.

Des fusils se levèrent, puis s’abaissèrent lorsque la foule se referma sur elle. Richards se redressa un instant pour jeter un coup d’œil par la vitre, mais ne vit rien.

Il se renfonça dans le siège, regarda sa montre, et attendit la fin du monde.

Compte à rebours... 033

L’aiguille des secondes fit deux tours de cadran. Puis deux autres. Deux autres encore.

— RICHARDS !

Il leva le mégaphone :

— SOIXANTE-DIX-NEUF MINUTES, McCONE !

Il fallait jouer le rôle jusqu’au bout. Ne pas lâcher un pouce de terrain. C’était la
seule
tactique possible. Jusqu’au moment où McCone donnerait l’ordre de faire feu à volonté. Cela ne semblait d’ailleurs plus avoir
tellement
d’importance.

Le silence s’éternisait. Enfin, après une pause interminable :

— IL NOUS FAUT DAVANTAGE DE TEMPS. AUCUN L/G-A OU DELTA DISPONIBLE SUR LE TERRAIN. IL FAUT EN FAIRE VENIR UN.

Elle l’avait fait. Ô stupéfiant miracle ! La femme avait regardé l’abîme puis l’avait traversé. Sans filet. Sans possibilité de retour en arrière.

Evidemment, ils ne la croyaient pas. Ne jamais croire qui que ce soit, c’était leur métier. En ce moment même, ils devaient l’entraîner dans une pièce où attendaient les dix meilleurs interrogateurs de McCone. Et la litanie commencerait.
Nous savons que vous êtes très fatiguée, madame Williams... mais pourriez-vous nous décrire encore une fois... un petit détail ne nous paraît pas très clair... êtes-vous certaine que ce n’était pas le contraire... comment savez-vous... pourquoi... qu’a-t-il dit exactement, alors...

Ils essayaient donc de gagner du temps. Ils allaient trouver une excuse, puis une autre. Pas d’avion. Un problème de carburant. Faire venir un équipage compétent. Une soucoupe volante plane au-dessus de la piste zéro-sept, il nous faut du temps. Et nous n’avons toujours pas réussi à la briser. Elle n’a pas tout à fait reconnu que votre explosif consiste en un sac de faux alligator contenant des Kleenex, un peu d’argent liquide, des cartes de crédit et une trousse de maquillage. Du temps...

Ce serait trop risqué de vous tuer tout de suite, vous comprenez.

— RICHARDS ?

— ÉCOUTEZ-MOI BIEN ! cria-t-il dans le mégaphone. IL VOUS RESTE SOIXANTE-QUINZE MINUTES. ENSUITE, TOUT SAUTE.

Pas de réponse.

En dépit de l’ombre de l’Apocalypse, un certain nombre de curieux étaient revenus, les yeux brillant d’une fièvre presque sexuelle. Des projecteurs étaient braqués sur la voiture ; leur lumière aveuglante, sans ombre, mettait en relief les bords déchiquetés du pare-brise cassé.

Richards essaya d’imaginer la petite pièce où ils interrogeaient Amélia. En vain. La presse serait exclue bien sûr. Les hommes de McCone s’efforceraient de la faire blêmir de peur. Mais jusqu’où oseraient-ils aller avec une femme qui n’appartenait pas au monde anonyme du ghetto ? Evidemment, il y avait les drogues. McCone en ferait sûrement venir. Des drogues qui feraient parler un Sioux. Des drogues qui feraient trahir à un prêtre tous les secrets du confessionnal.

Un peu de violence quand même ? Les aiguillons électriques modifiés qui avaient fait des miracles à Seattle, lors des émeutes de 2005 ? Ou la simple répétition des questions ? Toutes ces pensées étaient inutiles, bien sûr, mais Richards était incapable de les refouler.

Il entendit, au loin, le bruit caractéristique des turbines d’un jumbo Lockheed.
Son
avion. Le son lui parvenait par vagues successives, coupées par le terminal. Lorsqu’il cessa brusquement, il comprit que le jet commençait à faire le plein. L’affaire de vingt minutes, s’ils se dépêchaient. Mais il était peu probable qu’ils se dépêcheraient.

Bien, bien, voyez-moi ça... Toutes les cartes étaient abattues, sauf une. Sauf une.

McCone ? McCone, où en es-tu ? As-tu réussi à percer les secrets de son esprit ?

Sur l’aéroport baigné par les dernières lueurs du jour, acteurs et spectateurs attendaient.

Compte à rebours... 032

Other books

The Grays by Strieber, Whitley
Perfect Ten by Nikki Worrell
The Wombles Go round the World by Elisabeth Beresford
Masks and Shadows by Stephanie Burgis
Reclaiming History by Vincent Bugliosi
The Pastor Of Kink by Williams, Debbie
Growing Into Medicine by Ruth Skrine