The Running Man (23 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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Trente secondes de silence. Holloway et Duninger ne le regardaient plus. Ils étaient trop occupés à vérifier tous les systèmes de l’avion, de la fermeture des portes à la pressurisation, aux commandes et mille autres encore. Les puissantes turbines G-A se remirent à vrombir, de plus en plus fort. Enfin, à peine audible dans ce vacarme, la voix de McCone :

— Ici McCone.

— Ramène-toi, petit con. Avec la fille. Je vous emmène faire un tour. Si vous n’êtes pas en haut de la passerelle dans trois minutes, je tire sur l’anneau.

Duninger se raidit sur son siège-baquet, comme s’il venait de recevoir une balle dans les tripes. Lorsqu’il se remit à réciter les numéros de la check-list, sa voix était mal assurée.

S’il a des couilles, c’est là qu’il relève mon défi. En exigeant la présence de la femme, je me trahis. En a-t-il vraiment, ou pas ? Là est la question.

Richards attendit.

Il n’avait pas besoin de consulter une montre. Les secondes s’égrenaient dans sa tête.

Compte à rebours... 028

Lorsque McCone réagit, sa voix avait un ton inhabituel, bravache. La peur ? Pas impossible. Richards se sentait déjà plus léger. Tout allait peut-être se mettre en place.

— Vous êtes complètement marteau, Richards. Je ne...

— Ecoutez-moi bien, l’interrompit Richards. A propos, n’oubliez pas que cette conversation est captée par tous les radio-amateurs dans un rayon de cent kilomètres. Vous ne travaillez pas dans le noir, petit homme. Vous êtes sous les feux de la rampe. Vous viendrez, parce que vous êtes trop trouillard pour risquer votre peau. Et la femme viendra parce que je lui ai dit où j’allais.

Faiblard. Frappe plus fort. Ne lui laisse pas le temps de réfléchir.

— Si par miracle vous survivez quand je tirerai l’anneau, vous ne trouverez même plus un boulot de cueilleur de pommes. (Il serrait le sac à main d’Amélia tellement fort que ses mains lui en faisaient mal.) Il n’y a donc pas à discuter. Trois minutes. Terminé.

— Un moment, Ri...

Richards rendit le micro à Holloway, qui le prit avec des doigts qui tremblaient à peine.

— Vous avez du cran, lui dit Holloway lentement. Ça, on ne peut pas le nier.

— Il lui en faudra encore plus pour tirer sur cet anneau, fit observer Duninger.

— Continuez votre travail, s’il vous plaît. Je vais aller accueillir nos hôtes. Nous décollons dans cinq minutes.

Il regagna la cabine, repoussa le parachute vers le hublot, et s’assit, les yeux fixés sur la porte d’accès. Bientôt, il en aurait le cœur net. Très bientôt.

Sa main ne pouvait s’empêcher de triturer le sac d’Amélia Williams.

Dehors, il faisait presque nuit.

Compte à rebours... 027

Ils montèrent la passerelle avec quarante-cinq secondes d’avance. Amélia, manifestement terrorisée, haletait ; ses cheveux étaient ébouriffés par le vent, que rien n’arrêtait dans ce désert fait de main d’homme. En apparence, McCone n’avait pas changé : il restait tiré à quatre épingles, presque serein, mais son regard brûlait d’une haine glaciale proche de la psychose.

— Vous n’avez pas gagné, loin de là, dit-il sans élever la voix. Nous n’avons même pas commencé à abattre nos atouts.

— Heureux de vous revoir, madame Williams, dit Richards avec douceur.

Comme s’il lui avait donné le signal, ou tiré une ficelle invisible, elle se mit à pleurer. Pas des sanglots hystériques, mais un gémissement désespéré qui venait du ventre. L’émotion était si forte qu’elle vacilla, puis s’écroula sous l’épaisse moquette, où elle resta à genoux, le visage entre les mains ; sa jupe ample l’entourait comme une corolle, la faisant ressembler à une fleur fanée.

Richards eut pitié d’elle. Un sentiment bien pauvre, la pitié, mais c’était tout ce dont il était capable.

— Monsieur Richards ?

C’était la voix de Holloway, à l’intercom.

— Oui ?

— Est-ce que... Nous avons le feu vert ?

— Oui.

— Dans ce cas, je vais donner l’ordre de retirer la passerelle et de condamner les portes. Ne soyez pas trop nerveux avec ce machin.

— D’accord, capitaine. Merci.

— Vous vous êtes trahi en me demandant d’amener la femme. Vous le savez, n’est-ce pas ?

L’expression de McCone était à la fois souriante et haineuse, comme s’il était habité d’une monstrueuse paranoïa. Il ne cessait de serrer et de desserrer les poings.

— Ah vraiment ? Et comme vous ne vous trompez jamais, vous allez sans doute me régler mon compte avant que nous décollions. Ce serait merveilleux, n’est-ce pas ? Vous seriez le héros de cette histoire, pur et sans reproche...

McCone entrouvrit les lèvres en une grimace hideuse, puis les serra jusqu’à ce qu’elles deviennent exsangues. Il ne fit pas un geste. L’avion se mit à vibrer légèrement, tandis que le bruit des turbines devenait plus aigu.

Lorsque la porte se ferma, le silence revint. Se penchant un peu pour regarder par le hublot, Richards vit les hommes en salopette éloigner la passerelle.

Et nous voilà tous sur l’échafaud !
pensa-t-il.

Compte à rebours... 026

Le signal ATTACHEZ VOS CEINTURES/DÉFENSE DE FUMER s’alluma. Lentement, le lourd jumbo-jet commença à tourner sur lui-même pour se mettre dans l’alignement de la piste. Grâce à ses lectures et au Libertel, Richards avait une certaine connaissance de l’aviation, mais c’était seulement la seconde fois qu’il prenait l’avion. A côté de cet énorme jumbo, la navette Harding-New York faisait figure de joujou. Les puissantes vibrations transmises par la coque étaient presque effrayantes.

— Amélia ?

Elle releva lentement la tête. Les larmes avaient laissé des traînées grises sur son visage ravagé.

— Hein ?

Sa voix était lointaine, comme si elle sortait d’un rêve.

— Venez à l’avant, nous partons. (Il se tourna vers McCone.) Quant à vous, petit homme, allez où il vous plaira. Mais n’embêtez pas l’équipage.

Sans un mot, McCone alla s’asseoir près des rideaux séparant la première classe de la seconde. Apparemment pas satisfait, il se releva presque aussitôt et gagna l’arrière de l’appareil.

Se tenant aux dossiers des fauteuils, Richards s’approcha d’Amélia.

— Venez. Si ça ne vous dérange pas, je prendrai le fauteuil près du hublot. Je n’ai pris l’avion qu’une seule fois auparavant.

Il s’assit. Elle s’installa à côté de lui, puis l’aida à boucler sa ceinture pour qu’il n’ait pas à sortir la main de sa poche. Il hasarda un sourire, mais elle se contenta de le regarder d’un air hébété.

— Vous êtes comme un mauvais rêve, dit-elle au bout d’un moment. Un rêve qui ne finit jamais.

— Je suis vraiment désolé.

— Je n’ai pas... commença-t-elle.

Il posa la main sur sa bouche pour l’empêcher de continuer, et secoua énergiquement la tête.

L’appareil continua à tourner avec une infinie lenteur, dans le grondement sourd des turbines, puis roula lourdement vers les pistes, maladroit comme un canard se dirigeant vers la mare. Il était si énorme que Richards avait l’impression qu’il était en réalité immobile, et que le paysage défilait autour de lui.
Tout cela n’est peut-être qu’une illusion ; nous sommes dans un studio, des caméras cachées projettent des images sur les hublots...

Le jet marqua un arrêt, tourna de vingt-cinq degrés sur la droite, puis repartit. Il passa les pistes 3 et 2, puis s’immobilisa de nouveau.

A l’intercom, Holloway annonça d’une voix dénuée d’expression :

— Nous décollons.

L’avion se remit en mouvement, roulant de plus en plus vite, mais sans dépasser la vitesse d’un air-car. Soudain, dans un rugissement de moteurs, une accélération terrifiante plaqua Richards contre le siège.

Dehors, les feux délimitant la piste défilaient si vite qu’ils formaient presque une ligne continue. Le régime des turbines augmentait par paliers successifs, faisant de nouveau vibrer la coque.

Il remarqua soudain qu’Amélia, les yeux fermés, très pâle, les dents serrées, se cramponnait aux accoudoirs.
Mon Dieu, elle n’a jamais dû prendre l’avion non plus !

— Ça y est ! dit-il. On est parti, on est parti...

Il le répéta cinq ou six fois de suite, incapable de s’arrêter.

— Pour où ? murmura-t-elle.

Richards ne répondit pas. Il commençait tout juste à le savoir.

Compte à rebours... 025

Les deux sentinelles de garde à l’entrée est de l’aéroport regardaient l’immense avion de ligne filer sur la piste, emplissant l’air d’un rugissement assourdissant.

— Il est parti. T’as vu ça ? Il est parti ! s’exclama le premier soldat.

— Pour où ? demanda l’autre.

Ils virent la longue forme noire se détacher du sol et monter vers le ciel à un angle improbable, à la fois aussi tangible et prosaïque qu’un cube de beurre sur une assiette, et totalement irréelle, comme si sa vitesse l’emportait dans un monde défiant l’imagination.

— Tu crois qu’il l’a vraiment ?

— Comment veux-tu que je le sache ?

Le rugissement du jet ne leur parvenait plus que par vagues successives.

— Mais je vais te dire un truc. Je suis content qu’il ait emmené ce putain de McCone.

Le premier soldat releva son col et cessa de regarder les clignotants verts et orange qui s’éloignaient dans la nuit.

— Je peux te poser une question personnelle ?

— Tant que je ne suis pas obligé d’y répondre...

— Tu aimerais qu’il réussisse son coup ?

Le soldat mit très longtemps à répondre, tandis que le bruit du jet devenait de plus en plus lointain, jusqu’à se confondre avec le bruissement du sang dans ses oreilles.

— Oui.

— Tu crois qu’il y arrivera ?

Un sourire, croissant pâle dans l’obscurité.

— Ce que je crois, mon ami, c’est que ça va faire un grand boum.

Compte à rebours... 024

La terre avait disparu.

Richards ne pouvait détacher son regard du hublot. Au cours du vol précédent, il avait dormi, comme pour mieux se préparer à celui-ci. Le ciel avait une couleur de vieux porto. Des étoiles hésitantes commençaient à scintiller. A l’ouest, seule une mince ligne d’un orange cruel indiquait que le soleil n’était pas couché depuis longtemps. En se mettant tout contre le hublot, il pouvait voir un petit essaim de lumières : sans doute Derry.

— Monsieur Richards ?

Il sursauta comme si on l’avait piqué avec une épingle.

— Oui ?

— Nous sommes actuellement en attente. Autrement dit, nous décrivons des cercles au-dessus de l’aéroport. Vos instructions ?

Richards se donna le temps de réfléchir mûrement. Il ne fallait surtout pas leur en dire trop.

— A quelle altitude minimum ― absolument minimum ― pouvez-vous voler ?

Après une longue pause pour consulter ses collègues, Holloway répondit prudemment :

— Nous pourrions descendre jusqu’à deux mille pieds. C’est contraire aux règlements de la N.S.A., mais...

— Ne vous inquiétez pas de ça. Je suis dans une certaine mesure obligé de me mettre entre vos mains, monsieur Holloway. Comme on vous en a certainement informé, je ne connais pas grand-chose à l’aviation. Mais n’oubliez pas que les gens qui ont un tas d’idées brillantes pour me baiser sont au sol et ne risquent rien. Si vous me racontez des histoires et que je m’en aperçois...

— Personne ici n’a l’intention de vous mentir, monsieur Richards. La seule chose qui nous intéresse, c’est de poser tranquillement cet engin sur une piste.

— D’accord, d’accord.

Il se plongea de nouveau dans ses pensées. A côté de lui, Amélia Williams se tenait très raide, les mains sur les genoux.

— Mettez le cap à l’ouest, dit-il brusquement. A deux mille pieds. Et dites-nous ce qu’il y a d’intéressant en route.

— D’intéressant ?

— Le nom des villes que nous survolons, dit Richards. Je n’ai pris l’avion qu’une fois auparavant.

— Ah !

Holloway paraissait soulagé.

L’avion s’inclina imperceptiblement. L’horizon encore légèrement lumineux apparut dans le hublot, puis disparut.
Nous volons à la poursuite du soleil
, pensa-t-il.
C’est stupéfiant...

Il était 18 h 35.

Compte à rebours... 023

Le dos du siège placé devant lui fut une révélation. Dans la pochette, se trouvait un livret d’instructions. En cas de turbulences, mettez votre ceinture. En cas de dépressurisation subite, appliquez sur votre visage le masque à oxygène se trouvant juste au-dessus de vous. En cas d’ennuis de moteurs, attendez les instructions de l’hôtesse. En cas de mort subite par explosion, vos travaux dentaires pourront permettre votre identification. Si vous avez de mauvaises dents.

Un petit Libertel ultra-plat était encastré dans le dossier. Un avis informait le spectateur que, compte tenu de la vitesse, les interférences entre divers canaux étaient parfois inévitables.

Dans la pochette, il y avait également un bloc de papier à lettres à en-tête de la compagnie aérienne et un stylo G-A attaché à une chaînette. Richards prit le bloc sur ses genoux et écrivit maladroitement :

« Il y a 99 chances sur 100 pour qu’ils aient planqué un micro-émetteur quelque part sur vous : chaussures, vêtements ou même cheveux. McCone est à l’écoute et attend que vous vous trahissiez. Dans un moment, feignez une crise d’hystérie, suppliez-moi de ne pas tirer sur l’anneau. Cela améliorera nos chances. Vous êtes d’accord ? »

Elle inclina affirmativement la tête. Après une brève hésitation, Richards marqua :

« Pourquoi leur avez-vous menti ? »

Elle lui prit le stylo de la main et le maintint un moment suspendu au-dessus du papier avant d’écrire :

« Sais pas. Après ce que vous m’avez dit, je me sentais coupable. Un assassin. Votre femme. Et vous paraissiez si... » Elle hésita avant de tracer le mot : « ... pitoyable. »

Richards eut un pâle sourire – cela faisait mal. Comme elle n’ajoutait rien, il lui reprit le stylo : « Commencez votre numéro dans environ cinq minutes. »

Elle fit un signe d’assentiment. Richards roula la feuille de papier en boule, la fourra dans le cendrier de l’accoudoir, gratta une allumette et y mit le feu. Une flamme claire s’éleva, éveillant des reflets dans le hublot. Lorsque les cendres eurent fini de rougeoyer, il les écrasa songeusement.

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