The Running Man (5 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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Lorsque G-A l’avait fichu à la porte, il n’avait pas retrouvé de travail : avec son bras paralysé, c’était difficile. Depuis deux ans, sa femme était gravement asthmatique. Elle ne pouvait plus quitter le lit.

— Alors, conclut Laughlin avec un sourire amer, j’ai décidé de viser le sommet. J’espère bien balancer quelques salopards par la fenêtre avant de me faire descendre par les gars de McCone.

— McCone ? Tu crois vraiment que c’est...

— 
La Grande Traque
 ? Y a pas de doute, mon pote. Passe-moi une clope.

Richards lui donna le paquet.

La porte s’ouvrit et le gosse apparut, au bras d’une superbe créature court vêtue. Au passage, il leur adressa un sourire crispé.

— Monsieur Laughlin ? Si vous voulez bien entrer ?

Richards se retrouva donc seul, à moins de compter la secrétaire, qui avait de nouveau disparu dans sa petite forêt vierge.

Il alla vers le distributeur de cigarettes fixé au mur. Laughlin devait avoir raison : la machine distribuait même des Dokes. Le haut de gamme, pas de doute ! Il prit un paquet de Blams.

Une vingtaine de minutes plus tard, Laughlin ressortit, accompagné d’une blonde assez époustouflante.

— Une copine de mon club, dit-il à Richards, tandis que la blonde battait des sourcils d’un air langoureux. (L’expression de Laughlin était sombre.) Au moins, ce fils de pute n’y va pas par quatre chemins. A bientôt, peut-être.

Laughlin sortit. La réceptionniste passa la tête par le feuillage.

— Monsieur Richards ? C’est à vous, s’il vous plaît.

Il entra.

Compte à rebours...
087

Le bureau était assez grand pour jouer au bowling. Il était dominé par une immense baie vitrée donnant sur les immeubles bourgeois, les entrepôts et les réservoirs des docks ; au loin, l’on voyait même le lac. Un gigantesque tanker traversait lentement l’horizon.

L’homme assis derrière le bureau était de taille moyenne. C’était un Noir. Il était tellement noir, en fait, que l’on aurait cru un Blanc qui s’était passé le visage au cirage. Comme dans les vieux spectacles de music-hall.

— Bonjour, monsieur Richards.

Il se leva et lui tendit la main par-dessus le bureau. Lorsque Richards ne la prit pas, il n’en parut aucunement offensé. Il retira calmement sa main et se rassit.

Richards s’installa dans le confortable fauteuil placé face au bureau et écrasa sa cigarette dans un cendrier en bronze frappé de l’emblème des Jeux.

— Je suis Dan Killian. Comme vos tests le prouvent, vous êtes un garçon très intelligent, monsieur Richards. Vous aurez sans doute deviné ce qui vous amène ici.

Richards croisa les bras et attendit.

— Vous avez été sélectionné pour participer à
La Grande Traque
, monsieur Richards. C’est notre show numéro un : le plus lucratif – et le plus dangereux – pour les concurrents. Votre contrat définitif est sur mon bureau. Je ne doute pas que vous le signerez. Auparavant, j’aimerais toutefois vous expliquer pourquoi vous avez été sélectionné, et m’assurer que vous savez réellement à quoi vous vous engagez.

Richards garda le silence.

Killian fit glisser un dossier sur la surface immaculée de son bureau. Richards vit que son nom était marqué sur la couverture. Killian ouvrit prestement le dossier.

— Benjamin Stuart Richards. Vingt-huit ans. Né le 8 août 1997 à Harding. Etudes au collège des Métiers manuels de South City de septembre 2011 à décembre 2013. Suspendu à deux reprises pour manque de respect. Vous avez, je crois, frappé le sous-directeur à la cuisse alors qu’il avait le dos tourné ?

— Foutaises ! Je lui ai donné un coup de pied au cul.

Killian hocha la tête.

— Comme vous préférez, monsieur Richards. A l’âge de seize ans, vous avez épousé Sheila, née Gordon. Un contrat à vie, à l’ancienne mode. Toujours anticonformiste, hein ? Pas d’affiliation syndicale suite à votre refus de signer le serment de fidélité et les accords de contrôle salariaux. Vous auriez traité le secrétaire Johnsbury de « sale péquenot ».

— C’est exact.

— Au travail, vous étiez assez mal noté. Vous avez été congédié... voyons... à six reprises, pour diverses raisons ― insubordination, insultes à supérieurs, critique excessive de l’autorité.

Richards haussa les épaules.

— En résumé, vous êtes considéré comme un homme asocial, ennemi de toute autorité. Un déviant suffisamment intelligent pour avoir évité la prison et le piège de la drogue. Selon un de nos psychologues, vous avez vu des lesbiennes, des excréments et des véhicules polluants dans des taches d’encre. Il a également signalé que vous avez été pris d’une hilarité inexplicable...

— Il me rappelait un môme que je connaissais à l’école. Il aimait se branler en regardant sous les jupes des filles. Le môme, bien sûr. J’ignore quels sont les plaisirs favoris de ce docteur.

— Je vois. (Killian sourit brièvement, révélant des dents d’une blancheur éblouissante, et se replongea dans le dossier.) Vous avez eu des réactions racistes, tombant sous le coup de la loi raciale de 2004. Au cours du test suivant, vous avez fait plusieurs associations violentes.

— Je suis ici pour un travail violent, si je ne me trompe.

— Effectivement. Pourtant, nous ― et je parle dans un sens plus général que la Direction des Jeux, dans un sens national ― ... nous sommes au plus haut point troublés par ces réactions.

— Vous avez peur que quelqu’un ne plastique votre voiture ce soir, monsieur Killian ? demanda Richards en souriant.

Killian mouilla songeusement son index et tourna la page.

— Heureusement ― pour nous, du moins ― vous avez en quelque sorte donné un gage à la société. Vous avez une fille, Catherine, âgée de dix-huit mois. S’agissait-il d’une erreur ?

Il eut un sourire glacial.

— Non, c’était volontaire, dit Richards sans rancœur. A l’époque, je travaillais à la G-A. Une partie de mon sperme a dû en réchapper, une farce du destin, peut-être. Le monde étant ce qu’il est, je me demande parfois si nous n’avions pas perdu la boule.

— En tout cas, vous voilà, dit Killian, qui arborait toujours son sourire glacial. Et mardi prochain, vous allez tenir le rôle principal dans
La Grande Traque
. Vous connaissez cette série ?

— Oui.

— Vous savez donc qu’il s’agit de l’émission la plus prestigieuse du Libertel. Elle offre aux spectateurs de nombreuses occasions de participer, directement ou indirectement. Je suis le producteur de cette série.

— Formidable, fit observer Richards.

— Cette émission est l’un des meilleurs moyens dont le Réseau dispose pour se débarrasser de personnes potentiellement dangereuses. Telles que vous-même, monsieur Richards. Elle existe depuis six ans. A ce jour, il n’y a pas eu de survivant. Pour parler franchement, nous sommes certains qu’il n’y en aura jamais.

— Autrement dit, les dés sont pipés, dit Richards.

Killian parut plus amusé qu’horrifié.

— Mais non ! Vous oubliez que vous êtes un anachronisme, monsieur Richards. Les gens ne se contenteront pas de rester assis devant leur écran en encourageant vos adversaires par des cris ou des applaudissements. Certainement pas ! Ils veulent que vous soyez éliminé, et ils feront tout pour cela. Plus ce sera macabre, plus ils seront ravis. De surcroît, vous devrez faire face à Evan McCone et à ses Chasseurs.

— On dirait un groupe de néo.

— McCone ne perd jamais, dit simplement Killian.

Richards fit entendre un grognement.

— Vous apparaîtrez en direct mardi soir. Les émissions suivantes seront un montage de bandes, de films et de flashes, en direct si possible. Il nous est arrivé d’interrompre d’autres programmes lorsqu’un concurrent particulièrement talentueux était sur le point de... d’atteindre son Waterloo personnel, si je puis dire. Les règles sont la simplicité même. Vous ― ou les membres survivants de votre famille – toucherez cent nouveaux dollars par heure tant que vous resterez libre. Nous allons vous verser une avance de quatre mille huit cents dollars, en partant de l’hypothèse que vous pourrez échapper aux Chasseurs pendant quarante-huit heures. Si vous tombez plus tôt, le solde devra bien entendu être remboursé. Vous prendrez le départ avec douze heures d’avance. Si vous durez trente jours, vous touchez le Grand Prix. Un milliard de nouveaux dollars.

Richards rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire tonitruant.

— Je partage entièrement vos sentiments, dit Killian en grimaçant un sourire. Avez-vous des questions ?

— Une seule, dit Richards en se penchant vers lui. Cela vous plairait d’être à ma place, dans l’émission ?

Killian fut pris d’un irrésistible fou rire. Se tenant le ventre des deux mains, il réussit à dire :

— Excusez-moi, monsieur Richards... Je... c’est plus fort que... avant d’être submergé par une nouvelle crise de rire.

Il réussit finalement à se contrôler et s’essuya les yeux avec un grand mouchoir blanc.

— Vous avez un extraordinaire sens de l’humour, monsieur Richards, et en plus... (Le rire le submergea de nouveau, mais il se reprit aussitôt.) Il faut vraiment que vous m’excusiez. C’était plus fort que moi.

— C’est ce que je vois.

— Pas d’autres questions ?

— Non.

— Parfait. Avant l’émission, il y aura une réunion de toute l’équipe. Si d’autres questions prenaient forme dans votre esprit hors du commun, vous pourrez les poser à ce moment-là.

Killian appuya sur un bouton.

— Epargnez-moi la pute de service, dit Richards. Je suis un homme marié.

— Vous êtes certain ? dit Killian en haussant les sourcils. La fidélité est une vertu admirable, monsieur Richards, mais nous sommes vendredi ; le week-end sera long, d’ici mardi. Compte tenu du fait que vous ne reverrez peut-être jamais votre femme...

— Je suis marié.

— Comme il vous plaira.

Killian fit un signe de tête à la grande blonde qui était apparue à la porte ; la fille se retira.

— Pouvons-nous faire quoi que ce soit d’autre pour vous ? Un appartement vous est réservé au huitième étage ; vous pourrez commander des repas à la carte ― dans la mesure du possible, nous ferons tout pour vous satisfaire.

— Une bouteille de bon bourbon. Et un téléphone pour appeler ma femme.

— Je suis désolé, cher monsieur Richards. Pour le bourbon, pas de problème. Mais une fois que vous aurez signé cette décharge, vous ne pourrez plus communiquer avec l’extérieur jusqu’à mardi. (Il fit glisser vers Richards le formulaire et un stylo.) Si vous avez des regrets en ce qui concerne la fille...

— Non. (Richards griffonna son nom en bas de la feuille.) Tout bien réfléchi, mettez deux bouteilles de bourbon.

— C’est noté.

Killian se leva et lui tendit de nouveau la main.

De nouveau, Richards ne la serra pas. Il se leva et sortit.

Killian le regarda s’éloigner avec une expression énigmatique. Il ne souriait plus.

Compte à rebours...
086

Au passage de Richards, la réceptionniste surgit de son bout de paradis tropical et lui remit une enveloppe. Sur celle-ci, il put lire :

Monsieur Richards,

Je suppose qu’au cours de notre entrevue, vous omettrez de mentionner un sujet qui vous tient pourtant à cœur. Vous avez besoin d’argent immédiatement. Exact ?

En dépit de certaines rumeurs, l’administration des Jeux ne verse
pas
d’avances. N’oubliez pas que vous êtes, non un concurrent prestigieux ou une star du Libertel, mais simplement un gars payé très cher pour faire un travail très dangereux.

Il n’existe toutefois aucune règle m’interdisant de vous accorder un prêt à titre personnel. Vous trouverez dans cette enveloppe dix pour cent de votre rémunération de départ. Non pas, d’ailleurs, en nouveaux dollars, mais en certificats de la Haute Autorité des Jeux, négociables sur le réseau bancaire. Si vous décidez, comme je le pense, d’envoyer lesdits certificats à votre épouse, elle s’apercevra qu’ils ont un net avantage sur les nouveaux dollars : un médecin réputé les acceptera en paiement, tandis qu’un charlatan les refusera.

Sincèrement,

Dan Killian.

Richards ouvrit l’enveloppe et en sortit un épais carnet de coupons frappés de l’emblème des Jeux. Il y en avait quarante-huit, d’une valeur nominale de dix nouveaux dollars. Richards se sentit submergé par une reconnaissance absurde. Cela ne dura pas : Killian savait certainement ce qu’il faisait. Il se ferait sans nul doute rembourser les quatre cent quatre-vingts dollars ; et puis, c’était une façon bon marché de s’assurer que son client était content et de protéger son propre poste, qui était à coup sûr grassement payé.

— Merde ! s’exclama-t-il.

La tête de la réceptionniste apparut aussitôt.

— Vous disiez, monsieur Richards ?

— Rien. Où est l’ascenseur ?

Compte à rebours...
085

La suite était somptueuse.

Une moquette si épaisse et moelleuse, que l’on avait envie de s’y rouler, tapissait le sol des trois pièces : séjour, chambre et salle de bains. Il y avait un Libertel, mais il était fermé. Un silence bienfaisant régnait. Des fleurs étaient disposées dans des vases. Près de la porte, un bouton discret était marqué SERVICE. « Le service était certainement rapide », songea Richards avec cynisme : deux flics étaient postés dans le couloir, sans doute pour l’empêcher de vagabonder.

Il appuya sur le bouton. La porte s’ouvrit aussitôt.

— Oui, monsieur Richards ? demanda un des flics. Le bourbon que vous avez commandé arrive de suite.

Ça devait lui faire mal d’être aussi poli.

— Ce n’est pas pour ça que j’ai sonné, dit Richards en sortant le carnet de coupons. Je voudrais envoyer cela à quelqu’un.

— Ecrivez le nom et l’adresse, monsieur Richards. Je le ferai porter sans tarder.

Richards sortit de son portefeuille la facture du cordonnier. Après y avoir marqué son adresse et le nom de Sheila, il la donna au flic avec le carnet de coupons. Il allait refermer la porte lorsqu’une autre idée lui vint.

— Un moment !

Il reprit le carnet que le policier tenait à la main et déchira soigneusement, en suivant les pointillés, une section du premier coupon : valeur nominale, 1 nouveau dollar.

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