The Setting Lake Sun (13 page)

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Authors: J. R. Leveillé

BOOK: The Setting Lake Sun
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*

We finished off our first evening drinking hot
sake
and I fell asleep in front of the wood fire in the fireplace. Ueno had wrapped me in blankets with Native designs to keep me warm.

I remember that on the first night of my second visit the Navajo blankets lay where I had left them. I had wrapped myself in one of them and was studying the fireplace, with its stone chimney and the mantel made of twisted wood, when I noticed a short list of dates pencilled on the wall next to the fireplace. I asked Ueno what they signified.

“It's a record of the occasions I've made love in the twenty-five years I've been here.”

“It's not very impressive.”

“You don't think so? Come and impress me, then.”

He headed for the bedroom, knowing, I think, that I would simply follow him, as if it were the most natural thing in the world.

112

Le lendemain, Ueno faisait cuire des crêpes à même le poêle à bois.

— La prédestination, c'est ce qui arrive à ce qui suit son cours.

Il m'avait répondu ainsi parce que je lui avais fait part de mon sentiment : n'avait-il pas eu, dès le premier soir, l'impression que nous devions nous rencontrer ?

Plusieurs associent le destin à la nuit, comme une fatalité. Il me semble comprendre aujourd'hui que ce que nous prenons pour le destin est plutôt l'arrivée à la lumière de la conscience de choses que nous refusions de reconnaître.

*

The next morning Ueno was cooking crepes right on top of the wood stove.

“Predestination is what happens to those who are following their own course.”

This was his answer when I told him about how I felt: Didn't he have the impression, even that first evening at the gallery, that we were bound to meet each other?

Many people associate destiny with the night, a kind of dark fate. I now believe that what we take to be destiny is actually the coming to consciousness of something we had refused to acknowledge.

113

Quoiqu'il y eût l'eau courante et l'électricité, Ueno aimait fonctionner le plus possible comme si ces éléments de la vie moderne n'existaient pas.

Ce n'est que plus tard que j'ai remarqué un autre édifice sur la propriété, bien camouflé dans les bois. Un petit sentier y menait. On arrivait dans un enclos déboisé, presque circulaire. La cabane était au centre. Là arrivaient l'électricité… et le téléphone. Il y avait aussi un générateur et une antenne parabolique.

À l'intérieur, on trouvait une salle de douche, une autre pour la lessive et une troisième avec ordinateur, téléphone et téléviseur. Un véritable centre de télécommunication.

— Pour me tenir au courant et mener certaines affaires que j'ai en Orient.

*

Although the cabin was equipped with running water and electricity, he preferred to carry on as much as possible as if these conveniences of modern life didn't exist.

It wasn't until later that I noticed another building on his property, camouflaged by the trees and reached by a narrow path. Following the path you came to an almost circular clearing, with the cabin in its centre. That's where the entry for electricity was hooked up, and the telephone. It also had a generator and a satellite dish.

Inside were a bathroom equipped with a shower, a laundry room, and a third room containing a computer, a telephone and a television set. A real telecommunications centre.

“It allows me to keep in touch and take care of my interests in the East,” he said.

114

— C'est comme les deux cabanes de Grey Owl, m'a-t-il raconté. Tu as entendu parler de ce Britannique qui s'est fait passer pour un Indien ?

— Un peu. Il a écrit des livres et fait l'élevage de castors.

— C'est ça. Pour le Service des parcs dans le Nord de la Saskatchewan. Eh bien ! les castors vivaient avec lui dans la première cabane en rondins qu'il a fait construire au bord du lac Ajawaan. Aujourd'hui encore, on peut voir la maison des castors insérée comme dans une bouchée qu'on aurait prise dans un côté de la demeure. Ils pénétraient dans la cabane en passant sous l'eau, lorsqu'ils n'entraient pas carrément par la porte de devant.

Cette image semblait lui plaire beaucoup. Son visage s'est transformé et il avait l'apparence d'un gamin de huit ans.

— Lorsque son épouse Anahero – c'était une vraie Indienne, elle – est devenue enceinte, il a cru que ce n'était pas un endroit convenable pour élever un enfant et étudier les castors. Alors, il a construit une deuxième cabane, plus haut, sur une petite colline, pour son épouse et sa fille… Ils sont d'ailleurs enterrés tous les trois à quelques pas de là.

— Alors vous avez…

— Alors j'ai senti en venant ici que si je voulais vivre comme je l'entendais, je devais séparer l'espace que j'habitais de celui où j'étais appelé à maintenir mon contact avec le monde extérieur.

*

He continued, “It's like Grey Owl and his two cabins. You've heard of him, haven't you? He was the Englishman who passed himself off as an Indian.”

“A little. He wrote books and raised beaver.”

“That's right. He did it for the national parks service in Northern Saskatchewan. Well, the beavers lived with him in a log cabin he built on the shore of Lake Ajawaan. You can still see the beaver lodge projecting from the side of the building, forming one of its walls. The beaver would enter the cabin by swimming underwater when they weren't walking right in the front door.”

He seemed to get a big kick out of the story. His face had completely changed and he looked like an eight-year-old kid.

“When his wife Anahero—who was a real Indian—became pregnant, he didn't think it such a good idea to raise a child and study beaver in the same house. So he built a second cabin for his wife and daughter, higher up on a rise. And today the three of them are buried close by.”

“So you thought...”

“So I thought when I came here that if I wanted to live the way I intended, I would have to separate the space I lived in from the space where I had to maintain contact with the outside world.”

115

Ce soir-là, nous avons vu et entendu des huards sur le lac à la brunante. Je n'en avais jamais vu ni entendu dans la nature auparavant.

Il m'a aussi fait découvrir le
shakuhachi
.

— Si tu as aimé Rampal, tu vas connaître ici le vrai son du Japon. Le morceau que je te fais jouer s'appelle
Kokû-Reibo
. C'est une des plus anciennes pièces du répertoire, d'où sa jeunesse éternelle.

Il m'a longuement laissé écouter la flûte de bambou alors que la nuit se faisait plus compacte sur le lac. C'est peut-être étrange à dire, mais grâce à la mélodie solitaire de la flûte dans l'air, j'avais l'impression, malgré la densité apparente, que cette opacité était légère et que la nuit était un immense gratte-ciel noir horizontal qui s'étendait vers moi.

*

At dusk on our second evening we watched and listened to the loons on the lake. I had never before seen or heard them in the wild.

He also gave me my first taste of
shakuhachi
.

“You may have liked Rampal's version, but now you're going to hear the real sound of Japan. The piece I'm going to play for you is titled ‘
Koku-Reibo
.' It's one of the oldest pieces in the repertory, which explains why it will always sound so young.”

He let me quietly listen to the recording of the bamboo flute while I watched the night settle on the lake. It seems strange to say, but because of the solitary sound of the flute I had the impression that the oncoming darkness was not as dense as it appeared; it was, in fact, quite light, and night was a huge black horizontal skyscraper stretching towards me.

116

Dans cette profondeur, un grand apaisement descendait sur moi. Les bribes de ma vie semblaient être des petites bulles de souvenir qui flottaient, alors que j'étais paisiblement au centre de ce passé et peut-être même de ce futur qui apparaissaient autour de moi.

La nappe d'eau s'était transformée en une vaste étendue de nuit dans laquelle j'étais calmement suspendue. Je me sentais en sécurité. Bien en moi. À l'aise dans cet espace indistinct, comme dans une soupe primordiale.

— Tu médites, a-t-il dit, comme je me suis retournée pour l'apercevoir debout à quelques pas derrière moi.

— Depuis combien de temps êtes-vous là ?

— Un quart d'heure à peu près.

J'étais étonnée. Je croyais que quelques minutes à peine s'étaient écoulées.

— Vous êtes planté là comme un grand héron qui fait la sentinelle.

*

In this darkness I found a huge relief. The fragments of my life seemed to be little bubbles of memory floating about, while I remained at peace in the centre of the past and maybe even of the future that appeared before me.

The expanse of lake water had become a vast stretch of night in which I was suspended. I felt calm and safe, I felt good about myself, I was at ease in that indeterminate space, as in a primordial soup.

“You're meditating,” he remarked, even as I turned to find him standing a couple of paces behind me.

“How long have you been there?”

“About fifteen minutes.”

I was stunned. I'd thought that no more than a minute or two had gone by.

“You're standing there like a big heron keeping watch.”

117

— Le
shakuhachi
, m'a-t-il expliqué, est le plus important instrument à vent du Japon. Il existe depuis plus de mille ans. C'est un instrument extrêmement simple, mais dont la technique est très complexe. On le taille dans la base d'une tige de bambou vidée où l'on perce des ouvertures. Cette flûte est capable d'une grande variété de timbres. Les plus petites sont brillantes et cristallines comme toi; les plus grosses peuvent jouer si doucement qu'elles sont presque inaudibles.

— Alors comme toi !

— Surtout, on dit que le
shakuhachi
peut imiter toutes les inflexions de la voix humaine. Moi, je crois que c'est la voix de l'inconscient originel. D'ailleurs, les ancêtres considé­raient le
shakuhachi
comme le souffle de la vie et de l'illumination.

*

He explained, “The
shakuhachi
is the most important wind instrument in Japan. It has been in existence for more than a thousand years. It's a very simple instrument that requires a very complex technique. They cut it from the base of a hollow bamboo stem, then drill the holes.

“This kind of flute can produce a wide range of tones. The smallest make a brilliant sound, like crystal—like you; the biggest ones can be played so softly they're almost inaudible.”

“Like you!”

“Most important, they say it can imitate all the sounds of the human voice. The ancients considered the
shakuhachi
to be the breath of life and enlightenment. Myself, I believe that it's the voice of the original unconscious.”

118

Nous étions allés nous asseoir près du foyer et il a sorti un instrument de bambou dont il s'est mis à jouer. C'est à ce moment que j'ai observé qu'il jouait de la main gauche, car il lui manquait une partie du petit doigt de la main droite, coupé juste en dessous de l'ongle.

Il a dû faire des erreurs de ton que je n'ai pu détecter, car il s'est mis à rire.

Il a déposé la flûte entre mes mains pour que je puisse la regarder et la toucher.

— C'est assez lourd.

— C'est essentiellement un instrument masculin, m'a-t-il fait remarquer.

*

We went to sit in front of the fireplace and he took out a bamboo instrument that he started to play. That was when I noticed that he played with his left hand, because the tip of the little finger on his right was missing.

He must have hit some false notes that I couldn't detect, because he started to laugh.

He handed me the flute so that I could run my fingers over it and take a closer look.

“It's quite heavy.”

“It's basically a masculine instrument,” he told me.

119

De tout le temps que j'ai connu Ueno, il ne m'a jamais semblé plus japonais que lorsqu'il s'est mis à me parler du
shakuhachi
. Comment c'était traditionnellement l'instrument exclusif des moines et des samouraïs, et qu'il pouvait servir d'arme de défense. Comment l'aspect de la flûte devait être le plus naturel possible et que malgré cette apparence ordinaire, le
shakuhachi
était tenu pour un objet d'une grande beauté.
Wabi-sabi
, s'exclamait-il.

Je m'assoupissais et j'ai encore voulu dormir devant le foyer. J'avais été si bien la nuit précédente.

Il a vu mon état, pourtant il a tenu à me raconter une « berceuse », a-t-il dit en souriant, l'histoire d'un samouraï qui avait été surpris par une bande de brigands alors qu'il se baignait dans la rivière.

*

During all the time I knew Ueno he never seemed more Japanese than when he started to tell me about the
shakuhachi
. About how, traditionally, it was played exclusively by monks and samurais and could even be used as a weapon in self-defence. About how the flute should look as natural as possible and that despite its ordinary appearance, it was held to be an object of great beauty. “
Wabi-sabi
.”

I was wilting. I had slept so well by the fire I wanted to fall asleep there again.

He could see how I was fading, and yet he was determined to tell me a bedtime story, as he said with a smile. It was the story of a samurai who was surprised by a gang of bandits while he was bathing in the river.

120

— Il avait laissé son épée et sa robe bien loin sur la rive. Seul le
shakuhachi
était assez près pour qu'il puisse y mettre la main. Mais contrairement aux attentes des bandits, le redoutable guerrier ne les a pas attaqués. Plutôt il s'est assis nu sur la grève, en position de lotus, et s'est mis à jouer de la flûte. On dit que le son qu'il en tira charma et émerveilla à tel point la petite bande de voyous qu'ils lui firent une fête sur les lieux. Ils partagèrent avec lui leurs vivres et le laissèrent partir.

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