The Setting Lake Sun (7 page)

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Authors: J. R. Leveillé

BOOK: The Setting Lake Sun
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Nous avons pris un verre avec lequel nous sommes retournés dans l'atelier. Le vendredi, Frank montait une bouteille et ouvrait une caisse de bières – ses employés n'étaient pas tous friands du vin en général et des concoctions de Frank en particulier. À la fin de la journée, il y avait, comme cela, une demi-heure de bonhomie. Ça ne durait pas très longtemps, c'était simple et sincère. En général, on aimait bien travailler chez Rinella.

Frank et moi circulions dans l'atelier tandis qu'on nettoyait les presses et qu'on rangeait le matériel. J'avais l'œil avide. Près du poste de Sara, rien qui ressemblait à un livre d'art japonais. Pas une épreuve. Rien.

J'étais déçue.

*

On Friday I headed for Rinella's at one o'clock. Frank planted a kiss on each of my cheeks and right away invited me down to the basement to try a new batch of wine that had just aged enough.

I cast around for a glimpse of Sara. Frank must have noticed, because he said, “Sara will be back soon. She went to deliver some business cards to a client. Karl isn't here today, so she offered. Come and have a glass.”

We poured ourselves a glass and took it back with us to the shop. On Fridays Frank brought up a bottle and also opened a case of beer. His staff members were not fond of wine in general and of Frank's concoctions in particular. But it was a friendly way to end the work week. It never lasted very long and it was simple and unpretentious. People really seemed to enjoy working there.

Frank and I made the rounds while the presses were cleaned and materials put away. I searched the place with my eyes. At Sara's work station I couldn't see anything that resembled a Japanese art book. Not a single galley, nothing.

I was so disappointed.

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Puis Frank a dit tout bonnement :

— La semaine prochaine le poète Ueno Takami va venir surveiller l'impression de son livre.

Il a dit ça comme s'il tenait pour acquis que je connaissais Ueno.

— Quand ça ? ai-je dit un peu nerveusement.

— Tout le week-end. Vendredi, samedi, dimanche. Il va falloir que je fasse du saké, a-t-il ajouté en riant.

Je ne sais pas pourquoi le nom ou la présence d'Ueno Takami avait le don de rendre le monde si jovial.

*

Then Frank happened to say, “Next week the poet Ueno Takami will be coming to oversee the printing of his book.”

He said it as if he took it for granted that I would know Ueno.

“When will that be?” I asked nervously.

“All weekend. Friday, Saturday, Sunday. I'll have to make some
sake
,” he added, laughing.

I didn't know why the presence of Ueno Takami, or his name, should make people so cheerful.

57

Je devais passer une phase japonaise. Ce samedi-là, je suis allée acheter un beau bocal rond et un poisson rouge.

J'ai placé cet habitat aquatique et le poisson que j'ai baptisé Frankie – non pas pour M. Rinella, mais en honneur de Frank Lloyd Wright – près de mon cactus que j'avais aussi nommé. Il s'appelait Tony. En hommage cette fois à Antonio Gaudi. Sa verticale épineuse me rappelait les spires de la cathédrale de La Sagrada Familia à Barcelone.

*

I must have been in a Japanese phase. That Saturday I went and bought a lovely round bowl and a goldfish.

I placed the little aquarium and the fish, which I had named Frankie—not for Mr. Rinella, but in honour of Frank Lloyd Wright—next to my cactus. I had also named the cactus. I called it Tony, in homage to Antonio Gaudi. Its spiky uprights reminded me of the spires of La Sagrada Familia Cathedral in Barcelona.

58

Dimanche matin, il faisait une espèce de clarté blanche dans la ville. L'air était sec, mais il y avait un très léger voile de nuages qui donnait une patine à Winnipeg, un doré opaque.

J'ai fait une longue promenade jusqu'au quartier italien de la rue Corydon pour prendre un café. Les rues étaient passablement désertes. J'avais l'impression de me promener seule dans une nature de béton. Il y a beaucoup d'arbres à Winnipeg, mais en l'absence de passants, ce sont les édifices, et les rues, et les terrains vagues, et les aires de stationnement qui attiraient mon attention. Malgré tout mon intérêt pour l'architecture, je ne trouvais cela ni particulièrement beau, ni laid. Je veux dire que je ne faisais aucune analyse des formes structurales, je ne portais aucun jugement esthétique. C'était une présence. J'avais, comme je l'ai dit, l'impression de me promener dans une forêt de pierre et de ciment et de verre.

*

Sunday morning the city was bathed in a kind of white brightness. The air was dry, but there was a very thin veil of cloud that gave Winnipeg a patina, an opaque gilding.

I took a long walk, all the way to the Italian district on Corydon Street to have a coffee. The streets were almost deserted. Winnipeg has many trees, but I had the impression that I was walking alone through a natural landscape made of concrete. With no one around, my attention was drawn to the buildings, the streets, the empty blocks and parking lots. Despite my strong interest in architecture, I found this spectacle neither terribly beautiful nor very ugly. I mean that I didn't at all analyze the structural forms and I passed no aesthetic judgements. It was simply there. As I said, I had the impression of walking through a forest of stone and cement and glass.

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Sur le chemin du retour, il y avait davantage de monde dans les rues. J'ai entendu klaxonner. C'était Frank dans sa vieille Cadillac couleur de bronze, aux ailerons tout chromés.

— Monte, a-t-il dit. Je te donne un lift.

Il revenait avec son épouse de la messe à l'église du Saint-Rosaire. La construction de cette église avait soulevé beaucoup de controverses. Elle avait été érigée sur un terrain vague, mais la paroisse avait acheté plusieurs demeures qu'elle voulait raser pour en faire un parc de stationnement. Deux maisons avaient été démolies avant que les habitants du quartier manifestent et obtiennent l'arrêt des travaux. Le dimanche, les paroissiens stationnent maintenant dans le terrain du supermarché, de l'autre côté de la rue.

Je dois dire que lorsque je songeais à l'architecture, à l'époque, je ne pensais pas à toutes ces questions.

*

On my way back there were more people in the streets. I heard a car horn honking. It was Frank in his old bronze-coloured Cadillac with its chrome-plated fins.

“Get in,” he told me. “I'll give you a ride.” He and his wife were on their way home from mass at Holy Rosary Church.

The construction of this particular church had been very controversial. The church itself was built on a vacant lot, but the parish had bought up several houses that they wanted to demolish to make room for a parking lot. Two houses had been torn down before the neighbourhood residents protested and brought the project to a halt. Now on Sundays the parishioners park in the supermarket lot across the street
.

I must admit that when I thought about architecture in those days, I didn't really think about such issues.

60

— Sofia, tu connais Angèle, n'est-ce pas ? Angèle, mon épouse. C'est une amie de Sara, a-t-il précisé en s'adressant à sa femme.

— Bonjour, Angèle.

— Bonjour, madame.

— Où vas-tu ? m'a demandé Frank.

— Je rentre chez moi, dans l'Exchange. Tu peux me déposer au coin de Portage et Main. Frank…

J'ai enchaîné impétueusement :

— Est-ce que je pourrais passer la fin de semaine pro­chaine vous voir imprimer le livre de monsieur Takami ?

— Ça t'intéresse ?

— Oui, beaucoup.

— Il faudra demander à monsieur Takami, il est spécial, tu sais. Très perfectionniste… Passe vendredi, comme d'habitude. Tu pourras le saluer. Pourquoi ça t'intéresse ? Tu le connais ? Je croyais que ton affaire, c'était les buildings.

*

“Angèle, I'd like you to meet my wife. Sophia, this is Angèle. She's a friend of Sara's,” he explained to his wife.

“Hello, Angèle.”

“Hello, Mrs. Rinella.”

“Where are you going?” Frank asked.

“I'm heading home, to the Exchange District. You could just drop me at the corner of Portage and Main.” I impulsively kept on, “Frank, could I spend next weekend at your shop watching you print Mr. Takami's book?”

“You're interested?”

“Yes, very much.”

“We'll have to ask Mr. Takami. You know, he's a special case, a real perfectionist... Come by Friday, as usual. You can say hello to him. Why does this interest you? Do you know him? I thought buildings were your thing.”

61

J'étais ravie, je flottais, et je savais bien pourquoi; mais étrangement, c'est à autre chose que je pensais : l'église du Saint-Rosaire, l'ancienne.

Ma mère nous y emmenait parfois, ma sœur et moi, assister à la messe des Italiens, comme elle disait.

L'église était alors située à quelques rues de celle du Sacré-Cœur où je faisais aussi mon école. Et je ne sais ce qui la décidait, à l'occasion, d'aller prier au Saint-Rosaire. Certains dimanches, c'est là qu'elle nous trimballait.

Je ne me souviens plus si la messe se déroulait en anglais ou en italien, ou même en latin à l'époque. Ce que je me rappelle, ce sont les lieux. Une église avec des vitraux, que celle du Sacré-Cœur n'avait pas. À part ça, rien de bien particulier. L'espace était différent, plus intime. Le bois plus sombre que celui du Sacré-Cœur, moins roux. Et il y en avait davantage, jusqu'aux croisées du plafond.

Le jubé était plus petit. C'est toujours là que nous allions nous placer. Je crois que ma mère aimait les jubés, du fait que parfois elle remplaçait l'organiste.

Elle m'attachait à la console de l'orgue pendant qu'elle jouait, pour m'empêcher d'aller fureter durant le service. De cela je n'ai aucun souvenir; c'est ce qu'elle m'a raconté.

Ma mère était aussi une excellente pianiste.

*

I was ecstatic, I was floating, and I knew very well why; but strangely, I was thinking about something else: about Holy Rosary Church, the old one. The church was then situated a few streets from Sacré-Coeur where I also went to school.

My mother would sometimes take my sister and me there, to attend “the Italians' mass,” as she called it. I don't know what gave her the idea to go to pray at Holy Rosary, but every so often of a Sunday that's where she would go, trailing us along behind her.

I don't remember whether the mass was said in English or Italian or even in Latin back then. What I do remember is the structure. It had stained-glass windows, while Sacré-Coeur had none. Aside from that, there was nothing very special about it. Except that the space had a different feel to it, more intimate. The wood was darker than that of Sacré-Coeur, less reddish. And there was more of it, including cross-beams on the ceiling.

The loft was smaller. That's where we would always sit. I believe my mother was fond of choir lofts, since she would sometimes substitute for the regular organist at Sacré-Coeur.

When I was very small she would tie me to the organ while she played, so I wouldn't go off exploring during the service. I don't remember that at all; she's the one who told me.

My mother was also an excellent pianist.

62

J'arrivais à la porte de mon appartement quand j'entendis le téléphone.

C'était ma sœur.

— Tu veux faire une promenade ? Il fait si beau aujourd'hui.

— J'en reviens.

—…

— Pourquoi on ne sortirait pas nos vélos ? On pourrait aller se promener dans le parc Assiniboine.

— D'accord. Tu viens par ici, ou bien je passe chez toi ?

— Je viens d'entrer. Viens ici, ça me donnera un peu de temps.

— Bon, je pars dans une dizaine de minutes.

— Tu salueras maman.

— À bientôt.

Je voulais me changer et me recueillir quelques minutes devant le bocal au poisson rouge.

*

I had just stepped into my apartment when the telephone rang.

It was my sister.

“Want to go for a walk?” she asked. “It's a beautiful day.”

“I've just come back from one.”

Silence on the line.

“Why don't we take out our bikes?” I suggested. “We could go for a ride in Assiniboine Park.”

“Okay. Will you come here, or should I go to your place?”

“I just got in. If you come here it will give me some time.”

“Fine. I'll leave in about ten minutes.”

“Say hi to Mom.”

“See you soon.”

I wanted to change my clothes and to give myself a few minutes in front of the goldfish bowl.

63

La beauté et la simplicité de ce décor aquatique m'ont par la suite fait penser à ma découverte du sushi avec Ueno.

Il m'avait emmenée chez Edohei, un merveilleux petit restaurant traditionnel au centre-ville. J'avais d'abord été étonnée de la variété, sans croire que je pourrais avaler avec plaisir des morceaux de poisson cru. Mais j'ai été ravie et j'en raffole depuis. J'y retourne chercher l'inspiration. Car je voyais dans le sushi des petites architectures modulaires. La base en riz modelé dans la main supporte une diversité de coupoles et de toitures.

Le
tobiko
rouge avec son armature de vert marin et son dôme jaune.

Le
torigai
avec son toit à la Ronchamp.

L'auvent du splendide
kazunoko
jaune éclatant, ceinturé d'algue métallique.

L'
ikura
, cette petite construction géodésique avec ses contreforts en concombre.

Et les textures, veloutées, caoutchouteuses ; les consistances qui fondent, ou qui résistent légèrement sous la dent, et les apprêts, et les couleurs, vivantes,
saké
,
sakè
.

*

Ueno invited me to Edohei, a traditional Japanese restaurant located downtown. A marvellous little place. It was the first time I'd ever eaten sushi. Right off I was surprised by the variety of dishes, while refusing to believe that I could swallow pieces of raw fish with any pleasure. But I was delighted and since then I've been wild about them. I go back there for inspiration. Sushi, it's always seemed to me, are like little architectural modules. The rice is shaped by hand into a footing that supports an array of domes and rooflines.

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