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Authors: R.J. Ellory

Tags: #Thriller

Les Assassins (53 page)

BOOK: Les Assassins
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« Combien de personnes ? demanda-t-il.

— Six, en tout, répondit Turner. Le père, la mère et les quatre enfants. Le plus petit, 7 ans, la plus grande 13 ans. Blessures mortelles par arme à feu, dans la tête, pour chacun d’entre eux… On dirait du .38, mais Irving penche plutôt pour un fusil de .35. »

Gerrard fronça les sourcils.

« Il s’y attendait, expliqua Turner.

— Je ne vais pas lui demander. »

Gerrard promena son regard dans la cuisine, puis par la fenêtre qui donnait sur le jardin de derrière. « Et où est-il ?

— Il discute avec Farraday, sur la radio de la voiture.

— Vous avez besoin que je fasse quelque chose de spécial ?

— Non. Constatez les décès et autorisez un examen complet des corps. Je vais devoir les déplacer pour que mon équipe puisse accéder à toutes les pièces afin d’essayer de trouver quelque chose et de tout photographier. »

Gerrard hésita un instant avant de s’élancer vers l’escalier. « Ça va ? »

Turner haussa les épaules. « Les gamins. C’est ça, le plus dur. Même après toutes ces années…

— Je sais, Jeff. Je vois très bien ce que vous voulez dire. »

Irving arriva par la porte de la cuisine. Il salua Gerrard, puis annonça à Turner que Farraday et le directeur Ellmann souhaitaient voir la scène de crime examinée au plus vite. « Il vous confiera autant de personnel que vous voudrez.

— Ce n’est pas ça qui va m’aider, fit Turner. J’ai déjà deux TSC avec moi, ça me suffit largement.

— Je vais faire ce que je dois faire et je vous laisse tranquille », dit Gerrard.

Irving jeta un coup d’œil à sa montre. Il était 7 h 42.

« Quand est-ce que vous avez dormi pour la dernière fois ? lui demanda Turner.

— Je ne m’en souviens plus, répondit Irving avec une sorte de sourire.

— Qui est avec vous sur ce coup-là ?

— Vernon Gifford. Et Ken Hudson, si j’ai besoin de lui.

— D’après ce que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, je n’ai pas grand-chose à vous offrir…

— Ce sera toujours ça de pris. Trouvez-moi n’importe quoi, Jeff… Pour l’instant, on n’a rien du tout. »

 

Irving et Gifford attendirent dans la cuisine.

Hal Gerrard termina sa mission en vingt minutes. Il partagea quelques mots avec Irving, signa les documents requis et partit.

« J’ai appelé Ken Hudson, dit Gifford. Je lui ai demandé de faire des recherches sur le détective privé engagé par Grant et je lui ai expliqué qu’on allait peut-être devoir suivre la piste Greg Hill, qu’il y ait eu violence conjugale ou non.

— Le détective privé, d’accord. Quant à Hill, n’y allez pas tant qu’on n’aura pas compris ce qui se passe. Pour le moment, il semble que les deux affaires ne soient pas liées, et je ne veux rien déclencher d’autre.

— On connaît l’heure de la mort ?

— Entre minuit et 1 heure du matin, répondit Irving.

— Et Hill nous a appelés à quelle heure ?

— Les véhicules de patrouille étaient dans la 35
e
 Rue Est vers 22 h 50.

— Donc Hill est hors de cause.

— En effet. »

Irving leva les yeux au plafond. Des bruits de pas se faisaient entendre sur le palier de l’étage, dans la salle de bains et la chambre principale. Turner et ses deux TSC étaient en haut ; ils y resteraient le temps qu’il faudrait et ils trouveraient quelque chose. Ou pas.

« Il faut que je passe un coup de fil, dit Irving. Restez là, je reviens tout de suite. »

Gifford s’installa devant la table de la cuisine. Irving repartit par la porte de service, fit le tour de la maison et monta dans la voiture.

Il resta assis là pendant une bonne minute, prit son portable et composa un numéro.

Il y eut quatre ou cinq sonneries avant que quelqu’un décroche.

« John ? Ray Irving à l’appareil… »

Costello ne disait rien.

Irving ajouta : « Il l’a fait… Un père, une mère et les quatre enfants. Il les a tous tués. »

64

  T
urner redescendit dans la cuisine juste avant 19 h 30. Il s’installa en face d’Irving et de Gifford et leur présenta une feuille de papier sur laquelle il avait dessiné un plan du premier étage – la situation de chaque chambre, une silhouette pour chacun des cadavres tels qu’ils avaient été découverts.

« Vous aviez raison pour le calibre .35, dit-il. Il semblerait que le type ait réveillé les parents, qu’il les ait obligés à marcher devant lui d’une pièce à l’autre. D’après ce que j’ai pu voir, il a d’abord abattu les deux petites, puis le garçon, et ensuite la fille aînée. Le père et la mère ont été tués en dernier…

— Il les a obligés à voir leurs propres enfants se faire assassiner ? fit Gifford, sidéré.

— Il faut croire. Le père a une énorme plaie sur le crâne, apparemment due à un coup de crosse de fusil. Il a peut-être essayé d’arracher l’arme des mains du tueur, qui l’aurait assommé. Ou alors le tueur a abattu les enfants, le bruit a réveillé les parents et il est entré dans leur chambre au moment où ils se levaient. Il les a fait s’allonger de nouveau et les a tués. Les éléments matériels ne nous disent rien sur l’enchaînement exact des événements, mais je pense que ça s’est passé d’une de ces deux manières-là. Je pencherais plutôt pour la première hypothèse.

— D’après ce qu’on voit, il est entré par la porte de derrière, dit Irving. Il a d’abord désactivé l’alarme depuis l’extérieur en sectionnant le câble juste au-dessous des gouttières, puis crocheté le verrou. Il savait très bien ce qu’il faisait. Il n’y a presque aucune trace sur la gâche et la serrure.

— Je n’arrive pas à croire que ce type soit entré dans la maison et ait assassiné une famille entière », dit Gifford, qui n’en revenait toujours pas.

Turner sembla l’ignorer ; il ne fit aucun commentaire, aucune réponse. Il se retourna comme s’il avait entendu un bruit et résuma à l’intention d’Irving, en quelques mots, l’état de ses recherches.

« Comme vous pouvez l’imaginer, il y a des empreintes partielles partout. On a relevé celles de la famille afin de les exclure, mais la plupart sont étalées ou superposées : bref, le lot commun dans une résidence d’habitation. Toutes les pièces possèdent de la moquette au sol, sauf la salle de bains. Elle est couverte de lino, mais il est très abîmé et trop strié pour qu’on y retrouve des empreintes de pas. On n’a retrouvé aucune douille mais vu les orifices d’entrée des balles je pencherais pour un fusil de .35. Bien que le calibre soit très proche, c’est une arme différente du .38. Ils ont tous été abattus à bout portant, à moins d’un mètre vingt. Tués sur le coup, c’est sûr. D’après les flaques de sang, ils étaient tous allongés. Peut-être que le fusil était équipé d’un silencieux, si bien que personne ne s’est réveillé ou levé à cause du bruit. Rien n’indique que les corps aient été touchés
post mortem
. On va les autopsier, évidemment, mais je pense que ça ne va rien nous révéler de plus sur la cause de la mort.

— Et la maison ?

— On va tout analyser. La porte de derrière, l’arrière du bâtiment, sous les avant-toits, partout où il peut y avoir eu un contact physique. Mais bon… Vous savez comment ça se passe, j’imagine ?

— Oui, fit Irving d’une voix à la fois lasse et désespérée. Je sais que ça ne changera rien. Cependant, j’aimerais savoir si ces gens ont reçu la visite de la police, s’ils étaient sur la liste des familles prévenues. »

Il se releva, accablé par le fardeau qui pesait sur ses épaules. « On va procéder à l’enquête de voisinage.

— Bonne chance », lui répondit Turner.

Irving et Gifford ressortirent de la maison et se lancèrent dans cette longue et laborieuse tâche qui consistait à interroger les voisins. Ils choisirent les douze résidences adjacentes au n
o
 1448, Irving celles de gauche, Gifford celles de droite, ainsi que les maisons situées en face. Quelques-unes étaient vides – ils se promirent de repasser –, mais par chance la plupart des gens n’étaient pas encore partis au travail. Aucun n’avait entendu ni vu quoi que ce soit d’anormal. À 9 h 30, les deux policiers n’avaient toujours rien d’intéressant à se mettre sous la dent. Farraday avait appelé Irving sur son biper trois fois, mais ce dernier ne l’avait pas recontacté.

Sur le coup de 9 h 40, Turner téléphona pour lui annoncer que les corps étaient en train d’être transférés. Entre-temps, intrigués par le va-et-vient des policiers, des badauds s’étaient massés sur le trottoir. Irving leur demanda de reculer pour laisser passer les civières et permettre aux TSC et à l’équipe du coroner de travailler tranquillement. Ils acceptèrent, souvent à contrecœur, comme s’ils avaient le droit de voir ce qui s’était passé. Heureusement qu’ils ne voyaient pas, pensa Irving. Heureusement pour eux.

Turner envoya ses TSC pour convoyer les corps. Il se chargea ensuite de guider Irving et Gifford à travers les pièces de l’étage, afin de leur montrer la position précise dans laquelle chaque cadavre avait été découvert, le parcours emprunté par le tueur.

Tandis que Turner et Gifford discutaient dans la chambre principale, Irving passa un moment, seul, dans la chambre du petit garçon. Brandon, s’appelait-il. Presque 7 ans. Un tas de DVD des X-Men étaient posés en désordre sous le lecteur. Des figurines trônaient sur les étagères, sorties d’une série de boîtes de rangement orange vif. Une veilleuse en forme de bonhomme de neige blanc jetait encore une lumière faible. Irving s’avança pour appuyer, avec le bout de son pied, sur l’interrupteur. Le 13 novembre, quelques jours avant Thanksgiving, moins de six semaines avant Noël. Il se dit que le petit garçon avait déjà dû rédiger sa liste de cadeaux.

Là-dessus, Turner et Gifford apparurent dans l’encadrement de la porte.

« Du nouveau ? demanda Gifford.

— Rien du tout.

— J’ai comme l’impression que s’il y a des choses à découvrir ici, elles ont été laissées intentionnellement.

— Je suis d’accord. »

Irving promena une dernière fois son regard autour de la chambre, puis s’engagea dans l’escalier. « Allez, on repart au n
o
 4, dit-il à Turner. Tenez-moi au courant pour les autopsies. J’aurai besoin des rapports au plus vite.

— Je vais aussi faire mes analyses préliminaires. Je vous les envoie par mail directement. »

Ils se saluèrent. Irving et Gifford regagnèrent leur voiture, Turner fit un ultime tour de la maison pour s’assurer qu’elle était bien sécurisée. Des policiers resteraient garés devant toute la journée, voire plus si nécessaire, afin d’en empêcher l’accès aux journalistes comme à ces petits groupes d’individus qui entraient par effraction sur les scènes de crime afin d’y voler des objets et d’y prendre des photos. En repensant à cette engeance, Irving se rappela l’article sur le Marteau de Dieu et la plainte déposée par le patron du garage où avait travaillé Robert Clare.

Gifford prit le volant. Irving ne disait rien. Il revoyait les images des petites figurines et des flaques de sang. Rien d’autre. Il n’arrivait pas à les chasser de sa tête.

Des figurines et des flaques de sang.

Dès qu’il eut regagné la salle des opérations, il s’entretint avec Hudson. Ce dernier n’avait pas encore mis la main sur le détective privé engagé par Grant. Il avait par contre obtenu son nom et son numéro de portable. Karl Roberts. Il travaillait dans un petit bureau de la 25
e
 Rue Est, près de la cour d’appel de Manhattan. Hudson s’était rendu sur place, avait frappé à la porte jusqu’à ce que le locataire du bureau voisin vienne lui demander ce qu’il fabriquait. Grant avait été contacté, mais il ne savait pas où se trouvait Roberts. Pour le moment, Irving ne se faisait pas trop de bile. Roberts avait pu, ou non, demander à Desmond Roarke de s’introduire clandestinement chez Greg Hill. Peu importait le comment du pourquoi : Greg Hill était hors de cause pour l’assassinat de la famille Allen. Irving avait même envisagé un instant que Mia Grant ait été assassinée par Hill, avec, pure coïncidence, un mode opératoire identique au meurtre de Kathy Sue Miller en 1973. Mais il s’était immédiatement ravisé. La lettre « Isaïe » envoyée au
New York Times
, celle qui promettait six autres morts, ne faisait-elle pas précisément référence à Mia Grant, à la manière dont elle était
entrée très calmement dans cette longue nuit 
? La seule chose dont Irving fût sûr et certain, c’était qu’il s’agissait de la même personne. Et si Hill n’était pas l’assassin de la famille Allen, il n’avait donc pas tué les autres victimes.

Irving avait davantage la tête à sa réunion avec Bill Farraday qu’à tout ce que pouvait lui raconter Ken Hudson. Après lui avoir demandé de poursuivre ses recherches concernant le détective privé de Grant, il se dirigea vers le bureau du capitaine.

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  « K
arl Roberts, dit Irving. Tant qu’on ne l’aura pas retrouvé, on n’a aucun moyen de savoir s’il est impliqué ou non. Pour le moment, tout ce qu’on a, c’est un Desmond Roarke nous expliquant que c’est Grant qui l’a appelé. Or, d’après Grant, ils ne se sont pas parlé depuis quatre ans, et j’ai tendance à le croire. On est en train de récupérer le relevé des conversations téléphoniques passées depuis le domicile de Grant, mais si c’est lui qui a contacté Roarke, je ne le crois pas assez bête pour l’avoir fait de chez lui. »

Farraday regardait par la fenêtre, debout, les mains dans les poches. « Conclusion ?

— Je pense que notre tueur a fait quelques recherches sur Grant, non seulement sur sa vie privée, mais sur ses anciens clients. Grant m’a dit que Mia le soupçonnait d’avoir peut-être une liaison. Peut-être en savait-elle davantage, par exemple qu’il s’agissait de Laura Hill. On peut imaginer que l’assassin de Mia l’ait forcée à raconter tout ce qu’elle savait sur son père. Et de là, à partir des anciens clients de Grant, il aurait pu retrouver Desmond Roarke et lui demander d’aller fouiner chez Greg Hill. Plusieurs choses en résultent. On reçoit une fausse alerte concernant les six meurtres qu’il a évoqués dans la lettre d’Isaïe, Evelyn Grant découvre vraisemblablement la liaison de son mari avec Laura Hill, on a des hommes occupés par les enquêtes sur Hill et sur Roarke, et il nous rappelle à quel point il a un coup d’avance sur nous. Il sait qui nous sommes. Il sait que c’est moi qui dirige cette enquête. Il a simplement fallu qu’il voie la déclaration du directeur Ellmann, qu’il fasse un peu de surveillance la semaine dernière, vérifie certaines des adresses auxquelles je me suis rendu, consulte le registre électoral et mette les choses bout à bout. Il n’est pas idiot. Il nous a parlé des six victimes dans sa lettre et a anticipé notre réaction.

BOOK: Les Assassins
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