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Authors: R.J. Ellory

Tags: #Thriller

Les Assassins (15 page)

BOOK: Les Assassins
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Il a demandé à la fille de sortir de la voiture. Il l’a obligée à s’asseoir sur le gravier, il a sorti de sa voiture un manche à balai d’environ quatre-vingt-dix centimètres de long et a poussé la tête de la fille en arrière jusqu’à ce qu’elle touche le sol. Il a commencé à l’étouffer avec le manche à balai. Il a appuyé très fort, elle s’est mise à agiter les bras et à donner des coups de pied. Il m’a dit de lui attraper les jambes, je n’ai pas voulu, il m’a dit « Il faut le faire », alors j’ai attrapé ses jambes et les ai tenues pendant une seconde ou deux, avant de les relâcher. Il m’a dit : « Recommence », et j’ai recommencé, et c’est là qu’elle a arrêté de se débattre. Il m’a dit de lui prendre les mains pendant qu’il lui tenait les pieds, et on l’a balancée par-dessus une barrière. On a franchi la barrière à notre tour, puis il a traîné la fille sur une petite distance et il l’a encore étranglée un peu plus. On l’a laissée dans une sorte de fourré.

 

Irving leva les yeux.

« Ça suffit comme ça ? » demanda Langley.

Il hocha la tête.

« Je vous parie ce que vous voulez, dit-elle, que le mode opératoire du meurtre d’hier va ressembler à celui-là.

— Deux garçons et une fille, vous dites ?

— Oui. Deux garçons retrouvés tués par balles dans le coffre d’une voiture et une fille nue découverte à environ un kilomètre de là, étranglée à l’aide d’un objet.

— Donc on a affaire à un copieur.

— Un copieur qui tue le jour anniversaire du meurtre originel. Et qui copie non pas un, mais plusieurs tueurs. Jusqu’à présent il a copié Carignan, plus connu sous le nom de Harv le Marteau, Murray, le Tueur du Crépuscule, John Gacy, et Kenneth McDuff. Sept victimes, toutes des adolescents, et en moins de deux mois.

— On va être obligés de vous demander de ne pas publier votre article.

— Je sais.

— Vous allez me répondre que le peuple a le droit de savoir, la liberté de la presse, toutes ces conneries. »

Langley fit non de la tête et sourit.

Elle était tellement mieux quand elle souriait, pensa Irving.

« Non, je ne vais pas vous répondre ça. Que le peuple ait le droit d’être informé, peu importe. Et pour ce qui est de la liberté de la presse… Vous et moi sommes suffisamment cyniques et blasés pour savoir que la liberté de la presse vaut ce qu’elle vaut. Non, je vais vous répondre que vous allez avoir besoin d’une décision de justice pour me faire taire au seul motif que je complique les choses. J’ai passé beaucoup trop de temps dans ma vie à obéir, et je suis enfin arrivée à un stade où j’aime mon boulot et où je veux le garder. Or ce genre de conneries fait vendre du papier.

— J’obtiendrai une décision de justice, dit Irving.

— Ne vous gênez surtout pas, inspecteur. »

Irving aimait bien cette femme. Il avait très envie de lui mettre une claque, mais n’empêche, il l’aimait bien. Il se leva.

« Donc, j’ai combien de temps devant moi ? » demanda-t-elle.

Irving jeta un coup d’œil sur le témoignage de Roy Green. « Vous allez publier un papier sur ce triple homicide ? »

Langley haussa les épaules. « Vous allez me demander de ne pas le faire ?

— Je ne vous demande rien, sinon d’avoir un minimum de bon sens et de respect pour le travail que l’on mène. »

Langley voulut répondre, changea d’avis. « Je vous l’accorde, inspecteur Irving. » Elle se leva, contourna son bureau et se planta face à lui. « Vingt-quatre heures, dit-elle. Revenez d’ici vingt-quatre heures avec une décision de justice et vous aurez gagné – je ne publie pas mon article. Pas de décision de justice, et le papier paraît demain soir. »

Irving tendit la main. « Marché conclu. »

Ils se saluèrent.

« Ah, et une dernière chose, dit Langley. On va devoir lui donner un nom, évidemment. On n’est rien tant qu’on n’a pas de nom. “Copieur”, c’est un peu ringard, non ? Très années 1980, je trouve.

— Je ne vous ferai même pas l’honneur d’une réaction.

— Il réédite les crimes le même jour que les meurtres originels. J’aime bien ça. “Les Meurtres Anniversaires”.

— Vous savez quoi, madame Langley ? Je pense vraiment que vous… »

Irving s’interrompit, secoua la tête.

« Oui, je vous écoute ?

— Laissez tomber », fit Irving avant de quitter la pièce en refermant sèchement la porte derrière lui.

10

  « E
lle n’a rien dit d’autre sur la petite annonce ? demanda Farraday.

— Qu’est-ce qu’il y a d’autre à dire ? Ils ont tiré au hasard et ils sont tombés sur quelque chose… Je ne pense pas qu’ils
sachent
qu’ils sont tombés sur quelque chose. »

Farraday se pencha pour s’emparer du brouillon d’article. « “Il est très probable qu’elle venait de répondre à une petite annonce pour un emploi de femme de ménage à temps partiel à Murray Hill, publiée par le journal gratuit local, plus connu sous le nom de ‘gazette’.” Voilà ce qu’a écrit Karen Langley.
 
» Il jeta le journal sur le bureau. « Et elle a tenté sa chance avec le coup de téléphone concernant le double meurtre à l’arme à feu des deux filles retrouvées au bord de l’autoroute.

— Oui, elle exagère, dit Irving. Elle n’est pas aussi dure qu’elle en a l’air, mais elle l’est suffisamment pour savoir défendre son morceau. Si elle apprend l’existence du coup de fil de Betsy, elle va devenir intenable.

— Et maintenant, elle a en plus le témoignage qu’elle vous a fait lire sur cet autre triple assassinat, un assassinat qui n’était même pas mentionné dans leur article… »

Il y eut un silence. Puis Farraday reprit : « On n’aura jamais de décision de justice.

— Je sais bien.

— Ce n’est même pas la peine de demander.

— Et le n
o
 5 ? Et le n
o
 9 ?

— Comment ça ?

— C’est bien Lucas qui dirige l’enquête sur les deux filles ? Et Lavelle et Hayes sont sur le triple assassinat, à savoir les deux garçons retrouvés dans le coffre et la fille étranglée, n’est-ce pas ? Faites-les venir ici, histoire qu’on travaille ensemble sur ces affaires. On a quelque chose qui est en train de se dessiner. Je sais que les modes opératoires sont différents, les victimes aussi, les juridictions aussi, mais au moins on a quelque chose… »

Farraday lui lança un sourire narquois. « Et ce qu’on a, on l’a obtenu grâce à ce foutu
New York City Herald
. Ce que je ne comprends pas, c’est comment ils ont réussi à faire le lien aussi rapidement. Ils prennent trois affaires de meurtre et en quelques jours ils arrivent à les relier à des affaires qui remontent à près de quarante ans. Sans compter les derniers, avec la fille et les garçons dans la bagnole. »

Irving se tortilla, mal à l’aise, sur son fauteuil.

« C’est bizarre », conclut Farraday. Il scruta Irving comme si ce dernier allait ajouter un élément intéressant. Mais l’inspecteur, impassible, ne dit rien.

« Je vais en parler au directeur, reprit Farraday au bout d’un moment. On va voir pendant combien de temps encore il se montrera indulgent avec le rédacteur en chef du
Herald
. Je lui dirai ce qu’on a et je lui demanderai ce qu’il pense d’une éventuelle coopération entre vous et les autres équipes.

— Et en attendant ?

— Retournez voir Langley et voyez un peu ce qu’ils ont trouvé sur la petite annonce.
D’où
est venue l’information sur la gazette ? Comment est-ce qu’ils l’ont obtenue ? Elle a forcément quelqu’un qui a des tuyaux… Il faut voir s’il n’y a pas une fuite quelque part. »

Irving acquiesça, se leva et se dirigea vers la porte.

« Au fait, Ray ? »

Irving se retourna. « Si vous apprenez que quelqu’un dans ce commissariat est stipendié par le
Herald
, vous m’en parlez en premier, compris ?

— À qui d’autre pourrais-je en parler ? »

 

Une heure plus tard, Ray Irving était de retour dans le hall du
City Herald
. La réceptionniste du matin n’était pas là – peut-être partie déjeuner de bonne heure. Quoi qu’il en soit, le jeune homme qui la remplaçait était antipathique et peu serviable. Il dit simplement à Irving d’attendre le temps qu’il parvienne à joindre Karen Langley.

Il était déjà presque 13 heures lorsqu’il apprit qu’elle reviendrait d’ici un quart d’heure. Elle savait qu’Irving voulait la voir, elle était disposée à le recevoir, mais elle avait très peu de temps.

« Je suis très, très occupée », dit-elle en traversant le hall à grandes enjambées. Les bras chargés de dossiers, elle était suivie par un homme équipé d’un appareil photo, d’un sac à dos et d’un trépied. Elle s’arrêta devant Irving. Celui-ci ne se leva pas.

« À tout à l’heure, Karen, dit le photographe.

— Fais-moi une copie de toutes les photos, répondit-elle. Balance-les-moi par mail et j’essaierai d’y jeter un coup d’œil plus tard. »

L’homme hocha la tête et disparut par une porte à droite de l’escalier.

« Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Langley.

— Un quart d’heure.

— Trop long. »

Ray Irving récupéra son pardessus sur le siège. Il se releva lentement, resta face à elle une seconde et dit : « Un autre jour, alors. »

Il la contourna et se dirigea vers la sortie. Il ralentit dès l’instant où il l’entendit rire derrière lui.

« Vous vous foutez vraiment de la gueule du monde », dit-elle.

Il se retourna.

« Allez. Mais vraiment… Pas plus d’un quart d’heure, d’accord ? »

Irving haussa les épaules d’un air évasif.

« Qu’est-ce que c’était que ce truc ? demanda-t-elle.

— Quoi donc ?

— Le numéro que vous venez de me faire. Comme si ça n’avait pas d’importance. Franchement, inspecteur, ça fait plus d’une heure que vous m’attendez…

— Oh, vous savez… Je suis connu pour être capable de rester assis plus de deux heures sans bouger. »

Langley sourit. Un vrai sourire. C’était la deuxième fois qu’Irving voyait ça chez elle. Le genre de sourire qui prouvait qu’elle avait bel et bien un cœur.

Il s’avança vers elle. Elle lui refourgua les dossiers qu’elle tenait dans les bras.

« Vous voulez bien me les porter ?

— Mais c’est la moindre des choses, madame Langley.

— Karen, corrigea-t-elle. Puisqu’on va passer un peu de temps à se raconter des salades, autant le faire en s’appelant par nos prénoms.

— Moi, c’est Ray.

— Je sais. Vous me l’avez déjà dit. »

Ils s’assirent dans le même bureau, au même endroit. Elle lui proposa du café ; il déclina.

« Le rapport, commença Irving. Je serais curieux de savoir comment vous avez fait le rapport entre le présent et le passé. Ces meurtres remontent parfois à quarante ans.

— Je ne peux pas vous le dire.

— La petite annonce, continua Irving. Comment avez-vous fait le lien ? Sans la petite annonce, on en restait à une simple histoire de jeune fille assassinée.

— Elle était enroulée dans du plastique noir. C’était le point commun. Ensuite, il a suffi de voir où elle habitait et où elle a été retrouvée, de tracer une ligne et de voir quels quartiers se trouvaient entre ces deux points. On a ensuite épluché la gazette, on a trouvé une petite annonce…

— Impossible, intervint Irving. Ça n’a pas pu être aussi simple. Vous avez trouvé une petite annonce ? »

Langley confirma d’un signe de tête.

« Pour se mettre en quête d’une petite annonce, il fallait déjà connaître l’affaire initiale, qui remonte à… quelle année, déjà ?

— 1973. Une certaine Kathy Sue Miller.

— Donc il fallait que vous connaissiez cette affaire pour ne serait-ce qu’avoir l’idée de chercher une petite annonce. Parce que des corps enroulés dans des sacs-poubelle en plastique, je peux vous assurer que j’en ai vu beaucoup. »

Langley ne répondit pas.

« Vous ne dites rien ?

— Non, inspecteur, je ne dis rien.

— Et l’affaire des deux filles ? Votre article était très précis, notamment sur le fait qu’elles ont été tuées avec une arme de calibre .25 et que les blessures étaient identiques à celles infligées lors des premiers meurtres.

— Les Tueurs du Crépuscule. Cynthia Chandler et Gina Marano. Juin 1980.

— Vous avez un informateur au sein de la police, c’est ça ? »

Karen Langley rigola. Ce n’était ni du mépris, ni de la gêne, simplement la réaction de quelqu’un qui voulait éviter de regarder Ray Irving dans les yeux.

« Je considère donc ça comme un oui, fit celui-ci.

— Je n’ai rien dit.

— Vous n’êtes pas obligée.

— Alors on est dans l’impasse, inspecteur Irving…

— Ray. Je vous rappelle que puisqu’on se raconte des salades, autant nous appeler par nos prénoms.

— Alors on est dans l’impasse, Ray. J’ai beaucoup de choses à faire et…

— Qu’est-ce que vous diriez d’un marché ? »

Langley fronça les sourcils.

« Vous me posez une question, je dis la vérité. Ensuite on inverse les rôles.

— À condition que vous commenciez, dit-elle.

— Vous ne me faites pas confiance ?

— À part pour nous raconter des salades, non, je ne vous connais pas. Bien sûr que je ne vous fais pas confiance – vous êtes flic.

— Je n’en reviens pas… »

Langley haussa les épaules. « Il va falloir, pourtant. Assumez.

— Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

— Une seule question.

— D’accord, une seule question.

— C’est moi qui commence ? fit Langley.

— Bien sûr… Tout le monde sait que les journalistes sont beaucoup plus honnêtes et fiables que les policiers.

— Le coup de téléphone, dit Langley. Après le meurtre des deux adolescentes, est-ce qu’une femme a passé un coup de fil anonyme et laissé un message ? »

Irving hocha la tête.

« Vous êtes sérieux ? s’exclama Langley, profondément surprise.

— Mot pour mot. Ils l’ont enregistré, au n
o
 9.

— Nom de Dieu… Mais c’est tout simplement incroyable.

— Tout ce qu’il y a de plus vrai, malheureusement. À mon tour, maintenant. »

Langley le regarda.

« Le rapport. Comment avez-vous fait le rapport entre ces meurtres-là et les plus anciens ? »

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