Read Les Assassins Online

Authors: R.J. Ellory

Tags: #Thriller

Les Assassins (16 page)

BOOK: Les Assassins
2.05Mb size Format: txt, pdf, ePub
ads

Elle sourit. « Je n’ai pas fait le rapport. »

Irving fit une grimace.

« Ce n’est pas moi qui ai fait les recherches sur cette affaire, Ray. Quelqu’un d’autre s’en est chargé. J’ai un enquêteur à ma disposition.

— Qui s’appelle ? »

Karen Langley se leva. Elle lui adressa un sourire et tendit le bras, comme pour le raccompagner à la porte. « Ça fait deux questions.

— Vous êtes une dure à cuire, pas vrai ?

— Allez. À demain, donc ? »

Langley sourit encore.

Irving traversa la pièce. « Ou à tout à l’heure. »

Au bout du couloir, Irving nota au passage le nom inscrit sur la porte d’un des bureaux situé en haut de l’escalier. Gary Harmon. Il jeta ensuite un coup d’œil derrière lui. Il surprit Karen Langley en train de rentrer précipitamment dans son propre bureau, comme si elle l’avait épié.

 

Dans le hall d’entrée, la jeune réceptionniste était de nouveau là.

« Encore vous ?

— J’ai toujours du mal à partir, répondit Irving. Dites-moi… L’enquêteur de Karen Langley, c’est bien Gary Harmon, non ? »

La fille fronça les sourcils. « Gary ? Non, c’est John. John Costello. »

Il sourit, comme si on l’avait pris en flagrant délit de distraction. « Mais oui, bien sûr, dit-il. Merci infiniment.

— Je vous en prie. »

Ray Irving regarda son joli sourire, sa coiffure de star de cinéma et pensa :
Dans une autre vie. Peut-être dans une autre vie…

11

  R
ay Irving éplucha les anciens numéros de la gazette. Il ne lui fallut pas longtemps pour retrouver une petite annonce publiée à Murray Hill. Le numéro de téléphone était celui d’un portable. Il appela ; la ligne était désactivée. Il contacta le central téléphonique, discuta avec trois personnes différentes et finit par comprendre que le numéro avait été attribué provisoirement à un téléphone sans engagement. 30 dollars. Un appareil bon marché. Une fois le crédit consommé, on jette le tout à la poubelle. Indétectable.

Il téléphona alors aux archives de la police et tomba sur une personne disposée à l’aider.

« Des affaires anciennes, dit Irving. Qui remontent à 1966, 1973, 1975 et 1980.

— Ici ?

— Dans différents endroits. Los Angeles, Seattle, Chicago et le Texas.

— C’est une blague ?

— Pas du tout.

— Dans ce cas, je ne vois pas comment je peux vous aider. Enfin… Je
pourrais
vous aider, mais ça prendrait un temps fou. Il faudrait que j’appelle tous les services qui ont eu affaire au crime initial, que j’obtienne l’autorisation de transférer les dossiers et que j’envoie quelqu’un là-bas pour les retrouver. Ce n’est pas un travail de deux heures, inspecteur Irving, et quelqu’un, quelque part, va devoir valider le temps et l’argent dépensés.

— Qu’est-ce que je dois faire, alors ?

— Vous devez obtenir ce qu’on appelle un formulaire de transfert d’archive inter-États. Il doit être signé par un capitaine ou nécessairement un gradé supérieur. Ensuite, et seulement ensuite, je pourrai vous aider.

— Et où est-ce que je peux obtenir ça ?

— Donnez-moi votre adresse mail et je vous en envoie un. Imprimez-le, remplissez-le, faites-le signer, et après on en rediscute. »

Irving remercia son interlocuteur et raccrocha.

Sur son ordinateur, il chercha des renseignements concernant John Costello. Il trouva trois John et un Jonathan. Tous vivaient à New York : deux avaient été arrêtés pour conduite en état d’ivresse, un autre pour attaque à main armée, le dernier pour son implication dans un système d’évasion fiscale au début des années 1980. Deux d’entre eux avaient quitté l’État de New York, le troisième était mort. Le seul qui habitât encore New York frisait la soixantaine et vivait sur Steinway Street. À moins que ce type ressente un besoin irrépressible de prendre les trains de banlieue, Irving doutait qu’il puisse s’agir de la bonne personne. Il se rendit ensuite sur le site du
City Herald
, consulta l’ours, trouva les portraits de Karen Langley, de Leland Winter et du rédacteur en chef, un homme à la mine grave nommé Bryan Benedict. Mais aucune trace de Costello. Il entra
Costello enquêteur
dans le moteur de recherche et n’obtint qu’une liste d’articles sans rapport contenant ce nom, des textes de professeurs d’université, rien de pertinent. John Costello n’avait donc pas d’antécédents judiciaires, il travaillait pour le
New York City Herald
et avait réussi à relier plusieurs crimes récents à des meurtres parfois vieux de quarante ans.

Irving nota le numéro, téléphona au
Herald
et demanda à parler à Costello.

« Il n’a pas de ligne personnelle, lui dit la réceptionniste.

— Je suis passé tout à l’heure. Inspecteur Irving à l’appareil.

— Oui, bien sûr. Bonjour. Comment allez-vous ?

— Je vais bien, très bien. Mais il faut que je parle à John Costello.

— Je peux lui laisser un message pour qu’il vous rappelle. Ou alors je peux le croiser quand il aura terminé sa journée.

— Vers quelle heure ? »

Irving jeta un coup d’œil à sa montre. Il était 14 h 15.

« Vers 17 heures. Peut-être 17 h 30.

— Vous serez encore là ?

— Bien sûr. Je suis là jusqu’à 18 heures. »

Irving attendit quelques secondes. « Excusez-moi, mais je n’ai pas retenu votre nom.

— Emma, répondit la réceptionniste. Emma Scott.

— J’ai envie de faire quelque chose, Emma. J’ai envie de passer vers 16 h 45 et d’attendre que M. Costello sorte. Quand ce sera le cas, je voudrais que vous me le montriez, afin que je puisse lui parler tout de suite.

— Est-ce qu’il est… Il a des ennuis ?

— Non, pas du tout, c’est même le contraire. Je crois qu’il pourrait m’éviter bien des ennuis. Il a fait des recherches sur un certain sujet et j’ai besoin de ses conseils.

— Et tout ça est légal, oui ? Je ne vais pas être…

— Tout est parfaitement légal, Emma. Je veux juste que vous me le montriez afin que je puisse aller le voir.

— D’accord, dit-elle, un peu hésitante. D’accord… Je pense que ça va pouvoir se faire, inspecteur Irving. Passez vers 16 h 45 et je vous présenterai John.

— Je vous remercie, Emma. À tout à l’heure. »

 

Le formulaire de transfert d’archive inter-États était un document de neuf pages, avec une police de taille 10 et un interligne simple. Irving connaissait les noms et les dates de décès des précédentes victimes, mais uniquement grâce au projet d’article de Karen Langley. Il ne connaissait ni les commissariats, ni les secteurs, ni les noms des inspecteurs qui avaient été en charge de ces affaires – ils devaient sans doute tous être morts ou à la retraite depuis longtemps. Certes, il avait vu la transcription du témoignage de Roy Green dans le bureau de Langley, avec le nom du policier qui l’avait interrogé en haut de la page, mais il était incapable de s’en souvenir. Il fut tenté d’appeler Langley pour le lui demander, puis changea d’avis. Il ne voulait pas qu’elle l’aide, qu’elle ait le sentiment d’avoir contribué, d’une quelconque manière, à la résolution de cette affaire. Le
City Herald
avait doublé la police. Le
City
Herald
avait l’intention d’annoncer à tout New York quelque chose que la police ignorait. Par quel miracle ? À cause de ce satané John Costello.

Bien entendu, Irving soupçonna d’abord Costello d’être l’assassin. Des meurtres anniversaires. Quelques jours seulement après les crimes, un brouillon d’article de journal qui établit le rapport. Improbable, même dans le meilleur des mondes. D’après le peu de choses qu’Irving savait sur les tueurs en série, beaucoup d’entre eux faisaient ça pour la publicité.
J’ai une petite bite, je n’ai pas de vie sociale, je suis incapable de baiser autrement qu’en tenant l’autre sous la menace d’une arme, et quand j’aurai fini, je détruirai les preuves de mon crime. J’ai été un enfant molesté. Je suis un pauvre type pour lequel tout le monde devrait avoir de la compréhension et de la compassion. J’ai dû tuer ces filles parce qu’en réalité elles étaient toutes ma mère. J’ai un travail important à accomplir, une petite entreprise si vous préférez… Pourquoi ne pas investir dans votre fille ? Je suis un vrai taré.

Il en eut marre.

Irving sourit et se replongea dans la paperasse.

12

  R
ay Irving n’était pas homme à se laisser facilement prendre au dépourvu.

Très rares, en effet, étaient ceux qui parvenaient à le désarçonner. En tout cas, c’est ce qu’il pensait.

John Costello, néanmoins, y réussit, et d’une manière qu’Irving n’aurait jamais imaginée.

« Je ne peux pas vous parler. » Telle fut la réaction de Costello lorsqu’Irving s’approcha de lui dans le hall du siège du
New York City Herald
, au croisement de la 31
e
 Rue et de la 9
e
 Avenue.

John Costello ne différait en rien des cent mille autres hommes proches de la quarantaine qui travaillaient dans les bureaux, les banques et les salles informatiques de New York. Sa coiffure, sa mise – un pantalon sombre, une chemise bleu pâle au col ouvert, une veste –, l’attaché-case marron foncé qu’il tenait à la main, sa manière de tenir la porte ouverte pour laisser passer une collègue devant lui, la façon dont il hocha la tête et sourit lorsqu’elle le remercia, son attitude en apparence détendue… Tout cela incita Irving à aller toucher le bras de John Costello, à prononcer son nom, à se présenter : « Monsieur Costello, je suis l’inspecteur Ray Irving, du commissariat n
o
 4. Je me demandais si vous aviez un moment… »

Et Costello l’interrompit aussi sec en six mots : « Je ne peux pas vous parler. »

Irving sourit. « Je comprends que vous soyez pressé de rentrer chez vous… »

Costello secoua la tête, esquissa une sorte de demi-sourire et répondit : « Un homme se tient au milieu d’une rue. Il est vêtu de noir de la tête aux pieds. Il porte une cagoule noire, des lunettes noires, des gants noirs. Tous les réverbères sont cassés, et pourtant un type qui roule à 130 à l’heure, tous phares éteints, réussit à le voir et à l’éviter. Comment est-ce possible ?

— Pardon, je ne comprends…

— C’est une devinette, dit Costello. Vous connaissez la réponse ? »

Irving fit signe que non. « Je n’ai pas vraiment écouté…

— Parce qu’il faisait jour. Vous êtes parti du principe qu’il faisait nuit quand j’ai parlé des réverbères cassés, mais il faisait jour. Le conducteur de la voiture arrive à voir l’homme parce qu’il fait jour. Il existe un vieux dicton sur les préjugés… Comme quoi ils sont à l’origine de toutes les conneries. »

Costello inclina la tête sur le côté en souriant.

« Oui… Oui, bien sûr », dit Irving avant de faire un pas de côté vers la sortie, comme pour le bloquer.

« Vous avez cru que j’étais disponible et pourtant je ne le suis pas. Je suis convaincu que ce dont vous voulez m’entretenir est de la plus haute importance, inspecteur Irving, mais j’ai un rendez-vous. Je ne peux pas vous parler maintenant, vous comprenez ? » Il consulta sa montre. « Je dois y aller.

— D’accord, bien… Je comprends, monsieur Costello. Je peux peut-être vous voir après votre rendez-vous ? Peut-être chez vous ? »

Costello sourit. « Non », dit-il, avec une telle fermeté qu’ Irving, l’espace d’une seconde, ne sut pas quoi répondre.

« Vous voulez discuter du brouillon d’article, reprit Costello.

— Oui. L’article sur…

— Vous et moi savons de quel article il s’agit, inspecteur Irving. Mais pas maintenant. »

Il regarda de nouveau sa montre. « Il faut
vraiment
que j’y aille. Je suis navré. »

Avant même qu’Irving ait eu la possibilité de réagir, Costello lui était passé devant et avait disparu derrière la porte.

Irving jeta un coup d’œil en direction d’Emma Scott. Elle était en train de discuter avec une femme entre deux âges. Il regarda vers la rue et, obéissant à une impulsion soudaine, décida de suivre Costello.

Ce dernier, d’un pas rapide, tourna à droite et remonta la 9
e
 Avenue vers l’église St. Michael. Là, il prit à gauche la 33
e
 Rue Ouest, et Irving – se tenant le plus à distance possible sans le perdre de vue – le fila jusqu’à la 11
e
 Avenue, où Costello tourna à droite en direction du Javits Center. Mais avant d’y parvenir, il emprunta, encore à droite, la 37
e
 Rue, et s’arrêta un instant pour chercher quelque chose dans son attaché-case. Sur ce, il monta rapidement le perron d’un immeuble et entra.

Le temps de le rejoindre, Irving avait perdu sa trace. Il inspecta l’immeuble. Quelques marches en pierre, un réverbère miniature de part et d’autre de la large porte d’entrée, et, au-dessus, calligraphié en lettres discrètes sur l’imposte en verre : « Winterbourne Hotel ».

Il hésita. Il se demandait s’il n’avait pas plutôt intérêt à faire demi-tour et à rentrer au commissariat. Il regarda sa montre : 17 h 20. Il traversa la rue pour mieux étudier la façade de l’hôtel. Plusieurs fenêtres en étaient éclairées – trois niveaux en tout, deux fenêtres à chaque niveau. En considérant qu’il y avait aussi des chambres à l’arrière du bâtiment, il devait y en avoir une douzaine en tout. Le Winterbourne Hotel. Irving n’en avait jamais entendu parler. D’un autre côté, il n’y avait aucune raison pour qu’il connaisse cet endroit.

Il était presque 18 heures lorsqu’il se décida à entrer. Il avait envisagé plusieurs scénarios. Il ignorait où habitait Costello. On partait toujours du principe que les gens étaient généralement propriétaires ou locataires. Mais non, certaines personnes vivaient à l’hôtel. Les gens allaient à l’hôtel pour dîner, pour des rencontres galantes, pour des rendez-vous privés qu’ils préféraient ne pas avoir à la maison. Les gens allaient rendre visite à d’autres gens qui séjournaient à l’hôtel…

Irving ne pouvait pas deviner ce que Costello fabriquait dans celui-là. Soit il entrait et demandait, soit il s’en allait.

BOOK: Les Assassins
2.05Mb size Format: txt, pdf, ePub
ads

Other books

Mother of Prevention by Lori Copeland
Seaside Seduction by Sabrina Devonshire
Chrysalis by Emily Gould
The Perfect Letter by Chris Harrison
Valley of the Moon by Bronwyn Archer
Chaos by Nia Davenport
Missing Magic by Karen Whiddon