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Authors: Cleden

Tags: #Harlequin HQN

Liaison interdite (2 page)

BOOK: Liaison interdite
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Lorsqu'elle arriva au pied de son immeuble, elle nota que la lumière était allumée à leur étage. Elle n'aurait pas le temps de se préparer psychologiquement à leur conversation de rupture, mais elle voulait en finir maintenant. Elle improviserait.

Elle composa le code pour entrer puis gravit les marches jusqu'au troisième étage. La clé joua dans la serrure et, un instant plus tard, elle était dans l'entrée. Elle ôta ses chaussures et s'introduisit dans le salon. Nicolas mangeait des chips assis sur leur canapé de cuir crème, les pieds sur la table basse de verre, un programme de sport à la télévision. Il l'accueillit avec chaleur.

– Bonjour ma puce !

Dans une minute, je ne serai plus sa puce, ni sa chérie, ni quoi que ce soit.

Curieusement, cette pensée la soulagea. Avec Nicolas, elle s'était installée dans une routine qui ne lui convenait plus. Leurs chemins ne prenaient pas la même direction, et il était temps d'en prendre acte. Tandis qu'elle réfléchissait au meilleur moyen de lui annoncer leur rupture, il pérorait sur sa journée :

– … réunion. Tu imagines, le boss qui me félicite devant tout le staff ? Je crois que cette année c'est la bonne, je vais monter en grade.

– Nico, l'interrompit Laura.

Il la regarda et remarqua son air sombre. Il éteignit la télévision.

– Tu n'as pas l'air dans ton assiette. C'est encore ce gros porc de Duvivier qui t'a fait des propositions indécentes ? Tu devrais l'ignorer…

– Nico.

– Quoi ?

– J'aimerais qu'on arrête.

– Arrêter quoi ?

Laura balaya la pièce d'un geste de la main.

– Tout. Je veux qu'on se sépare.

Ahuri, Nicolas posa son paquet de chips sur la table.

– Ah. Est-ce que tu rumines encore cette vieille histoire avec Gaby ? Parce que c'est du passé, je te l'ai dit et répété.

Cette aventure de Nicolas lui était totalement sortie de l'esprit. Elle lui avait pardonné, mais elle ne se pardonnait pas de l'avoir trompé à son tour. Cela marquait une rupture nette : si elle n'était pas capable d'être fidèle, elle ne serait pas capable d'investir toute son énergie dans leur relation.

– C'est fini, Nicolas. Je vais prendre mes affaires et aller dormir chez Élise. Le mieux serait qu'on déménage d'ici à la fin du mois. Ne faisons pas durer cette histoire, ça fait un moment qu'on s'englue.

– Pourquoi ne pas en discuter ? Ce n'est pas la première fois que nous traversons une mauvaise passe !

Laura sentit les larmes lui monter aux yeux. Bientôt, elle n'aurait plus le courage de résister. Et le même schéma reprendrait : il ferait quelques efforts, puis se recentrerait sur lui, et ils ne feraient plus rien ensemble. Elle en avait assez. Se dirigeant vers sa chambre, elle attrapa un sac et commença à y emballer des affaires. Normalement, Élise ne refuserait pas de l'héberger ; elle n'avait pas de copain en ce moment.

Nicolas l'avait suivie et tentait de la raisonner. Elle se demanda si elle allait lui avouer ce qui s'était passé à la bibliothèque, mais elle s'abstint. Nul besoin de le blesser encore plus. Il ne s'agissait pas de leur première discussion sur l'avenir de leur couple. Elle ne pouvait pas changer leur relation, alors elle décidait d'y mettre fin. Sans compter la culpabilité qu'elle ressentait de s'être comportée comme une fille légère.

Ignorant les supplications de son ex-compagnon, elle se dirigea vers la porte d'entrée.

– Je t'appelle pour régler les détails du déménagement, dit-elle avant de lui claquer la porte au nez.

Elle descendit en pleurs et attendit de se calmer avant d'appeler son amie. Rien qu'à entendre sa voix, Élise s'inquiéta et l'encouragea à venir le plus vite possible.

*  *  *

– Tu as couché avec un de tes étudiants ?

Élise piocha un nounours à la guimauve dans le sachet posé entre Laura et elle sur le canapé.

– Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête.

– Peut-être parce que ça s'est passé au niveau de la ceinture…

– Très drôle. Bref, on parlait de la vie après la mort, on débattait, c'était très intéressant. Puis on a repris la transcription, et il a mis sa jambe contre la mienne.

– Le truc classique.

– Disons que ça a marché sur moi. À la fin, une sorte d'intimité complice flottait entre nous. Je l'ai embrassé sur les lèvres, et là, tout a dérapé.

Les larmes montèrent de nouveau aux yeux de Laura. Elle saisit un mouchoir du paquet que son amie avait gentiment mis à sa disposition. Élise tendit un bras et lui frotta l'épaule pour la réconforter.

– Ce sont des choses qui arrivent. On n'est jamais à l'abri de ses instincts. Mais est-ce que tu crois qu'il faut quitter Nicolas pour ça ?

Et voilà ! Les justifications commençaient. La plupart des amies de Laura étaient folles de Nicolas, qu'elles trouvaient séduisant et spirituel. Mais remisée dans le cadre de leur vie quotidienne, son attractivité s'avérait toute relative. Depuis qu'il avait couché avec une fille rencontrée à une soirée et que Laura avait accepté de lui pardonner sous prétexte qu'il était ivre, elle avait l'impression qu'il relâchait ses efforts. Comme s'il n'avait pas besoin de se battre pour gagner son amour. Quant à elle, elle ne se voyait pas continuer à partager sa vie avec lui alors qu'elle avait sauté sur le premier venu. Visiblement, il ne lui plaisait plus assez pour entretenir une relation exclusive. Laura expliqua tout cela à Élise, qui s'empressa de la rassurer :

– Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te juger, surtout maintenant que Nicolas est libre.

Laura lui lança un coussin dans la figure, que son amie intercepta en riant.

– Que vas-tu faire maintenant ?

– M'installer sur ton canapé, si ça ne te dérange pas. Je te paierai une partie du loyer.

– Tu sais bien que la porte est toujours ouverte. Évite juste de ramener ton étudiant à la maison.

– Je ne pense pas qu'on renouvellera notre expérience de ce soir, objecta Laura.

– Ne jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau »…

– Si quelqu'un nous surprend, je me prendrai sûrement un blâme. Quant à lui, il a son mémoire à écrire. Il souhaite seulement des éclairages sur les documents qu'il n'arrive pas à déchiffrer.

– Mais il te plaît, non ?

Oui.

Le cœur de Laura fondait rien qu'à l'évocation de Grégoire. Elle ne pouvait pas oublier ce moment de complicité entre eux, elle avait eu l'impression de parler avec quelqu'un qui la comprenait vraiment, une personne drôle, à l'esprit ouvert. Quant à leur étreinte… mmmh, elle comptait sans doute parmi les meilleurs souvenirs sensuels de Laura.

Élise posa l'index sur le front de son amie.

– Il te plaît ! Avoue !

– Un peu.

– Ça veut tout dire !

Soudain épuisée par les émotions de la journée, Laura soupira :

– Non, malheureusement, ça ne veut rien dire. Il n'y a pas d'avenir possible pour cette relation. Déjà, il est plus jeune que moi. À l'heure qu'il est, il m'a sans doute oubliée et il a déjà levé une fille dans une fête quelconque.

Élise n'insista pas. Parler de ce sujet déplaisait à Laura, il valait mieux tourner la page.

*  *  *

Avachi sur le canapé, Grégoire regardait d'un œil torve Damien, son colocataire et meilleur ami, se préparer à sortir. Ce dernier l'invectiva une fois de plus :

– C'est vendredi soir, tu ne vas quand même pas me laisser sortir seul !

– Pas envie de sortir, je vais plutôt regarder un film.

– Non mais tu t'entends ? On dirait un pépé ! Va m'enfiler une chemise propre et on décolle. C'est la pendaison de crémaillère de Margot aujourd'hui. Elle a invité plein de copines célibataires.

Grégoire avait eu son compte de drague pour la soirée, mais il ne préférait pas en parler avec Damien. Celui-ci ne savait pas tenir sa langue, et lui avouer ce qui s'était passé ce soir serait comme publier une annonce sur chaque porte de classe de la fac d'histoire. Grégoire ne savait pas encore comment réagir par rapport à Laura, mais il était sûr d'une chose : il ne voulait pas lui manquer de respect. De plus, il se sentait encore sous le charme de ce qui leur était arrivé et il ne voulait pas que Damien ternisse ses souvenirs de ses blagues salaces. Il sourit pour lui-même : il ne se savait pas si romantique.

S'il restait à l'appartement ce soir, il ne penserait qu'à son aventure avec Laura. Il décida de céder aux prières de Damien, au grand soulagement de ce dernier. Il prit une douche rapide puis il remit ses vêtements, enfilant une autre chemise plus colorée. Le vert lui allait bien, grâce à la couleur de ses yeux. Brossage de dents, gouttes de parfum au creux du cou et des aisselles et il se déclara prêt pour la fête. Prêt à oublier cette journée bizarre.

Une vingtaine de personnes se trouvaient déjà chez Margot. Damien et Grégoire furent accueillis par des sifflements ; ils savaient chauffer l'ambiance. Sur le bar de la cuisine américaine se trouvaient les boissons. Grégoire mordit dans un quartier de citron puis but une tequila cul sec. À peine commencée, la soirée s'éclairait déjà. Plus loin dans le salon, au centre de poufs et fauteuils disposés en rond, une piste improvisée s'échauffait aux pas d'une poignée de danseurs.

Grégoire se laissa tomber sur un canapé tandis que Damien se déhanchait sur la musique. Une fille vint bientôt le rejoindre.

– Greg, c'est ça ?

Il hocha la tête d'un air interrogateur. Elle ajouta précipitamment :

– Delphine. On s'est rencontrés à la soirée d'anniversaire de Romain.

Nouveau hochement de tête. Il rencontrait tellement de monde grâce aux multiples réseaux de Damien qu'il s'imaginait mal retenir tous les prénoms et encore moins les associer à leurs têtes. Il n'avait pas envie de discuter. D'un mouvement du menton, il désigna la piste de danse :

– Ça te dit de bouger un peu ?

Il la tira par la main et ils s'insérèrent dans un groupe. D'abord timide, elle s'essaya à de petits mouvements, puis elle s'enhardit et enchaîna des pas plus osés, tout en le fixant de ses magnifiques yeux bleus. Son corps mince ondulait gracieusement sur la musique. Ils se rapprochèrent plusieurs fois pour corser la danse. Quand Grégoire se sentit fatigué, il l'entraîna vers le bar où ils sirotèrent un mojito. Le jeune homme commençait à vraiment profiter de la soirée. Ils discutèrent un peu de leurs études, de leurs amis communs, puis retournèrent danser. Grégoire n'hésitait plus à attraper sa compagne par la taille et elle à se presser le long de sa jambe. Enivré par la musique et l'alcool, il la serrait de plus en plus près de lui.

Justement, le moment des slows débutait. Enlacé contre elle, il sentait la chaleur de son corps, son odeur fleurie. Il lui caressa le dos, et une sensation se superposa alors à la scène : il se revoyait étreindre Laura, goûter sa langue, il entendait de nouveau ses gémissements. Les cheveux de Delphine étaient lisses, ceux de Laura ondulés, il se surprit à penser qu'il préférait la chevelure de sa professeur, dans laquelle se perdaient ses doigts. Refroidi par ces pensées parasites, il s'éloigna légèrement de sa cavalière, cessa ses attouchements et termina le slow un peu raide. Quand la chanson prit fin, la surprise et un peu de vexation se lisaient dans le regard de Delphine. Il sourit de manière contrite, et interrompit Damien, occupé par son propre flirt du soir, pour lui dire qu'il rentrait.

– T'es vraiment pas drôle ce soir, qu'est-ce qui t'arrive ?

Grégoire haussa les épaules. Il n'avait aucune intention d'expliquer ses sentiments à son ami. Il souhaitait juste les étouffer afin qu'ils ne le distraient plus, ni des plaisirs de la vie, ni de ses études.

*  *  *

En dépit des progrès accomplis dans la lecture des vieilles écritures, il manquait toujours à Grégoire quelques mots à retranscrire dans chaque document. Or, il devait les présenter en annexe de son mémoire et, s'il y laissait des trous, on ne le lui pardonnerait pas. Il avait séché deux cours de paléographie donnés par Laura, mais il ne pouvait plus l'éviter, il avait besoin de son aide. Il se présenta au bureau après le troisième cours et elle esquissa un pâle sourire :

– On ne te voit plus trop en classe ces derniers temps. Je ne crois pas que ce soit très grave, remarque. Tu pratiques déjà bien assez la paléo avec tes actes notariés.

– J'ai pensé qu'il valait mieux éviter tes cours quelque temps, pour ne pas t'embarrasser.

Laura fit mine de se passionner pour une pile de copies.

– Délicate attention, mais je peux faire abstraction des circonstances. En tout cas, si tu préfères, tu peux continuer à ne pas venir en cours. Je ne signalerai pas tes absences. J'imagine que toi aussi tu te sens gêné.

D'une main, Grégoire ramena une de ses mèches brunes en arrière. Bien sûr qu'il se sentait gêné ! Un trouble irrésistible le saisissait en la compagnie de Laura. Il chercha son regard, mais elle l'évitait soigneusement. Elle commença à rassembler ses affaires pour les ranger dans sa sacoche en cuir fatigué.

– Pourquoi es-tu venu aujourd'hui, si tu te soucies tellement de me préserver ?

Grégoire soupira. Elle n'était pas dans les meilleures dispositions à son égard, ce qui lui paraissait tout à fait compréhensible. Arriveraient-ils de nouveau à travailler ensemble ?

– J'aimerais reprendre nos séances de déchiffrage. J'ai accumulé une demi-douzaine de documents récalcitrants et ton aide serait vraiment la bienvenue.

– Demain, 17 heures, bibliothèque du département d'histoire moderne, ça te convient ?

– Parfait. À demain alors.

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