Read Sex Beast Online

Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

Sex Beast (12 page)

BOOK: Sex Beast
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Chapitre VIII

RENDEZ-VOUS CHEZ LES PSYS

Après l’identification des corps de Georgia Jessup et de Susan Place, l’implication du véhicule personnel de Gerard Schaefer, le fait que la mère de Susan le reconnaisse sur photos, ainsi que la découverte d’objets personnels des victimes, le 7 avril 1973, au domicile de sa mère Doris, l’ex-shérif adjoint, qui dort en prison depuis près de quatre mois, est en très mauvaise posture. Les enquêteurs communiquent leurs soupçons aux médias et la possibilité qu’il puisse bénéficier d’une libération anticipée pour des travaux d’utilité publique est révoquée sur-le-champ.

Schaefer contacte tout de suite Elton Schwarz, son avocat commis d’office, afin que celui-ci lui prenne rendez-vous chez un psychiatre. Il prétend être psychotique avec des tendances suicidaires. Le psychiatre est le docteur Robert C. Eaton. Son but ? Etre déclaré irresponsable pour être interné dans un hôpital psychiatrique et échapper ainsi à un procès. Sa démarche est appuyée par sa mère Doris et son épouse Teresa. Il se base sur une loi, le « Baker Act », qui a cours en
Floride depuis 1971. S’il parvient à démontrer qu’il est un malade mental, Schaefer peut espérer être interné et éviter toute mise en examen. Le procureur Robert Stone du 19
e
 Circuit judiciaire choisit pour sa part un autre psychiatre, le docteur Mordecai Harper, à Fort Pierce.

Lors de plusieurs entretiens avec des journalistes, Elton Schwarz indique que Schaefer n’est absolument pas conscient qu’il aurait pu commettre des meurtres. Et que tout cet intérêt médiatique a aggravé l’état mental de son client. L’homme de loi cite l’évaluation du docteur Raymond Killinger, qui lui a fait passer un examen psychiatrique le 17 mai 1968, et qui ne révèle aucune tendance suicidaire, mais « une sévère désorganisation psychologique et un fort sentiment de frustration ». Selon les dires d’Elton Schwarz, Schaefer aurait essayé d’obtenir « de l’aide » sans jamais avoir les moyens de poursuivre un traitement.

Toute la journée du 9 avril 1973, Gerard John Schaefer est reçu par le docteur Robert C. Eaton dont le cabinet se situe au 800 avenue H, à Fort Pierce. Dès le lendemain, le psychiatre remet son rapport au juge C. Pfeiffer Trowbridge, à Stuart. Le voici publié pour la première fois dans son intégralité :

« ÉVALUATION PSYCHIATRIQUE

« Cet homme marié de 28 ans, de race blanche, a été examiné sur l’ordre du juge du Circuit C. Pfeiffer Trowbridge, en date du 9 avril 1973. Le but de cet examen est de déterminer son état mental.

« Le patient a été emmené de la prison du comté de Martin pour une rencontre, seul à seul, dans mon cabinet. Je lui ai expliqué le but de ce rendez-vous et l’ai prévenu que j’écrirais un compte rendu pour la Cour. Il s’est montré coopératif et a répondu de façon claire
à mes questions, sans essayer de biaiser. Il m’a indiqué purger une peine pour un incident qui s’est déroulé en juillet 1972. Il a été inculpé pour enlèvement et agression aggravée. Il a écopé de six mois de prison et de deux ans de probation. Il lui reste environ deux à trois mois avant d’être libéré. Il m’a raconté en détail pourquoi il avait pris ces deux jeunes femmes à bord de son véhicule. Il était persuadé qu’elles étaient des fugueuses. C’était la seconde fois qu’il les avait pris en stop, et c’est là qu’elles lui ont dit qu’elles étaient des fugueuses. Son but était de les emmener au commissariat pour leur parler, mais elles se sont moquées de lui et il a décidé de leur donner une leçon en les ligotant.

 

« Antécédents familiaux

« Il a vécu dans plusieurs Etats différents jusqu’à l’âge de 13 ans, avant que sa famille ne s’installe à Fort Lauderdale. Son père, pense-t-il, doit avoir dans les 60 ans. Ses parents ont divorcé en 1967, son père, un alcoolique invétéré, est représentant de commerce. Il affirme que son père le rabaissait constamment et qu’il voulait que son fils soit toujours meilleur que les autres. Sa mère est secrétaire de direction. Agée de 52 ans, il l’aime et la hait en même temps. Il ajoute que son père aurait tenté de se suicider avec une arme à feu lorsque le prévenu était âgé d’une vingtaine d’années. Il déclare que ses parents ont été obligés de se marier, car sa mère était déjà enceinte de lui. Il est né environ six mois après leur union. Sa sœur, qui a 24 ans, est mariée avec deux enfants. Il était proche d’elle jusqu’au jour où il s’est
fâché contre elle et, depuis, ils ne se voient plus. Il a un frère de 19 ans qui est célibataire.

 

« Études

« Il a terminé le lycée en 1964, pour s’inscrire à Broward Junior College. Il a obtenu un diplôme en sciences sociales et en géographie en 1971, à l’université Florida Atlantic et un autre pour devenir enseignant. Puis, en 1972, un autre en criminologie à Broward Community College. Il a figuré sur la liste honorifique des étudiants “les plus méritants”. Pendant qu’il était encore au lycée, il a pensé entrer dans les ordres. Il a lui-même financé ses études en travaillant ici ou là. Pendant un certain temps, il a été guide free-lance dans les Everglades. Il a aussi participé à la tournée d’un groupe musical. Et il a été employé comme représentant pour un groupe de presse.

 

« Situation conjugale

« Il déclare avoir été marié pour la première fois en 1969. Sa femme était de deux ans plus jeune que lui. Leur union a duré un an environ, car ils ne s’entendaient pas d’un point de vue sexuel ; il explique qu’elle était frigide et qu’il lui avait adressé un ultimatum, de “produire” ou de s’en aller. Apparemment, leur divorce s’est effectué par courrier. Il a convolé pour la seconde fois en septembre 1971. Son épouse avait 19 ans à l’époque. Ils s’entendaient bien, leurs relations intimes étaient normales et régulières. Ils se sont installés dans le comté de Martin en 1972, afin d’obtenir un meilleur emploi. Auparavant, il avait travaillé comme policier à
Wilton Manors, dans le comté de Broward. Il a tenté de se faire engager par le Broward County Police Force, mais sa candidature a été rejetée.

« Dès son jeune âge, il a connu de nombreux problèmes sexuels. Il a indiqué que lorsqu’il était à Atlanta vers 12 ou 13 ans, il se ligotait et fantasmait que des gens le torturaient. Il en tirait une grande satisfaction, surtout lorsqu’il se débattait. Cela a encore progressé, après le lycée, lorsque la jeune fille avec qui il sortait l’a quitté. Il allait dans les bois pour s’attacher, et même se suspendre à des branches d’arbres. Il devait vraiment faire beaucoup d’efforts pour se détacher, au point qu’une fois, il a pensé qu’il ne s’en sortirait jamais. Cela l’excitait beaucoup jusqu’au moment où ses pulsions devenaient complètement incontrôlables. Il avait aussi une passion pour la mort, au point de s’exciter énormément lorsqu’il rêvait de tuer quelqu’un. Parfois, il n’arrivait plus à savoir ce qui était réel ou fantasmé. Il s’est aussi intéressé à la littérature pornographique et dessinait lui-même sur des thèmes qui l’excitaient.

 

« État mental

« Il est bien orienté dans le temps et l’espace, et en tant qu’individu. Sa mémoire d’événements récents ou plus anciens est bonne. Son intelligence semble au-dessus de la normale. Il est intéressant de noter qu’il a raté le test des
serial sevens
1
. Il a eu du mal à se concen
trer. Humeur : pendant toute la durée de l’entretien, il a beaucoup pleuré, indiquant qu’il était inutile de continuer à vivre ainsi. Il a reconnu que les articles de presse l’ont beaucoup touché. Il a affirmé avoir beaucoup pensé au suicide et, lorsqu’il m’en a parlé, c’était comme une évidence et sur un ton dénué de toute émotion. Ces sept derniers jours, il n’a pas mangé et il envisage de se donner la mort, cela ne fait aucun doute dans son esprit. Il dit avoir écrit plusieurs courriers à sa mère et à son épouse. Il a reconnu avoir déjà pensé à un tel acte en 1968, avant d’être suivi par un psychiatre. Deux ans plus tôt, en 1966, il a vu un autre médecin à cause de sa sexualité déviante et des pulsions de meurtres. Pas d’épisodes hallucinatoires ou psychotiques. Il reconnaît n’avoir jamais fait confiance à quiconque, il n’a jamais eu d’ami proche et il admet que ses sentiments hostiles ont toujours été dirigés à l’encontre des femmes.

 

« RÉSUMÉ

« Cet homme de race blanche, âgé de 28 ans, a été vu pour une évaluation pendant deux heures et demie. Mon opinion est que cet individu est profondément déprimé, en partie à cause de la situation actuelle. Il pense au suicide de manière permanente. Je recommande qu’il soit envoyé dans un hôpital psychiatrique afin qu’on le traite et qu’il soit mis en observation pour des évalutations plus approfondies. »

R. C. Eaton, psychiatre.

Le 18 avril 1973, c’est au tour du psychiatre mandaté par le procureur Robert Stone, le docteur Mordecai Haber, The Smith Building, Suite 209, 2070 Main Street, à Fort Myers, de remettre son rapport au juge C. Pfeiffer Trowbridge : « Après avoir été mandaté par vous le 11 avril 1973, j’ai examiné le prévenu, Gerard John Shaeffer Jr.
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, dans mon cabinet de consultation privé pendant une période d’environ trois heures. Le but de cet examen psychiatrique était d’évaluer la santé mentale du prévenu et “s’il était ou non nécessaire de le faire interner et s’il représentait un danger pour lui-même ou les autres”. Il a été accompagné jusqu’à mon bureau par deux shérifs adjoints qui, après s’être assurés de la sécurité des lieux, sont restés dans une pièce voisine.

« Gerard J. Shaeffer, un homme blanc de 28 ans, marié, shérif adjoint, présente bien de sa personne, il s’est montré poli, aimable, coopératif et a répondu à toutes les questions pendant notre entretien. Il a donné des détails sur son histoire de façon cohérente.

« L’histoire familiale révèle un climat conflictuel et agité. Il dépeint son père comme un alcoolique invétéré “d’environ 60 ans”, dont l’adresse présente lui est inconnue, qui a “abandonné ma mère en 1967”. Le prévenu était âgé de 21 ans à cette époque. Sa mère, Doris, qui a aux alentours de 52 ans, est en bonne santé. Elle vit et travaille à Fort Lauderdale. “Ils n’ont jamais eu de bonnes relations. C’était un mariage forcé ; ma mère était déjà enceinte de moi.” A cet instant, les yeux du prévenu se sont embués de larmes et sa voix s’est transformée en un chuchotement. Puis, comme pour s’excuser, il a ajouté : “Parler de mes parents et de mon épouse me gêne.” Il retrouve vite sa contenance et ajoute spontanément : “Mon père me critiquait en permanence ; je n’arrivais jamais à le satisfaire. Il était toujours déçu à mon sujet. Ma mère voulait aussi que je fasse plus d’efforts, mais elle, au moins, me soutenait.
J’étais toujours au centre de leurs terrifiantes disputes pendant le dîner. Elle prenait mon parti. Et lui me rabaissait.”

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