Achevant de démanteler son royaume, Jean, libéré, donne à ses fils l’Anjou, le Berry, l’Auvergne. En 1363, notamment, il laisse à son plus jeune fils, Philippe le Hardi, le duché de Bourgogne. Il rend ainsi indépendante une maison qui sera bientôt une digne rivale de la dynastie capétienne.
Par souci de l’honneur, apprenant que l’un des otages livrés aux Anglais en garantie du traité de Brétigny s’est évadé – en l’occurrence son fils, Louis d’Anjou –, le roi revient se constituer prisonnier à Londres, en 1364, où il meurt. Marié (1332) à Bonne de Luxembourg, la fille du roi de Bohême, puis à Jeanne de Bourgogne (1350), il laisse le pouvoir à son fils aîné. Son statut de prisonnier libéré et otage de sa libération vaut à la France de devoir continuer à payer la rançon après sa mort.
CHARLES V LE SAGE
Vincennes, 1338 - Beauté-sur-Marne, 1380
Roi de France (1364-1380)
Il restaure l’autorité royale et s’empare, lors de la guerre de Cent Ans, d’une grande partie des possessions cédées aux Anglais après la défaite de Poitiers. Très cultivé, savant (c’est le sens de son surnom « le Sage »), protecteur des arts et des lettres, il est considéré comme un des grands rois de France.
FILS AÎNÉ de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, il assure la régence durant les captivités de son père à Londres (1356-1360 et 1364). Il doit mater la jacquerie (1358), révolte paysanne provoqu ée par les pillards à la solde de Charles II le Mauvais. Peu après, les états généraux essayent de lui imposer une réforme profonde du syst ème de gouvernement, avec un contrôle de leur part, c’est la Grande ordonnance de 1357, ce qui équivaut à une monarchie parlementaire. Ils l’obligent à renvoyer vingt-deux officiers et conseillers du roi que le peuple déteste.
En 1358 éclate la rébellion parisienne dirigée par Étienne Marcel, le prévôt des marchands. Croyant voir arriver les Anglais aux portes de la capitale, Étienne Marcel s’est d’abord rendu célèbre pour avoir organisé la défense de la ville. Chef désigné des bourgeois, il tente de vaincre les résistances du dauphin aux demandes des états généraux. Il commence par délivrer Charles II le Mauvais, roi de Navarre, ennemi du roi, puis conduit au palais de la Cité (22 février 1358) des bandes forcenées. La demeure du dauphin est envahie et Charles assiste, épouvanté, au massacre de deux de ses conseillers: Robert de Clermont, maréchal de Normandie, et Jean de Conflans, maréchal de Champagne. Il tremble pour sa propre vie mais Étienne Marcel, qui ne souhaite pas sa mort, le protège. Charles en profite pour s’enfuir de Paris, se replier sur la Champagne, rassembler ses fidèles et résister. Il assiège Paris. Étienne Marcel s’allie avec Charles le Mauvais mais meurt, trahi et assassiné. Le dauphin, rappel é par une partie de la bourgeoisie, que les projets de Marcel effrayaient, pardonne aux insurgés, abolit la Grande ordonnance de 1357. À l’extérieur, en tant que régent, il peut refuser les clauses exorbitantes du traité de paix de son père. Il signe, à la place, avec l’Angleterre le traité de Brétigny (1360).
Devenu roi le 8 avril 1364, il se heurte à la révolte de Charles II le Mauvais à propos de la succession du duché de Bourgogne. Jean II, son père, l’a donné en apanage à son frère, Philippe II le Hardi, ce que Charles le Mauvais conteste.
Sa constitution fragile l’empêche de participer aux guerres. En revanche, il sait bien choisir ses capitaines. Parmi ces derniers, le plus illustre est Bertrand du Guesclin, qu’il fait connétable. Du Guesclin lui permet de mettre fin à la lutte contre Charles II le Mauvais, à Cocherel (1364). Il débarrasse le royaume des Grandes Compagnies, ces bandes armées qui pillent et terrorisent.
Charles V reprend la guerre contre les Anglais après leur avoir confisqué la Guyenne. Il s’empare de la plupart de leurs possessions (Rouergue, Quercy et Périgord en 1369, Limousin et Poitou en 1372, Aunis et Saintonge en 1373), ne leur laissant, à sa mort, que quelques places maritimes (Calais, Brest, Cherbourg) et une étroite bande côtière entre Bordeaux et Bayonne. Il met fin à la guerre de succession de Bretagne, qui oppose Charles de Blois à Jean de Montfort par le traité de Guérande (1365).
À l’intérieur, entouré d’excellents conseillers, tel Nicolas Oresme, il rétablit une monnaie saine et organise l’imp ôt de la gabelle. Levant des contributions exceptionnelles pour la guerre, il les transforme peu à peu en impôts permanents.
Roi lettré et bâtisseur, il fonde la Bibliothèque royale, entreprend la reconstruction du Louvre, élève l’hôtel Saint-Paul et la Bastille à Paris. Il reçoit avec faste, comme d’égal à égal, son oncle, l’empereur Charles VI de Luxembourg, à Paris (1378).
Il contribue enfin à l’ouverture du Grand Schisme d’Occident en reconnaissant, contre Urbain VI, l’antipape Clément VII.
Marié en 1350 à sa cousine Jeanne de Bourbon, il en a neuf enfants. Sa vie est connue par les écrits de Christine de Pisan. Sur son lit de mort, il décide la suppression des impôts directs, ce qui créera de sérieuses difficultés à son successeur.
CHARLES VI LE FOU
Paris, 1368 -
id
., 1422
Roi de France (1380-1422)
Le règne de Charles VI dure quarante-deux années malheureuses. La démence du roi laisse, en effet, la France livrée aux luttes de partis et à la guerre contre l’Angleterre.
FILS AÎNÉ de Charles V, il monte sur le trône à l’âge de douze ans, recevant le sacre le 4 novembre 1380, et est placé sous la régence abusive de ses oncles, ducs de Bourbon, d’Anjou, de Berry et de Bourgogne. Le jeune frère cadet du roi, Louis d’Orléans, ajoutera bientôt ses ambitions à celles de ses oncles. Les rivalités de cette régence détruisent les efforts accomplis lors du règne précédent. Le gouvernement laisse voir sa faiblesse et ses divisions. De nombreuses révoltes antifiscales éclatent dans plusieurs régions (les Maillotins – ainsi nommés car armés de maillets de fer volés à l’Arsenal – à Paris, la Hérelle à Rouen, les Tuchins en Languedoc).
De surcroît, les villes de Flandre se soulèvent avec Philippe Van Artevelde. Finalement, en 1382, Charles VI remporte une victoire décisive sur les Flamands à Rosebeke et Artevelde périt dans la bataille. Le comte de Flandre étant mort, c’est Philippe le Hardi, frère de Charles V et duc de Bourgogne, qui en hérite. L’affaire de Flandre réveille l’hostilité de l’Angleterre, dont l’armée débarque à Calais : la trêve est rompue une nouvelle fois.
Devant tant de maladresses, le roi, atteignant vingt ans, décide de gouverner personnellement. À partir de 1388, il appelle auprès de lui d’anciens conseillers de son père, les « marmousets ».
Il fait sacrer reine (1389) Isabeau de Bavière, une princesse allemande épousée trois ans auparavant et qui se révélera traîtresse, frivole et débauch ée. Ils auront huit enfants. Il conclut des accords avec Gaston Phébus, comte de Foix, Jean, duc de Bretagne, mais se heurte à Richard II, roi d’Angleterre.
En 1392, lors d’une expédition punitive contre le duc de Bretagne qui avait accordé l’asile à Pierre de Craon (coupable d’avoir tenté d’assassiner son connétable et ami, Olivier de Clisson), le roi connaît son premier accès de folie dans la forêt du Mans. L’année suivante, le 28 janvier 1393, Isabeau de Bavière organise le bal des Sauvages. Le feu prend aux maillots d’étoupe des danseurs vêtus en sauvages, parmi lesquels se trouve le roi. Charles est sauvé
in extremis
de ce qu’on appellera désormais le bal des Ardents. À partir de ce moment alternent longs accès de folie et rares instants de raison. La légende prétend que c’est pour le distraire de sa mélancolie qu’on inventa le jeu de cartes.
En 1396, un contrat de mariage liant la fille de Charles VI, Isabelle, au roi d’Angleterre Richard II, annonce la paix. Mais Richard est détrôné par son cousin Henri de Lancastre, qui règne sous le nom d’Henri IV. Les Anglais rouvrent les hostilités et profitent de la grave guerre civile qui déchire alors la France. Elle oppose ducs d’Orl éans et ducs de Bourgogne à leurs partisans respectifs, à partir de 1407. La querelle commence par un crime. Jean, fils de Philippe le Hardi et duc de Bourgogne, dit Jean sans Peur à partir de 1408, fait assassiner son cousin, Louis d’Orl éans, rue Vieille-du-Temple (23 novembre 1407).
Luttes entre Armagnacs et Bourguignons, guerre contre l’Angleterre, ce seront les plus terribles années de la guerre de Cent Ans. Henri IV conclut une alliance avec les Armagnacs en 1412 puis débarque en France. Son successeur, Henri V, réclame la couronne de France, arrive sur le continent en 1415 et fait subir à l’armée française la désastreuse défaite d’Azincourt (25 septembre 1415). Puis, de 1417 à 1419, il s’empare de la Normandie.
Invité à une entrevue, à Montereau, avec le dauphin Charles, Jean sans Peur est assassiné, Philippe le Bon lui succède et le roi d’Angleterre s’allie avec le parti bourguignon (1419).
À ce renfort s’ajoute la trahison de la reine Isabeau de Bavière en faveur du duc de Bourgogne. Celle-ci aboutit à la signature, avec le roi d’Angleterre, du terrible traité de Troyes (1420), qui déshérite le dauphin Charles de la couronne de France et reconna ît Henri V d’Angleterre comme seul héritier légitime de Charles VI, dont il épouse la fille Catherine.
La mort d’Henri V puis celle de Charles VI laissent un pays ravagé économiquement.
Proclamé roi d’Angleterre et de France à moins d’un an, le jeune Henri, fils d’Henri V et de Catherine, devrait succ éder à Charles VI, mais il est remplacé par le dauphin, soit le troisième fils du roi, après les morts de Louis et de Jean.
CHARLES VII
22 février 1403 - Mehun-sur-Yèvre, 1461
Roi de France (1422-1461)
Dit le Bien Servi, le Victorieux, mais aussi le « roi des merveilles », le maître d’œuvre de la restauration monarchique a été, très jeune, confronté à des situations exceptionnelles. Son règne, long de près de quarante ans, indissociable de la légende de Jeanne d’Arc et de la fin de la guerre de Cent Ans, s’apparente à l’une des dernières grandes épopées médiévales.
FILS DE CHARLES VI le Fou et d’Isabeau de Bavière, dauphin en 1417 après la mort curieuse de ses deux frères aînés, chassé de Paris à l’occasion de la lutte entre Armagnacs et Bourguignons, il se réfugie à Bourges. Devenu le « petit roi de Bourges », il n’est plus reconnu que dans le Sud-Ouest et le Midi. Au même moment, le roi d’Angleterre s’empare de la Normandie et Jean sans Peur, duc de Bourgogne, prend le gouvernement en s’alliant avec sa mère, Isabeau de Bavière, qui a déclaré Charles « bâtard ». Jean sans Peur tente d’obtenir l’alliance du dauphin pour le tenir en son pouvoir. Mais leur rencontre, à Montereau, dégén ère en altercation. Jean sans Peur est tué. La vengeance du nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon, et d’Isabeau de Bavière s’abat sur Charles. Il est déchu et déshérité au profit du roi d’Angleterre, Henri V, par le traité de Troyes (1420), signé par Isabeau et Charles VI, déjà plus en possession de ses moyens.
D’un caractère plutôt terne, il est mal entouré et mal conseillé. Les Anglais remportent victoire sur victoire près de Crevant (1423), près de Verneuil (1424). Ils viennent de mettre le siège devant Orléans. Si la ville cède, les Anglais pourront gagner le Berry et atteindre Charles dans son dernier refuge. C’est alors qu’une jeune bergère lorraine de Domrémy intervient providentiellement… Charles ne retrouve sa légitimité qu’après sa reconnaissance par Jeanne d’Arc qui délivre Orléans (1429) et le fait sacrer à Reims le 17 juillet 1429. Avec Jeanne, il entreprend la reconquête du royaume en partie occupé par les Anglais et leurs alliés bourguignons. La reconquête d’une partie des régions au nord de la Loire est réussie, mais Jeanne d’Arc est brûlée à Rouen (30 mai 1431). Charles VII ne s’expose guère pour la sauver. On parle de « lâche abandon ».
Afin de détacher les Bourguignons de l’Angleterre, Charles VII accorde d’importantes concessions au duc de Bourgogne, Philippe III le Bon, au traité d’Arras (1435). L’alliance anglo-bourguignonne est cassée. Paris reconquis, le roi y fait une entrée triomphale en 1437 mais n’y reste guère, préférant ses châteaux du Berry et de Touraine. La Normandie puis la Guyenne (1450-1453) sont réoccup ées grâce à des hommes de guerre remarquables. Rouen se soulève et ouvre ses portes à Charles VII, qui y fait une entrée triomphale aux côtés de Jacques Cœur (1449). Les Anglais ripostent par l’envoi d’une armée, qui débarque à Cherbourg et se dirige vers Caen, mais est défaite par les Français près de Formigny (1450). En Guyenne, c’est la victoire de Castillon (1453) qui éloigne les Anglais. Bient ôt, ceux-ci ne gardent plus, en France, que Calais. La guerre de Cent Ans terminée (bien qu’aucun traité n’ait été conclu), Charles VII se consacre à la réorganisation de son royaume.
Il lutte contre les Écorcheurs, qui infestent le pays, par l’entretien de troupes permanentes chargées de rétablir la sécurité, il convoque les états généraux à Orléans. Certains seigneurs, mécontents des progrès de l’autorité royale et encouragés par le dauphin Louis (futur roi Louis XI), se soulèvent. Charles triomphe de ces révoltes, nommées « Pragueries » en référence aux troubles de Bohême. Il crée (1445-1448) une armée nouvelle, avec une cavalerie de compagnies d’ordonnance, recrutées dans la noblesse, et une infanterie de francs archers composée de roturiers exemptés de la taille (d’où leur nom).
La monnaie est stabilisée, des impôts réguliers levés rendent inutile la convocation des états généraux et la France connaît un renouveau commercial grâce à Jacques Cœur, grand argentier du roi. Se signalant une fois encore par son ingratitude, Charles VII sacrifie Jacques Cœur à la jalousie des courtisans (1453) et le grand argentier finira ses jours ruiné et banni.
Charles règle également les affaires de l’Église lors d’un concile national tenu à Bourges, en 1438. Une « pragmatique sanction » rend aux églises françaises une certaine liberté et diminue les tributs perçus par le pape sur les bénéfices ecclésiastiques sous le titre d’annales, réserves, expectatives.
Il ordonne que les diverses coutumes du pays soient écrites. Cette rédaction annonce l’unité des lois. Il crée deux parlements nouveaux : Toulouse (1447) et Grenoble (1453). La fin de son règne est marquée par un renouveau commercial et le raffermissement de l’autorité royale. Au final, un seul danger subsiste : la puissance du duché de Bourgogne.