Charles VIII mourant sans héritier, il monte sans opposition sur le trône, sacré roi à trente-six ans à Reims (1498). D’emblée, il fait annuler son premier mariage et épouse (comme prévu par le contrat de mariage entre Charles VIII et Anne de Bretagne) la veuve de Charles VIII, Anne de Bretagne elle-même (1499), qui devient ainsi reine pour la seconde fois. Il garde par cette union le duché de Bretagne, attaché au royaume de France.
Désireux de prendre sa revanche en Italie, il fait valoir ses droits sur l’héritage des Visconti. Si son grand-père est Louis d’Orléans, le frère du roi Charles VI, sa grand-mère est, en effet, Valentine Visconti, fille du duc de Milan. La ville est, à cette époque, aux mains des Sforza, qui ont usurpé le duché. Louis XII réussit à conquérir le Milanais (1499), emprisonnant en France le duc Ludovic Sforza, dit Ludovic le More (1501). La facilité de cette conquête l’encourage à tenter une nouvelle expédition sur Naples. Il lie partie avec Ferdinand, roi d’Espagne. Par le traité de Grenade, les deux souverains s’engagent à conquérir Naples de concert et à s’en partager le territoire. La conquête se révèle, une fois encore, aisée, mais le partage l’est beaucoup moins. Pendant quatre ans, les deux anciens alliés mènent une guerre d’escarmouches. L’exploit le plus célèbre est celui de Bayard, arrêtant seul les Espagnols au passage d’un pont sur le Garigliano. Dès 1504, les Français sont chassés du royaume de Naples, conquis à partir de 1502 par Ferdinand d’Aragon. Louis d’Ars traverse l’Italie, emmenant avec lui les quatre cents derniers hommes d’armes français, et repasse les Alpes.
Louis XII dirige néanmoins une nouvelle campagne contre Venise. La ligue de Cambrai (1508) réunit Louis XII, le pape Jules II, Maximilien, le roi Ferdinand d’Aragon et le roi d’Angleterre, Henri VII. En 1509, les Vénitiens sont battus à Agnadel. Mais un retournement d’alliances isole la France. Maximilien rentre en Allemagne. Le pape Jules II traite séparément avec Venise et, satisfait d’avoir récupéré Ravenne, met tout en œuvre pour expulser d’Italie les « Barbares », en commençant par les Français qui avaient versé leur sang pour lui. Les Français doivent abandonner le Milanais (1513) sous la pression de la Sainte Ligue (Venise, l’Espagne, l’empereur Maximilien de Habsbourg et l’Angleterre). En 1513, la défaite de Novare ruine les espoirs français en Italie, et Louis XII, veuf, scelle la paix avec l’Angleterre en épousant une sœur d’Henri VIII, Marie d’Angleterre. Il espère avoir avec elle l’héritier qu’il n’a toujours pas. Mais la jeune fille de dix-neuf ans quitte rapidement la France, dont elle n’est reine que quelques mois, car son royal époux meurt en janvier 1515. La mort de Jules II, souverain pontife belliqueux et âme des coalitions (1503-1513), contribue aussi à la paix. Ainsi se termine une politique italienne, moins excusable que celle de Charles VIII et moins nécessaire que celle de François I
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Le règne de Louis XII est plus heureux sur le plan intérieur. Il organise définitivement le Grand conseil (1498). Réducteur de la taille grâce aux richesses tirées d’Italie, roi justicier et codificateur des coutumes (ordonnance de Blois, 1499), il est surnommé « père de son peuple » par les états généraux de 1506. Sous son règne, les guerres d’Italie contribuent à la diffusion des arts de la Renaissance, au développement du commerce et de l’industrie. Le roi maintient l’ordre dans son royaume, protégeant les laboureurs des gens de guerre.
Louis XII, qui n’a pas eu de fils, laisse le trône à son cousin, François d’Angoulême (François I
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), à qui il donne en mariage Claude, l’une de ses deux filles.
FRANÇOIS I
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Cognac, 1494 - Rambouillet, 1547
Roi de France (1515-1547)
1515 : Marignan. Grâce à cette date, tous les Français situent le règne de ce « roi-chevalier », brillant vainqueur puis digne prisonnier, grand amateur de femmes et de chasse, vrai prince de la Renaissance, protecteur des lettres et des arts. Son long règne marque profondément le XVI
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siècle français.
FILS DE CHARLES d’Orléans, comte d’Angoulême, et de Louise de Savoie, élevé, comme sa sœur Marguerite, avec raffinement par sa mère, François s’illustre par sa distinction et son sens du prestige. En 1515, il succède à son cousin Louis XII, dont il a épousé la fille, Claude de France (1514). Son avènement obéit aux indications laissées dès 1505 par un roi, visiblement inquiet des intrigues éventuelles d’Anne de Bretagne. Cette dernière préfère, en effet, Charles de Habsbourg à François.
Sacré à Reims le 25 janvier 1515, il poursuit l’aventure italienne léguée par ses préd écesseurs, Charles VIII et Louis XII. La victoire de Marignan (13-14 septembre 1515) le rend maître du Milanais et l’auréole de gloire. La bataille est remportée grâce à l’artillerie puissante, à la présence de Bayard et à l’action du « roi-chevalier ». Elle entraîne une alliance durable avec les Suisses : le traité de Fribourg (1516) instaure la paix dite « perpétuelle ». François I
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profite de l’expédition en Italie pour signer le Concordat de Bologne avec le pape Léon X. Désormais, le roi propose la nomination de ses évêques, qui devient effective avec l’accord papal.
La même année (1516), Charles de Habsbourg, appelé Charles Quint, accède au trône d’Espagne. François I
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sous-estime pendant longtemps la puissance de ce rival, considérablement enrichi par l’afflux des métaux précieux d’Amérique. Dès 1519, les crédits des Fugger et des banquiers italiens ou espagnols, garantis par les richesses du Nouveau Monde, contribuent à l’élection de Charles Quint à la tête du Saint-Empire romain germanique; ce qui fait peser une lourde menace d’encerclement sur la France.
Face à la menace impériale, François I
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tente sans succès l’alliance avec l’Angleterre. Il reçoit magnifiquement Henri VIII au camp du Drap d’or (1520), mais l’entrevue tourne court à cause de cet étalage de richesses, jugé insolemment ostentatoire. Henri VIII, vexé, repart pour l’Angleterre. Les malheurs s’acharnent alors sur François I
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. Il est trahi par le connétable de Bourbon, puis c’est la défaite de La Bicoque (1522), la mort de Bayard, la perte du Milanais (1523), l’humiliant échec de Pavie (24 février 1525), où le roi est fait prisonnier et où huit mille Français périssent. « De toutes choses, il ne m’est demeuré que l’honneur et la vie qui est sauve », dira le roi. Impériaux et Anglais alliés arrivent à quarante kilomètres de Paris. Pendant sa captivité à Madrid, c’est sa mère, Louise de Savoie, qui assure la régence et non la reine Claude, morte un an auparavant. Pour être libéré, François I
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paye une lourde rançon, laisse ses deux fils aînés en otages et signe le désastreux traité de Madrid (14 janvier 1526, la France perd le quart de son territoire), qu’il dénonce dès sa libération.
Ayant pris la mesure de son adversaire, il cherche l’alliance des princes protestants allemands et celle des Turcs de Soliman le Magnifique (en pourparlers avec les Français depuis 1522), au grand dam de la Chrétienté.
En 1527, François I
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engage une deuxième guerre contre Charles Quint. La pause marquée par la paix de Cambrai (ou paix des Dames, 1529) n’est qu’un compromis. François I
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conserve le duché de Bourgogne et retrouve ses deux fils le 1
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juillet 1530, en échange de quatre tonnes d’or. Le 7 juillet 1530, il épouse Éléonore, la sœur de Charles Quint. La trêve ne dure pas pour autant.
La guerre reprend en 1536, mais Charles Quint échoue. En 1542, au bout de trois ans d’entente cordiale, scellée, semble-t-il, par un voyage au cours duquel Charles Quint dut traverser la France pour regagner les Pays-Bas (1540), la guerre éclate de nouveau. Les hostilités qui suivent sont confuses et sans gloire. Elles aboutissent au traité de Crépyen-Laonnois (1544), qui met en place un fragile équilibre européen, l’Espagne demeurant menaçante, et la question italienne restant en suspens. Par ce traité, la France renonce à Naples et à Milan. Elle renouvelle également son abandon de suzeraineté sur la Flandre et l’Artois.
Si François I
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échoue face aux Habsbourg dans les guerres d’Italie, il donne une impulsion décisive à l’exercice de la monarchie absolue et crée en grande partie l’État moderne en France. L’absolutisme connaît un progrès incontestable par le renforcement de la centralisation administrative, le développement de la vie de Cour – c’est Fran çois I
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qui forge la formule « car tel est notre plaisir » et l’expression imposée « Sa Majesté ». Le roi gouverne personnellement, bien qu’assisté d’un Conseil (dit Conseil privé ou Conseil d’État), qui se compose de la famille royale, des princes du sang, de grands officiers et de quelques vieux serviteurs. Les membres du Conseil privé n’ont part au gouvernement que s’ils sont admis au Conseil des affaires, petit cénacle très fermé où dominent le roi et l’un de ses conseillers.
Sous le règne de ce roi mécène, les lettres et les arts sont fortement encouragés. François I
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fonde le futur Collège de France, protège humanistes, poètes et musiciens (Budé, Ronsard, Marot) et attire en France de grands artistes italiens, comme Léonard de Vinci dès 1515, Benvenuto Cellini, Andrea del Sarto, le Primatice, le Rosso. L’école de Fontainebleau connaît un grand prestige. Sous son impulsion s’ouvrent les chantiers royaux de Blois, Chambord, Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, l’Hôtel de ville de Paris. Une ordonnance d’une grande importance culturelle et juridique est adoptée : l’ordonnance de Villers-Cotterêts oblige désormais les actes notariaux et judiciaires à être rédigés non en latin, mais en français. Autre signe du renforcement de l’unité française, le roi fonde le dépôt légal dans la bibliothèque royale d’un exemplaire de tout livre imprimé. Enfin, Jacques Cartier prend possession du Canada en son nom (1541).
Seuls les problèmes financiers et religieux restent mal réglés. Aucun système fiscal cohérent n’est mis en place et, pour satisfaire ses gros besoins d’argent (versé pour gagner à sa cause les princes allemands lors de sa candidature à l’Empire et pour son mécénat), il pressure ses sujets. La taille passe, entre 1517 et 1543, de 2 400 000 à 4 600 000 livres. Le premier emprunt de l’État fran çais se fait sous François I
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, en 1522. D’un montant de 250 000 livres tournois, il est remboursé aux souscripteurs par une rente (ou intérêt annuel) de 8 %. On appelle ces rentes Rentes sur l’Hôte parce qu’elles sont payées à l’Hôtel de ville de Paris. Les provinces sont administr ées par des gouverneurs, lieutenants généraux, grands seigneurs locaux, favoris du roi ou princes de sang.
François I
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assujettit l’épiscopat français (concordat de Bologne, 1516). Face aux protestants, le roi se montre d’abord tolérant – sous l’influence de sa sœur, Marguerite de Navarre – puis exerce une répression cruelle après l’affichage de placards contre l’eucharistie sur la porte du château d’Amboise, en octobre 1534. Il meurt à Rambouillet, au moment même où Guillaume Budé publie
L’Institution du Prince
, écrit en son honneur.
HENRI II
Saint-Germain-en-Laye, 1519 - Paris, 1559
Roi de France (1547-1559)
Deuxième fils de François I
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et Claude de France, marié à Catherine de Médicis. Critique envers son père, il poursuit néanmoins sa politique, reprenant la lutte contre Charles Quint et les Anglais et combattant les protestants français.
FRANÇOIS I
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n’a guère préparé ce fils à gouverner, lui préférant longtemps son frère cadet, Charles d’Orléans, mort de la peste en 1545. Dès l’enfance, pourtant, il a été confronté à la « difficile » condition de prince. Le traité de Madrid (1526) comprend, en effet, la prise en otage des deux fils aînés de François I
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. Aussi Henri se retrouve-t-il, dès l’âge de sept ans, contraint de vivre quatre ans en détention à Villalba, puis à Villalpando.
Avant même son sacre à Reims, le 26 juillet 1547, il prend en main le gouvernement. Il commence par réformer les mœurs de la Cour puis, en 1548, organise une expédition en Écosse destinée à arracher la petite Marie Stuart des griffes des protestants. Henri II fiance la jeune reine d’Écosse à son fils aîné. Enfin, il envoie son favori, Charles de Brissac, prendre la mesure des intentions de Charles Quint.
Il s’attache les services du connétable Anne de Montmorency, tombé en disgrâce à la fin du règne précédent et réhabilité ainsi comme premier conseiller. Ce vieil homme arrogant, jaloux et partisan déclaré de la paix ne cesse de lutter contre les Guise (toujours prêts à faire la guerre), contre le cardinal de Lorraine, contre les calvinistes. Henri II se retrouve, tout au long de son règne, partagé entre les intrigues des Guise, des Montmorency et l’avis de sa chère maîtresse, Diane de Poitiers. Cela flatte son goût pour les controverses.
À l’intérieur, Henri II fonde comme organe de gouvernement les quatre secrétariats d’État qui administrent la France, divisée géographiquement. Ces fonctionnaires ont dans leurs circonscriptions des attributions militaires, financières et judiciaires. En 1551, sous prétexte de décharger les parlements, mais en réalité dans un objectif fiscal, Henri II établit les présidiaux, tribunaux qui ont la compétence judiciaire des baillis et des sénéchaux. Cette multiplication des rouages judiciaires encourage les plaideurs, déjà très nombreux, et ne remédie pas aux lenteurs de la justice. Les révoltes fiscales, fréquentes, sont sévèrement réprimées. À la fin du règne d’Henri II, la dette publique se monte déjà à 43 millions de livres tournois.
En politique extérieure, le roi, par nature, s’intéresse plus volontiers aux frontières du nord et de l’est de la France qu’à l’Italie. Humilié par Charles Quint dans les prisons de son enfance, il profite de son avènement pour prendre sa revanche. Il lutte contre les princes allemands de la Ligue de Samakade. En s’alliant aux princes protestants allemands révoltés contre Charles Quint par le traité de Chambord (janvier-f évrier 1552), le roi réussit à s’emparer des Trois-Évêchés, Metz, Toul et Verdun (1552), qui sont de langue française. François de Guise, assiégé à Metz (octobre 1552), organise la défense avec brio et sort du combat auréolé par sa victoire. Charles Quint, vieilli, accorde à Henri une trêve de cinq ans, la trêve de Vaucelles (février 1556), et abdique peu après (septembre 1556). Outre les Trois-Évêchés, la France est autorisée à garder le Piémont. Dès 1556, la trêve est rompue. La guerre reprend sur mer puis en Italie, où les Français n’engrangent que des défaites. Boulogne est néanmoins repris par les Français en 1556. Le duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, général à la solde de l’Empire, se dirige vers Saint-Quentin. Montmorency est fait prisonnier (août 1557), mais Coligny a l’intelligence de se jeter dans la place, de soutenir le siège et d’arrêter ainsi la marche du duc sur Paris. Henri II est battu à Saint-Quentin (1557) par le roi d’Espagne Philippe II. En revanche, secondé par l’opiniâtreté de François de Guise tout juste revenu d’Italie, il reprend Calais (1558), aux mains des Anglais depuis deux siècles. Confronté aux difficultés financières et à la lutte contre les protestants, Henri II décide de mettre fin aux guerres d’Italie en signant la paix du Cateau-Cambrésis (1559). Par ce traité, la France rend la Savoie, le Bugey, la Bresse et le Milanais. Elle garde Pignerol, le marquisat de Saluces, Metz, Toul, Verdun et Calais.