HUGUES CAPET
v. 941 - 996
Roi de France (987-996)
Pour Adalbéron, le puissant archevêque de Reims, qui a été l’un des principaux artisans du sacre, Hugues Capet doit assurer un règne de transition, préparant la réunification de l’Empire carolingien. L’avenir allait quelque peu le détromper puisque Hugues Capet et les trente et un rois de sa lignée s’installent pour huit siècles à la tête du royaume. Hugues est le premier roi à parler en langue romane.
FILS AÎNÉ d’Hugues le Grand et d’Hadwige de Saxe (sœur d’Otton I
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de Germanie), il est le fondateur de la dynastie capétienne. Son surnom dérive du mot « chape », désignant le long manteau des abbés. En effet, Hugues Capet et son père, Hugues le Grand, étaient abbés laïques de nombreux monastères, notamment celui de Saint-Martin de Tours, où est conservée la moitié de la cape de saint Martin.
Jeune, il désapprouve la persécution de Louis IV par son père, les petites guerres stériles de 951-953, la campagne d’Aquitaine. Héritier d’un domaine extrêmement vaste, il cohabite d’abord avec le roi carolingien Lothaire puis avec son successeur, le roi Louis V le Fainéant. En 960, il reçoit, en échange du serment de fidélité prêté à Lothaire, le titre de « duc des Francs » inaugur é par son père. Ce qui ne l’empêche pas de traverser une longue période d’isolement. En 965, il est juste en mesure d’imposer sa volonté à Orléans, à Paris, à Senlis, bien qu’il reste capable de mobiliser de très nombreux guerriers en provenance de comtés même très émancipés.
Il se rapproche du roi en l’aidant dans sa lutte contre Otton II. En 979, lorsque Lothaire veut faire sacrer son fils Louis, à peine âgé de treize ans, il va de soi qu’il en demande l’autorisation au duc des Francs, Hugues Capet, qui la lui accorde. En retour, Lothaire et Louis confirment et renouvellent les mesures prises en faveur des évêques et des abbés de leur cher duc.
Hugues Capet s’impose de plus en plus grâce à cette alliance avec le monachisme. Il dispose d’abbayes riches en terres. Lié à Cluny par une tradition familiale qui remonte presque à l’origine (Odon, abbé de Cluny, a connu le roi Eudes, son frère Robert et Hugues le Grand), ami et peut- être élève de Mayeul (nouvel abbé de Cluny), Hugues est très influencé par l’esprit de cette abbaye dès sa jeunesse.
En 987, à la mort de Louis V, il n’y a pas de roi déjà sacré. Mettant fin à la régence simultan ée des Carolingiens et des Robertiens, Hugues empêche le successeur carolingien légitime, Charles de Lorraine, frère de Lothaire et oncle du dernier roi carolingien, Louis V, d’hériter de la couronne. Il finit même par le faire emprisonner en 991.
Marié à Adélaïde, la fille du comte de Poitiers, Guillaume Tête d’Étoupe, Hugues se fait élire grâce à l’appui du clergé, en 987, par l’assemblée des Grands, et est couronné à Noyon le 1
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juillet 987. L’un de ses premiers actes « royaux » est de protéger les monastères et leurs biens.
Il gouverne avec les conseils d’Adalbéron, archev êque de Reims, son fidèle jusqu’à sa mort (989).
Il lutte contre Charles de Lorraine, oncle de Louis V et prétendant carolingien légitime à la couronne, qui ne cesse de comploter. Les grands vassaux ne l’aident guère dans cette tâche. Ils sont des princes indépendants. L’intrusion de Charles coupe court à l’expédition contre les Sarrasins qui menacent Barcelone. Charles a pour appui le comte de Vermandois et Arnoul, nouvel évêque de Reims et bâtard du roi Lothaire.
Après être venu à bout de Charles, Hugues décide de se passer du pape (autorité normalement absolument nécessaire à la destitution d’un évêque) pour éliminer Arnoul. Le 18 juin 991, Arnoul est condamné à la dégradation ecclésiastique par un concile dit « des Gaules » et remplacé par le fidèle Gerbert.
Bien que roi des Francs, Hugues Capet ne possède qu’un petit domaine en Ile-de-France. Il n’est que le premier des seigneurs. Les ducs d’Aquitaine, les comtes de Périgord, de Poitou, d’Anjou, de Champagne, de Flandre, les ducs de Normandie, de Bretagne l’égalent en puissance et lui refusent parfois l’obéissance. Cette situation est illustrée par un mot célèbre. Hugues, écrivant à Aldabert, comte de Périgord, refusant d’obéir : « Qui t’a fait comte ? », s’entendit répondre : « Qui t’a fait roi ? » Afin d’assurer l’avenir de sa dynastie, il fait sacrer, dès 987, son fils Robert, qui lui succède. Le principe de l’hérédité royale est ainsi posé.
ROBERT II LE PIEUX
Orléans, v. 972 - Melun, 1031
Roi de France (996-1031)
Son règne est marqué par la grande peur de l’an mil.
FILS D’HUGUES I
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Capet, qui l’associe au trône dès 987, il lui succède en 996. Élevé comme un clerc, généreux envers les pauvres, plus moine que roi, il compose nombre d’hymnes sacrées pour l’Église, mais sa grande piété ne l’empêche pas de se brouiller avec le pape. Le « bon roi Robert » résiste à son autorité en épousant sa maîtresse et cousine, Berthe de Bourgogne, après avoir répudi é Rosala, fille du roi d’Italie, alliance honorable mais guère attrayante pour le jeune roi, en raison de l’âge avancé de la princesse. Le pape Grégoire V l’excommunie alors (pour cause de parenté et de bigamie) et le roi finit par se soumettre. Il se sépare de Berthe de Bourgogne en 1001 et épouse en troisièmes noces Constance d’Arles, la fille du comte de Toulouse, Guillaume Taillefer. La Cour se trouve bouleversée par l’afflux d’Aquitains, dont l’envie de fêtes luxueuses contraste avec l’austérité habituelle de l’environnement royal. Pendant son règne, Robert doit contenir l’ambition des seigneurs pillards du domaine royal. De 1002 à 1016, il lutte pour faire valoir ses droits sur le duché de Bourgogne devenu vacant à la mort de son oncle, le duc de Bourgogne. Il réussit à contrarier l’ambition du comte de Bourgogne, Otte-Guillaume et à s’assurer la succession de Bourgogne, dont hérite plus tard son fils, Robert, et que ses descendants conserveront jusqu’au XIV
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siècle. Il réunit également à la couronne les comtés de Paris et de Melun. En guerre avec le comte d’Anjou au sujet de la Touraine, il est battu à Pontlevoy (1016).
Il est le premier roi à avoir ordonné l’exécution d’hérétiques: treize d’entre eux sont brûlés à Orléans en 1022. Afin de conforter l’avenir de sa dynastie, il fait sacrer d’abord son fils aîné, Hugues, puis, à la mort de ce dernier (1025), son deuxième fils, Henri (1027). Mais la reine Constance, préférant un autre de ses fils, Robert, le pousse à la révolte. La fin du règne de Robert II est marquée par la querelle entre les deux frères.
HENRI I
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1008 - Vitry-aux-Loges, près d’Orléans, 1060
Roi de France (1031-1060)
Les trente ans du règne d’Henri I
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sont, en dépit de quelques événements, surtout occupés par la chasse et les plaisirs. Veuf de sa première femme, Mathilde, le roi épouse en secondes noces, en 1051, Anne, fille du grand-duc de Kiev. Belle, intelligente, passionnée de chasse, elle donne à la Cour un éclat certain.
SA MÈRE, CONSTANCE, lui préférant son frère cadet Robert, fait tout pour l’évincer du trône. Mais son père, Robert II le Pieux, soucieux de perpétuer la succession héréditaire de l’aîné des Capétiens, l’associe au trône et le fait couronner roi de son vivant (1027), après la mort de son fils aîné, Hugues. Constance ne désarme pas pour autant et, une fois son royal époux décédé, excite son favori, Robert, duc de Bourgogne, à se révolter contre son frère, Henri I
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. Afin de contrer l’opposition des grands vassaux qui, comme Constance ou le comte de Blois, préf èrent pour roi son frère cadet Robert, Henri cède à ce dernier le duché de Bourgogne. Cette donation sera lourde de conséquences. La première maison de Bourgogne va durer trois siècles (1032-1361). Sous son influence, le concile de Provence (1041) instaure la trêve de Dieu, destinée, dans l’esprit de l’Église, à limiter les guerres féodales. Du mercredi soir au lundi matin de chaque semaine, les jours de grandes fêtes, l’avent et le carême, il est interdit de faire la guerre. Ceux qui ne respectent pas cette défense sont punis d’une amende et bannis.
Sous Henri I
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, la féodalité se renforce ; les princes de Bretagne, Aquitaine, Bourgogne se considèrent comme indépendants. Après avoir soutenu Guillaume de Normandie (dit le Conquérant), Henri I
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est défait par lui aux batailles de Mortemer (1054) et de Varaville (1058).
Il associe à la couronne son fils Philippe (1059) et organise une éventuelle régence sous l’autorité de Baudoin, comte de Flandre, et non de la reine Anne. La précaution n’est pas inutile : un an après, il meurt subitement dans son château de Vitry-aux-Loges, près d’Orléans.
PHILIPPE I
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v. 1052 - Melun, 1108
Roi de France (1060-1108)
Roi indolent, resté en retrait de tous les grands événements de son temps, Philippe I
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a eu l’un des règnes les plus longs de l’histoire de France et a agrandi le domaine royal. Philippe est le premier roi à porter ce nom, nouveau dans la famille capétienne et probablement importé d’Orient par sa mère, Anne de Kiev.
FILS AÎNÉ d’Henri I
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, sacré à Reims, du vivant de son père, le 23 mai 1059, il devient roi à l’âge de huit ans sous la corégence de sa mère et de son oncle Baudouin V, comte de Flandre. Devenu majeur, il ne cesse de lutter contre les grands féodaux. Il accroît son domaine par diverses annexions : le Gâtinais (1068), le Vexin (1082), la vicomté de Bourges (1100).
Pour la succession de Flandre, après la mort du comte, Philippe I
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monte une expédition, mais il est battu à Cassel, en 1071, par Robert le Frison.
Inquiet de la puissance de son vassal Guillaume I
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le Conquérant, devenu roi d’Angleterre depuis 1066, il incite à la rébellion le fils de Guillaume, Robert Courteheuse. En 1087, la révolte éclate en Normandie. On raconte que Philippe I
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, parlant de Guillaume le Conquérant, qui était d’une corpulence remarquable, demanda : « Quand donc ce gros homme accouchera-t-il ? » Le Conquérant répondit qu’il irait « faire ses relevailles à Paris avec dix mille lances en guise de cierges ». Il se préparait à y aller lorsque, à la suite d’un accident, il tomba malade et mourut à Rouen (1087).
Le règne de Philippe I
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est également marqué par de longs démêlés avec la papauté, en raison de sa pratique de la simonie, de son soutien au théologien Bérenger de Tours (dont la doctrine est condamn ée) et aussi de son divorce. La répudiation de Berthe de Hollande et son remariage avec Bertrade de Montfort, femme du comte d’Anjou, lui valent d’être excommunié par le pape Urbain II (1095) et l’empêchent de participer à la première croisade (1096-1099). Il finit par se soumettre au pape en 1105. Malade, il fait couronner son fils, Louis (futur Louis VI), en 1100, avant sa mort en 1108 (esquisse d’un droit d’aînesse) et lui lègue les acquêts du royaume.
LOUIS VI LE GROS
v. 1081 - Paris, 1137
Roi de France (1108-1137)
Surnommé le Gros à cause de sa corpulence, il doit aussi à ses qualités réelles bien d’autres surnoms : l’Éveillé, le Père des Communes, le Justicier.
FILS AÎNÉ de Philippe I
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et de Berthe de Hollande, associé au trône en 1100, il est sacré à la hâte le 13 août 1108, à Orléans, pour éviter tout complot de sa belle-mère, Bertrade. En se faisant appeler Louis VI, ce Capétien marque sa volonté de continuité dynastique avec les Carolingiens, le dernier d’entre eux étant Louis V.
Lors de son accession au trône, les pouvoirs royaux sont bien malmenés. Le roi n’est plus obéi de ses grands vassaux. Il est reclus à Paris. Conseillé par l’ambitieux sénéchal Étienne de Garlande, Louis pacifie le domaine royal en soumettant les seigneurs pillards de l’Île-de-France. En 1112, il bataille contre Hugues du Puiset et finit par rattacher le comté de Corbeil à son domaine. Le château d’Hugues est rasé (1118). En 1130, Louis écrase Thomas de Marle.
Grand justicier du pays, il est aussi le protecteur des églises et des opprimés. Il doit tenir compte de l’avis de l’abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, et surtout de saint Bernard. Il favorise, avec son conseiller le moine Suger, issu de famille pauvre, l’essor urbain et le mouvement communal. La prospérité ayant permis l’enrichissement de la bourgeoisie, de plus en plus, les habitants des villes se groupent en associations de métiers pour obtenir par communes des libertés consignées dans une charte. Le roi trouve, en effet, dans les milices communales un appui précieux pour imposer son autorité aux seigneurs turbulents.
Il tente d’enlever la Normandie au roi d’Angleterre, Henri I
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Beauclerc, et de soutenir les droits de Guillaume Cliton, mais il est vaincu à Brenneville (1119) et doit faire la paix. Avec l’aide de ses vassaux, il repousse, en 1124, une offensive de l’empereur Henri V. Levant la menace d’invasion du royaume par les armées du Saint-Empire romain germanique, qui marchent sur Reims (1124), il augmente le prestige royal.
En 1127, Charles le Bon, comte de Flandre, est assassiné à Bruges. Louis marche contre les révoltés et donne le comté de Flandre à Guillaume Cliton, qui meurt bientôt dans une guerre contre un rival.
La mort d’Henri I
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Beauclerc en 1135, sans héritier direct, ouvre une rivalité entre les deux prétendants, d’Anjou et de Blois, pour la Normandie. Cette guerre de succession sert les intérêts du roi de France. À la même période, le duc d’Aquitaine se soumet à Louis VI.
Uni à Lucienne de Roche-fort, pas encore nubile, par un mariage annulé par le pape en 1107 pour amadouer le clan séditieux des Monthléry-Rochefort, le roi convole en 1115 avec Adélaïde de Savoie. Ils ont neuf enfants, dont six garçons.
Louis le Gros fait sacrer à Reims son fils aîné, Philippe, et, à la mort de ce dernier (1131), son second garçon, Louis. Malade à partir de 1135, il ne règne plus que nominalement. Le 25 juillet 1137, le roi assiste au mariage de son fils Louis avec Aliénor, fille unique du duc d’Aquitaine, et meurt.