Elle met également fin à la guerre contre les albigeois. Signé en 1229, le traité de Meaux (dit parfois de Paris) avec Raymond VII de Toulouse et le mariage du frère du roi Alphonse de Poitiers avec l’héritière de Raymond VII préparent l’annexion définitive du comté de Toulouse.
Devenu majeur (1234) et marié à Marguerite de Provence (1234), Louis IX laisse sa mère continuer à gérer les affaires. Il ne gouverne personnellement le royaume qu’à partir de 1242.
Une nouvelle révolte d’un grand vassal, Hugues de Lusignan, comte de la Marche, époux de la veuve de Jean sans Terre, relance les hostilités entre la France et l’Angleterre, qui soutient systématiquement les seigneurs révoltés. Après avoir battu le roi d’Angleterre, Henri III, à Taillebourg et à Saintes, Louis IX profite de la circonstance pour résoudre temporairement le long conflit franco-anglais. Bien qu’ayant l’avantage, il préfère la paix et signe avec l’Angleterre le traité de Paris (1259). Celui-ci est marqué de concessions territoriales réciproques (le roi d’Angleterre renonce aux terres perdues depuis Philippe Auguste et le roi de France lui restitue le Limousin, le Quercy et le Périgord).
Le traité de Corbeil, signé avec l’Aragon (1258), s’inspire du même principe de concessions réciproques. Le roi Jacques I
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d’Aragon renonce à sa suzeraineté sur la Provence et le Languedoc en échange de l’abandon des droits français sur la Catalogne et le Roussillon.
Le pouvoir de Louis dépasse les frontières de la France. Il arbitre les litiges en Europe. Profitant de l’affaiblissement de l’Angleterre, il départage le pape et l’empereur dans l’éternelle lutte du sacerdoce et de l’empire.
Louis procède aussi à la spécialisation des membres de la Cour royale (une section judiciaire, le Parlement, et une section financière, les « gens de comptes ») et étend à tout le royaume une juridiction d’appel en multipliant les cas royaux. La charge de prévôt, qui donne le pouvoir de participer à l’administration de Paris, était jusqu’alors vendue aux bourgeois de Paris, ce qui favorisait la corruption. Elle devient une fonction payée comme les autres et Louis nomme à ce poste un homme intègre : Étienne Boileau. Larrons et criminels disparaissent ainsi de Paris.
Soucieux de faire régner l’ordre et la justice, il interdit les vengeances familiales et le duel judiciaire – pratiques courantes – , ainsi que les guerres privées (1245). Il crée les enquêteurs royaux afin d’éviter les abus des baillis et des sénéchaux. Après la première « grande enquête nationale », les serviteurs indélicats sont priés de restituer promptement au roi les sommes indûment perçues (1247).
L’imagerie populaire le représente animé d’une foi ardente. Il rend la justice sous le chêne de Vincennes, fait l’aumône aux pauvres, impose les mains aux aveugles et aux lépreux, préfère la compagnie des frères mendiants à celle des princes. Joinville nous rapporte une de ses devises : « Gardez-vous de faire et de dire rien que, si tout le monde le savait, vous ne puissiez reconnaître : je ai ce fait, je ai ce dit. »
De sa générosité légendaire, néanmoins, sont exclus les cathares et les juifs. Il soutient l’Inquisition en Languedoc (Montségur tombe en 1244), oblige les juifs à porter la rouelle écarlate.
Deux fois croisé, à l’heure où les croisades ne sont plus guère dans l’esprit du temps, Louis IX voit ses entreprises aboutir à des échecs. Voulant frapper au cœur de la puissance musulmane, il entreprend la septième croisade en Égypte (1247). Il se rend à Aigues-Mortes, d’où il gagne la mer par canaux. Le 29 mai 1249, il prend Damiette, mais est vaincu et fait prisonnier à Mansourah (8 février 1250). Son frère, Robert d’Artois, trouve la mort dans la même expédition. Libéré contre rançon, Louis passe quatre ans en Syrie franque. Il fortifie les places de Césarée, Jaffa, Sidon et Saint-Jean-d’Acre. Pendant son absence, Blanche de Castille a repris la régence, mais la nouvelle de la déroute des armées multiplie les désordres. Des bandes de paysans, les « pastoureaux », pillent tout sur leur passage.
Blanche meurt en 1252 et le roi est obligé de rentrer. Il profite des seize années où il reste en France pour poursuivre la réorganisation du pays. En 1262, Louis assure à la monnaie royale l’avantage d’être utilisée partout, tandis que celle des seigneurs n’a cours que sur leurs terres. La monnaie royale se répand ainsi partout en France. Louis incarne le passage de la monarchie féodale (un roi, des vassaux) à la monarchie moderne (un chef de l’État, des sujets).
Malgré la lassitude des barons, Louis entreprend la huitième croisade contre l’Égypte (1270). Sur les conseils intéressés de Charles d’Anjou, son frère et roi de Sicile, il se dirige vers Tunis, d’où partent régulièrement des bandes de pirates qui pillent les côtes du royaume de Naples et de la Sicile. Arrivé devant la ville, il meurt de la peste le 25 août 1270.
Sous son règne s’épanouit la civilisation : renommée de la Sorbonne (qui tient son nom d’un conseiller de Saint Louis, Robert de Sorbon), où enseigne saint Thomas d’Aquin, construction de la Sainte-Chapelle, des Quinze-Vingts, sculptures et vitraux de cathédrales.
Louis IX est canonisé par le pape Boniface VIII (1297), vingt-sept ans seulement après sa mort. Il a bénéficié d’une conjoncture sans grandes famines ni épidémies. Il était père de onze enfants. L’aîné, Louis, étant mort en 1260, son fils Philippe lui succède.
PHILIPPE III LE HARDI
Poissy, 1245 - Perpignan, 1285
Roi de France (1270-1285)
Fils de Louis IX (Saint Louis), héritier de la couronne à quinze ans, Philippe est doux, facilement influençable, assez inculte, très pieux et bon chevalier, ce qui lui vaut son surnom.
ACCOMPAGNANT LOUIS IX à la huitième croisade, il est proclam é roi à Tunis, à la mort de son père (1270). Il en revient escorté de nombreux cercueils: ceux de son père, de la reine, de son frère, de son oncle Alphonse, comte de Toulouse, de l’épouse d’Alphonse, héritière des Raymond, et de son beau-frère Thibaud, roi de Navarre. Sur le chemin du retour, en outre, il perd sa femme, Isabelle d’Aragon, épousée en 1262.
Sacré à Reims en 1271, il reçoit en héritage d’Alphonse de France, le Poitou, l’Auvergne et le comté de Toulouse (1271), conformément au traité de Meaux (1229). Il réussit une campagne contre le comte de Foix. Il cède au pape Grégoire X le Comtat Venaissin (Avignon 1274). C’est à partir de cette date, et pour cinq siècles, que le Saint-Siège poss ède un territoire en France.
Le domaine royal s’agrandit aussi des comtés d’Alençon et du Perche, hérités de Pierre, frère du roi (1283), et, par achat, des comtés de Nemours (1274) et de Chartres (1284). Plusieurs années de négociations avec Édouard I
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d’Angleterre aboutissent au traité d’Amiens (1279), qui donne satisfaction aux Anglais pour l’Agenais.
En revanche, l’extension du domaine français vers la péninsule ibérique provoque de longues guerres obscures et infructueuses contre Pierre III d’Aragon. Elles occupent tout le début du règne de Philippe.
Le roi intervient en Navarre, soutenant les deux veuves dépouillées, Blanche de France et Blanche d’Artois. La première trouve refuge en France, la seconde fiance sa fille, Jeanne, au propre fils du roi et futur Philippe le Bel.
Enfin, Philippe le Hardi soutient la politique sicilienne de son oncle, Charles I
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d’Anjou, en s’opposant à Pierre III d’Aragon, considéré comme l’instigateur du massacre des Vêpres siciliennes (1282) et excommunié par le pape. Ce dernier donne le royaume de Naples au fils de Philippe le Hardi, Charles de Valois, Philippe engageant alors une croisade contre l’Aragonais (1284-1285). Mais les maladies déciment l’armée, qui rentre en France avec le roi, lequel meurt de la malaria peu après, à Perpignan.
Il épouse en secondes noces Marie de Brabant (1274). Mais, de son premier mariage avec Isabelle d’Aragon, il a trois fils : l’aîné, Louis, meurt, le second, Philippe, est son successeur et le cadet, Charles, est à l’origine de la branche des Capétiens-Valois.
PHILIPPE IV LE BEL
Fontainebleau, 1268 -
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., 1314
Roi de France (1285-1314)
Fils de Philippe III le Hardi et d’Isabelle d’Aragon, il doit son surnom à sa beauté : « Ce n’est ni un homme ni une bête, c’est une statue. » Ayant reçu la Champagne et la Navarre par son mariage avec Jeanne de Navarre (1284), il porte, le premier, le titre de « roi de France et de Navarre ». L’acquisition de la Navarre est momentan ée, mais celle de la Champagne définitive. Il est l’un des principaux artisans de l’unité française, avec Philippe Auguste et Louis IX. Son règne est considéré par les historiens comme l’un des plus importants mais aussi des plus déconcertants.
PERSONNALITÉ énigmatique, peut-être simple instrument entre les mains de ses conseillers juridiques, les légistes, Philippe est le souverain d’un État fort et centralisé. Peu aimé de ses sujets, il fait faire de grands progrès à la royauté bien que, sous son règne, le domaine royal ne connaisse pas d’importants agrandissements.
Il monte sur le trône à l’âge de dix-sept ans et met fin d’emblée aux guerres stériles contre l’Aragon (trait és de Tarascon et d’Anagni, 1291 et 1295). À l’égard de l’Angleterre, préfiguration de la guerre de Cent Ans, il fait envahir la Guyenne (1294-1299) puis la rend à Édouard par la paix de Mon-treuil (1299), cimentée par un double mariage : celui de sa sœur, Marguerite, avec Édouard I
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et celui d’Isabelle, sa fille, avec le fils d’Édouard. Personne ne pouvait imaginer alors que, Philippe le Bel étant père de trois fils, cette double alliance allait donner aux rois d’Angleterre des droits à la couronne et provoquer cent ans de guerre. La paix est rétablie en 1303 (traité de Paris).
Il tente d’annexer la Flandre en emprisonnant le comte Gui de Dampierre (1295) et en lui confisquant son fief, plaçant à la tête de celui-ci un gouverneur français. La tyrannie de ce dernier provoque un terrible soulèvement des Flamands à Bruges : les Matines brugeoises (17-18 mai 1302). L’armée française est taillée en pièces par les communes flamandes à la bataille de Courtrai, appelée aussi « des Éperons d’or » (11 juillet 1302). Le roi ne participe pas directement à la bataille, ce qui lui sauve probablement la vie. En revanche, il combat à Monsen-P évèle (18 août 1304) et, victorieux, peut ainsi acquérir, par la paix d’Athis-Mons (juin 1305), Lille, Douai et Béthune. Du côté de l’Empire, le roi reçoit d’Otton de Bourgogne le comté de Bourgogne, actuelle Franche-Comté (mars 1295). La noblesse comtoise s’en indigne. L’acquisition la plus importante de Philippe le Bel est le rattachement définitif de Lyon (sous dépendance du Saint Empire romain germanique, puis de l’Église) à la France en 1312. Elle témoigne de l’extension du territoire vers l’est.
Pieux mais anticlérical, Philippe le Bel s’oppose à l’ingérence de la papauté dans les affaires françaises. Il entre en conflit avec Boniface VIII, qui s’oppose à la levée, sans son accord, de décimes sur le clergé, et à l’arrestation et à la condamnation de Bernard Saisset, évêque de Pamiers. Les bulles envoyées par le pape, rappelant la théocratie pontificale (notion essentielle au Moyen Âge), aggravent les tensions, et Philippe le Bel décide la convocation des premiers états généraux (1302-1303), qui appuient avec force la politique royale. Soutenu par l’opinion publique, il remet en cause la validité de l’élection du pape et le fait malmener par ses envoyés. C’est l’attentat d’Anagni (1303), auquel le pape succombe peu après. Le roi fait alors élire un pape fran çais qui vient s’installer en Avignon, en 1309. Cette solution, qui met fin au conflit et qui doit rester provisoire, se prolonge durant trois quarts de siècle.
Sous l’influence des légistes, en particulier Pierre Flote, Guillaume de Nogaret et Enguerrand de Marigny, la centralisation monarchique s’accentue par la spécialisation de la Cour royale en sections judiciaires (Chambres des enquêtes et Chambre des requêtes) et en sections financi ères (Chambre des deniers et surtout Chambre des comptes, créée de fait après sa mort, en 1320). Il fixe le Parlement à Paris, établit le Grand Conseil pour l’assister dans les décisions politiques. Grande innovation, il recourt à la consultation populaire par des assemblées de barons, prélats, consuls, échevins et maires de communes, qui préfigurent les états généraux. Il convoque ces derniers à plusieurs reprises pour s’assurer du soutien de sa politique.
Le problème le plus difficile à affronter est, cependant, celui des finances, le roi ne pouvant plus gouverner avec les seuls revenus du domaine royal. Philippe le Bel s’attache à le régler en tentant d’imposer des impôts réguliers, en taxant lourdement les juifs (expulsés en 1306) et les Lombards, et en procédant à des mutations monétaires, ce qui lui vaut la réputation de faux-monnayeur. Il met en place la maltôte (mauvaise taille), un impôt sur les biens, et la gabelle, impôt sur les ventes de denrées, et particulièrement le sel.
Bon père de famille, attach é à son épouse, il est très pieux, voire dévot. Dans « l’affaire des Brus », il ne défend pas ses belles-filles, accusées d’adultère, au risque de laisser le royaume sans héritier.
De même avec les Templiers, dont il convoite sûrement aussi les immenses richesses, il se montre intransigeant et fait condamner leurs chefs au bûcher – dont Jacques de Molay (1314) – après avoir obtenu du pape la suppression de leur ordre (1312).
La crise économique, générale en Europe, et le déclin des foires de Champagne laissent, à la mort du roi, un pays mécontent.
LOUIS X LE HUTIN (LE QUERELLEUR)
Paris, 1289 - 1316
Roi de Navarre (1304-1316), roi de France (1314-1316)
Son accession coïncide avec une crise de subsistance, qui marque la fin du beau XIII
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siècle, et une réaction féodale très vive. Il doit lutter contre les ligues féodales. Son surnom évoque un règne agité.
FILS AÎNÉ de Philippe IV le Bel, roi de Navarre à la mort de sa mère, en 1304, il succède à son père en 1314. Il est sacré à Reims le 24 août 1315.
Il doit faire face à la réaction aristocratique. Au printemps de 1315, le roi leur accorde des chartes : chartes aux Bourguignons, aux Picards, aux Champenois, etc. Les nobles recouvrent ainsi une partie des droits qui leur avaient été supprim és par Philippe le Bel.