Marié par nécessité politique à l’infante d’Espagne Marie-Thérèse, le 9 juin 1660 (traité des Pyrénées, 1659), il commence son règne personnel à vingt-trois ans, à la mort de Mazarin (1661). Il affirme son souhait d’exercer pleinement son pouvoir en supprimant la charge de Premier ministre. Colbert, appelé à la direction des Finances, lui fait éliminer le surintendant des Finances, Nicolas Fouquet. Ce dernier avait lui-même signé sa disgrâce en organisant des fêtes somptuaires en son château de Vaux-le-Vicomte en l’honneur du roi, ce qui avait le don d’exaspérer celui-ci.
Louis, en déclarant « l’État c’est moi », affirme sa volonté de gouverner lui-même en écartant ceux qui, par leur naissance ou l’attribution de hautes charges, peuvent porter ombrage à son autorité. Il ne prend, dans les différents conseils de gouvernement (Conseil d’en-haut, Conseil des finances, Conseil des dépêches), que des hommes pour la plupart issus de la bourgeoisie (Colbert, Lionne, Le Tellier, Louvois, Pomponne). La noblesse, en dehors de ses emplois militaires, est exclue des affaires politiques, attirée à la cour de Versailles, amusée et ruinée par les fêtes, n’attendant du roi que faveurs et pensions. Sur la totalité des deux cent mille nobles qu’on prétend « domestiqués », Versailles n’en accueille cependant qu’à peine quatre à cinq mille. Les parlements sont réduits à l’impuissance et les états généraux jamais convoqués. Le gouvernement s’exerce à travers l’administration, officiers et intendants représentant, avec une police, le pouvoir centralisé. Les assemblées de la Basse-Auvergne, du Maine, du Rouergue, du Quercy (1672-1673), de l’Alsace (1683), de la Franche-Comté (1704) disparaissent. Une monarchie administrative se met en place. Parallèlement, une sorte d’exaltation quasi religieuse du pouvoir monarchique se développe à la cour de Versailles, où le Roi-Soleil s’installe avec les services des ministres à partir de 1672.
Le souci du prestige de la France au-dehors, associé à un évident désir de gloire personnelle, entraîne Louis XIV dans une politique belliqueuse, à la fois sur les plans économique (le colbertisme) et militaire. En diminuant les privilèges des grands financiers et en augmentant les taxes indirectes, Louis XIV trouve l’argent nécessaire pour créer des manufactures royales. L’exportation d’armes, de navires, d’outils alimente un commerce florissant. Les compagnies royales multiplient les comptoirs en Inde, en Amérique, aux Antilles, au Sénégal. Cave-lier de la Salle descend le Mississippi, dont il atteint le delta en 1682. Il prend possession de vastes plaines, auxquelles il donne le nom de « Louisiane » en l’honneur de son roi. Les onze colonies anglaises sont désormais « entourées » de terres françaises. À la mort de Colbert, en 1683, la France se classe au premier rang de l’économie européenne.
Sur le plan militaire, pour mener les trente-trois ans de guerre de son règne, le roi dispose d’une marine de guerre puissante de deux cent soixante-seize vaisseaux de ligne, d’une armée organisée par Le Tellier et Louvois et, à partir de 1678, le maréchal de Vauban construit tout autour de la France une ceinture de places fortes stratégiques. Avec soixante-douze mille hommes en 1667, deux cent quatre-vingt mille en 1673 et trois cent quatre-vingt mille au début du XVIII
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siècle, l’État militaire n’est pas si puissant que les chiffres le laissent supposer. La première phase des conflits (1661-1679), celle des succès, se déroule dans le contexte de la traditionnelle rivalité entre la France et l’Espagne, mais elle conduit aussi au conflit avec la Hollande et l’Empire. La guerre de Dévolution (1667-1668) rapporte au roi Lille et une partie de la Flandre. La guerre de Hollande (1672-1678) apparaît inutilement cruelle et dégénère en conflit européen. Louis XIV, en voulant respecter le testament de Charles II, qui désigne Philippe d’Anjou comme son successeur, impose au trône d’Espagne son petit-fils cadet. L’Espagne cède la Franche-Comté, des villes du Hainaut, de la Flandre maritime et de l’Artois. Durant les dix années qui suivent, la France, en pratiquant en pleine paix une politique d’annexions (Strasbourg en 1681), provoque l’inquiétude en Europe, où commencent à se nouer des alliances défensives. Guillaume III, son plus redoutable adversaire, accède au trône d’Angleterre.
À la fin de son règne, dont Saint-Simon a laissé un témoignage précieux, Louis XIV laisse un pays épuisé économiquement, affaibli démographiquement mais aussi divisé religieusement. L’affaire de la Régale (1673-1693), qui manifestait la volonté d’indépendance de la monarchie à l’égard de toute puissance spirituelle, l’oppose au pape. Considérant l’unité de foi comme un garant de l’ordre et de la stabilité du royaume, Louis XIV décide la révocation de l’édit de Nantes (1685) et lutte contre les jansénistes. Deux cent mille protestants partent en exil et l’abbaye de Port-Royal est fermée (1709), avant d’être détruite (1711). La révocation achève d’irriter les alliés allemands et de dresser l’Europe contre la France.
La guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697) se solde par la restitution de la plupart des annexions (faites durant la période de paix), Strasbourg étant conservé (paix de Ryswick), et la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) met la France au bord de la ruine malgré une paix honorable (traités d’Utrecht et de Rastadt).
À l’expression de cette autorité monarchique répond le rayonnement culturel de la France qui caractérise le « siècle de Louis XIV », le mécénat royal ayant largement contribué à l’éclat des lettres et des arts. Le classicisme français triomphe au milieu d’une Europe universellement baroque. La protection de Louis XIV consacre la renomm ée de Molière, Racine, Boileau, Bossuet et Lully.
La sculpture (Puget, Girardon) et la peinture (Poussin, le Lorrain, Philippe de Champaigne, Le Brun), mais plus particulièrement l’architecture, brillent d’un éclat particulier, rendant célèbre l’art français, imité dans toute l’Europe (Le Vau, Hardouin-Mansart).
Le roi meurt de gangrène le 1
er
septembre 1715. Les infidélités de Louis XIV sont célèbres. Sa vie privée connaît une suite d’intrigues amoureuses. Après la duchesse de La Vallière, la marquise de Montespan est la maîtresse en titre de 1667 à 1679. Disgraciée lors de l’affaire des Poisons en 1680, elle cède la place à la très puritaine Françoise d’Aubigné, épousée discrètement en 1683. L’ex-Mme Scarron, favorite sous le nom de Mme de Main-tenon, est la gouvernante des enfants du roi et de la marquise de Montespan. Ces enfants sont légitimés en 1673, précaution utile puisque l’union avec Marie-Thérèse a donné naissance à six enfants dont aucun ne survit au roi.
Les morts successives de son fils le Grand Dauphin (1711) puis de l’aîné de ses petits-fils, le duc de Bourgogne (1712) laissent néanmoins un héritier, son arrière-petit-fils encore enfant, Louis (futur Louis XV).
PHILIPPE II, DUC D’ORLÉANS
Saint-Cloud, 1674 - Versailles, 1723
Régent de France (1715-1723)
FILS DE PHILIPPE d’Orléans, frère de Louis XIV, il fut habile capitaine lors de la guerre de Succession d’Espagne.
Après la mort de Louis XIV, il fait casser par le Parlement le testament du roi donnant le pouvoir effectif au duc du Maine – bâtard légitimé issu de la liaison de Louis XIV avec la marquise de Montespan – et se fait reconnaître régent du royaume.
La « Régence » évoquera désormais les roués, leurs vices et leurs orgies, les petits soupers fins. La licence des mœurs contraste, en effet, avec l’austérité de la fin du règne précédent. Son pouvoir est marqué par une réaction contre l’absolutisme de Louis XIV.
Libéral, il satisfait les attentes d’une noblesse bridée par le tout-puissant Louis XIV. Les parlements retrouvent leur droit de remontrance, les grands seigneurs dominent les conseils de régence, les jansénistes emprisonnés sont libérés.
Sa politique accumule les échecs : le système de la polysynodie en petits conseils irrite, tout comme les guerres coûteuses contre l’Espagne, alliée naturelle de la France.
Philippe II s’est en outre égaré en soutenant l’Écossais John Law dans ses expériences financières hasardeuses.
LOUIS XV LE BIEN-AIMÉ
Versailles, 1710 -
id
., 1774
Roi de France (1715-1774)
En 1715, à son avènement, fêté par tous, il est le Bien-Aimé. Quelques décennies plus tard, aucun mot n’est assez dur pour le qualifier. Abandon du Canada, perte de la Louisiane, fêtes dispendieuses, soumission aux groupes de pression de ces « Messieurs du parlement » jansénistes, réformes trop tardives… les reproches sont légion. Et pourtant, le long règne de Louis XV (cinquante-neuf ans) est marqué par un remarquable rayonnement de la culture française et un essor économique. Le roi lui-même est l’un des souverains les plus cultivés (bien qu’il condamne l’Encyclopédie) que nous ayons connus.
ARRIÈRE-PETIT-FILS de Louis XIV et fils du duc de Bourgogne, Louis, âgé de cinq ans à son avènement, est élevé par Mme de Ventadour, le maréchal de Villeroi et le futur cardinal de Fleury auquel il doit une excellente instruction et un intérêt particulier pour les sciences et les techniques, qu’il encouragera sous son règne.
Philippe d’Orléans exerce la Régence. Devenu majeur en 1723, Louis XV confie le pouvoir à des ministres, au duc de Bourbon (1723) renvoyé car trop impopulaire (1726), puis au cardinal de Fleury qui conserve la direction des affaires jusqu’à sa mort (1743). Cette période est la plus prosp ère du règne – Fleury, après l’échec de Law, assainit les finances, pratique une politique d’économie et de retour au colbertisme, favorisant ainsi le commerce colonial et la fiscalité. Le commerce extérieur connaît un grand essor. Nantes, Bordeaux s’enrichissent grâce au trafic du commerce triangulaire.
Malgré son pacifisme, le ministre engage la France dans la guerre de Succession de Pologne (1733-1738). Il soutient ainsi Stanislas Leszczynski, le beau-père du roi.
À la mort de Fleury, Louis XV annonce son désir de gouverner personnellement et ne nomme pas de Premier ministre. Cette nouvelle période sera moins faste.
À l’extérieur, deux grandes guerres, la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) et la guerre de Sept Ans (1756-1763) – très impopulaires – sacrifient les intérêts coloniaux de la France sans favoriser ses intérêts européens.
Dans la « folle guerre », la succession d’Autriche, Louis XV cède à la pression de l’opinion publique, favorable à une alliance avec le roi de Prusse, Frédéric II, ami des esprits éclairés. Mais ce dernier trahit la France, qui doit soutenir un effort de guerre prolongé. L’armée française remporta la bataille de Fontenoy (11 mai 1745) et, à cette occasion, Louis XV déclara au dauphin : « Mon fils, voyez ce que coûte une victoire ; le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire, c’est de l’épargner. »
La guerre de Sept Ans, déclenchée par les provocations de l’Angleterre, se termine par le désastreux traité de Paris (1763), dont peu de contemporains prennent la mesure. L’Angleterre s’empare de nombreuses colonies françaises en Amérique. La détention du domaine colonial est aussi gâchée en Inde, où Dupleix, premier nabab français, finit par partir, désavou é par la Compagnie.
À l’intérieur, l’opposition parlementaire est forte. Rétablis dans leurs pouvoirs sous la Régence, les parlements ne cessent de harceler le gouvernement, faisant figure de défenseurs des libertés publiques contre le despotisme alors qu’ils ne sont que le rempart des privilèges. La guerre de Sept Ans (1756-1763) étant très coûteuse, Louis XV soutient la politique fiscale de Machault d’Amouville, créateur de l’impôt du vingtième sur tous les revenus (1749), mais doit l’abandonner sous la pression des privilégiés.
En 1757, le roi est victime d’une tentative d’assassinat par Robert François Damiens, qui laisse la France indifférente. Damiens n’en est pas moins écartelé en place publique.
L’hostilité parlementaire trouve aussi son terrain d’élection dans la question religieuse, défendant le jansénisme et attaquant les jésuites, que Choiseul finit par renvoyer en 1762. En 1764, leur ordre est même dissous par le pape.
Après la disgrâce de Choiseul (24 décembre 1770), le triumvirat Maupeou-Ter-ray-d’Aiguillon tente de restaurer l’autorité royale. Les parlements sont renvoyés, mais ces mesures autoritaires arrivent trop tard.
Le roi est marié avec Marie Leszczynska, fille du roi détrôné de Pologne, de sept ans son aînée, le 5 septembre 1725. De leur union, naîtront dix enfants, dont le dauphin. Louis XV ne trouvant, auprès de la reine, que le coin le plus gris de la Cour, se divertit à partir de 1733 avec Mme de Mailly, sa sœur Mme de Vintimille, son autre sœur Mme de la Tournelle…
La plus célèbre de ses conquêtes est Mme d’Étiolle. À peine intronisée comme favorite, elle reçoit le titre de Mme de Pompadour. Belle, intelligente, cultivée, vive, cette femme de pouvoir, férue de philosophie, amie des encyclopédistes, habitu ée des salons « éclairés » du XVIII
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siècle, se fait présenter à Versailles en 1745. Au bout de cinq ou six ans, quand les feux de la passion royale déclinent, l’intrigante, loin d’être renvoy ée de la Cour, devient l’amie du roi. Elle organise fêtes et divertissements. Moins la Pompadour est amante, plus elle agit en souveraine.
Son règne dure ainsi vingt ans. Elle fait et défait les ministres, conseille les ambassadeurs, renverse des alliances, correspond avec les généraux. Toutes ces initiatives sont loin d’être heureuses. Elle flatte les faiblesses du roi plutôt qu’elle ne les combat.
Autre favorite, Mme Du Barry contribue à la chute de Choiseul et à l’avènement de Maupeou et d’Aiguillon. Elle se laisse entraîner dans des cabales qu’elle ne contrôle pas.
Roi mécène, Louis donne une partie marécageuse de son domaine où s’élèvera la place de la Concorde et lance la construction de nombre d’édifices: l’École de Droit, l’École de Chirurgie, l’actuelle École de Médecine, la Monnaie, l’église Sainte-Geneviève. Le roi fait rebâtir la colonnade du Louvre et reconstruire le château de Compiègne, ouvre le chantier de l’Opéra, fait élever l’aile « Louis XV » à Fontainebleau. Il charge Trudaine, conseiller d’État, de lancer de grands travaux routiers.
Le 10 mai 1774, Louis XV meurt de la variole. Il laisse le royaume agrandi de deux provinces: la Lorraine (1766) et la Corse (1768).